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Les perspectives de la cyberdémocratie : vers une démocratie augmentée ?

     


Dr. Ibtissame Azzaoui

Ingénieur d’état, PhD., Ex. parlementaire



Les perspectives de la cyberdémocratie : vers une démocratie augmentée ?
L’essor fulgurant des réseaux sociaux a transformé, en profondeur, la manière dont les personnes interagissent, échangent des informations et prennent part au débat public. Cette révolution numérique a introduit un nouveau concept politique, celui de la « cyberdémocratie ».

Ce terme fait référence à l’utilisation des technologies de l’information et des plateformes sociales pour promouvoir une participation citoyenne plus active et dynamique. Dans sa visée stratégique, elle a pour ambition de favoriser la démocratisation des processus politiques via une adhésion plus élargie soutenue par les canaux numériques. Ces nouveaux agoras numériques offrent des horizons inédits d’expression, de partage, de mobilisation et d’appel à l’action. Toutefois, ils soulèvent également de sérieuses et complexes questions en relation avec la gouvernance, la transparence et la sauvegarde des valeurs démocratiques universelles.

En démocratisant l’accès à l’information, les réseaux sociaux offrent à des millions de personnes la possibilité de s’informer, de partager des contenus multimédias et de s’engager dans des discussions à l’échelle globale. À la différence des médias traditionnels, souvent centralisés et limités par des contraintes géographiques, linguistiques ou encore éditoriales, les plateformes numériques permettent à chacun de se prononcer et de s’exprimer librement, sans tenir compte de son statut socio-économique ou de son appartenance géographique. Cette pluralité de voix enrichit le débat public et favorise une réflexion démocratique plus large et inclusive entre les différentes franges des populations mondiales.

Les espaces numériques sont devenus des outils incontournables pour la sensibilisation et la mobilisation citoyenne. Des mouvements tels que le Printemps arabe, les Gilets jaunes en France, ou encore le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, ont montré comment des plateformes comme X (anciennement Twitter), Facebook et Instagram peuvent servir de catalyseurs pour l’organisation de manifestations, l’amplification de la diffusion des revendications et l’éveil des consciences quant aux causes sociales diverses. La capacité de ces espaces digitaux à mobiliser rapidement des foules importantes témoigne de leur puissance en tant qu’outils de démocratie participative. 

Au Maroc, les réseaux sociaux ont joué un rôle déterminant dans la mobilisation citoyenne autour de causes importantes, comme celle de la signature de pétitions en faveur de la création d’un fonds national pour la lutte contre le cancer. Les pétitions ont émergé comme un outil innovant de participation citoyenne au Maroc avec l’adoption de la Constitution de 2011. Cette nouvelle constitution a marqué un tournant important dans l’ouverture des institutions publiques à une démocratie participative, en intégrant des mécanismes qui permettent aux citoyens d’exprimer directement leurs préoccupations et leurs demandes en utilisant plusieurs canaux dont le canal digital.


En facilitant la communication entre les représentants du peuple (les élus) et leurs représentés (les citoyens), les réseaux sociaux ont également ouvert la voie à une participation plus directe aux processus et aux dialogues politiques. Les plateformes permettent aux citoyens de s’adresser directement à leurs mandataires, de participer à des consultations publiques en ligne, et même de contribuer à l’élaboration de politiques publiques via par exemple des mécanismes constitutionnels telles que motions et les pétitions. 

L’un des principaux défis posés par les réseaux sociaux est la prolifération de la désinformation. Les fake news et les campagnes de désinformation orchestrées par des acteurs malveillants, nationaux ou internationaux, peuvent manipuler l’opinion publique et influencer par exemple des idées et des mouvements régis par des enjeux tout à fait malsains voire même aller jusqu’à impacter, dans certains pays, le résultat des urnes électorales. Ces phénomènes d’ingérences étrangères ont été soulevés lors de plusieurs élections majeures, notamment aux États-Unis et en Europe.

Certains algorithmes des réseaux sociaux ont tendance à créer des bulles de filtres ou des cloisonnement virtuels, où les internautes sont principalement exposés à des contenus qui confirment et renforcent leurs opinions et convictions préexistantes. Cela peut engendrer une polarisation accrue de l’opinion publique, rendant plus difficile le dialogue, l’ouverture, l’acceptation des différences, l’impossibilité de se questionner sur ses propres postulats, et la difficulté d’atteindre des zones de compromis entre différentes visions politiques ou sociétales. La polarisation excessive est une menace pour la cohésion sociale. Elle complique la gouvernance démocratique, qui repose, en premier lieu, sur la quête de consensus, le respect et l’inclusion de toutes les voix.

La cyberdémocratie soulève également des questions cruciales en matière de vie privée, de protection des données personnelles et de surveillance. Les données personnelles des utilisateurs du net sont souvent collectées à grande échelle, parfois à leur insu, méconnaissance ou non vigilance, et peuvent être exploitées à des fins commerciales ou politiques. Il est essentiel de renforcer les framework législatifs existants en mettant en place des régulations strictes pour protéger le respect de la vie privée, garantir l’éthique de l’utilisation des données et l’intégrité de leur traitement.

Le développement de la cyberdémocratie offre des opportunités pour réinventer la démocratie. Des technologies comme la blockchain, les plateformes de vote en ligne sécurisé, et les systèmes de délibération participative en ligne peuvent renforcer la transparence, l’efficacité, la confiance, l’équité et l’inclusion des processus démocratiques. Ces innovations ont le potentiel de rendre la démocratie plus ouverte et plus accessible, surtout pour les populations jeunes ou encore celles marginalisées ou éloignées des centres de pouvoir.

Pour que la cyberdémocratie réalise son plein potentiel, il est crucial de former les citoyens aux compétences numériques et à la pensée critique. Tout ce qui est publié sur Internet n’est pas nécessairement vrai. Il est donc fondamental d’apprendre aux individus à évaluer et à filtrer de manière critique et judicieuse les informations qu’ils rencontrent en ligne, à identifier les sources fiables, et à détecter les biais ou les manipulations. L’éducation numérique doit devenir une priorité pour que la population puisse naviguer dans l’écosystème complexe et multidimensionnel des interfaces sociales digitales, discerner les contenus fiables des faux, et participer selon une approche éclairée, responsable et productive aux débats en ligne. Seule une population bien informée et numériquement éduquée peut tirer pleinement parti des avantages de la cyberdémocratie.


L’influence des réseaux numériques sur la démocratie est irréfutable et de tendance strictement ascendante. L’ascension de la cyberdémocratie offre des perspectives fascinantes pour renforcer et soutenir l’engagement et la participation citoyenne et revitaliser les institutions démocratiques. Cependant, ces opportunités s’accompagnent de défis majeurs, notamment en matière de désinformation, de polarisation et de protection de la vie privée. Pour que la cyberdémocratie puisse pleinement contribuer à une démocratie plus inclusive et participative, il est essentiel de relever ces challenges par l’innovation technologique, l’éducation numérique, et une régulation adaptée. Le futur de la démocratie pourrait bien se jouer en ligne, à condition que les règles du jeu soient claires, équitables, et respectueuses des droits fondamentaux de chaque citoyen.



السبت 19 أكتوبر 2024
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