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"CA" DE TOULOUSE : Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi

     



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

29/03/2024


ARRÊT N°2024/112


***

ARRÊT DU VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE


***

APPELANTE


Madame [M] [X]

[Adresse 2]

Timent B - Appt 101

[Localité 3]



Représentée par Me Olivier MICHAUD de la SELARL JURICIAL, avocat au barreau de TOULOus

INTIM''E

S.A.R.L. AP

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sébastien REY de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES



COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S. BLUM'', présidente, et M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère



Greffier, lors des débats : C. DELVER


ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUM'', présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
Exposé du litige

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [M] [X] a été embauchée, sans contrat de travail écrit, le 27 septembre 2019 par la Sarl AP, exploitant une charcuterie, en qualité de vendeuse occasionnelle suivant la convention collective nationale de charcuterie de détail.

Mme [X] exerçait sur un stand de vente à emporter lors des matchs à domicile joués à [Localité 6] par l'équipe de football des Chamois Niortais. En raison de la crise sanitaire, les matchs ont été suspendus à compter du mois de mars 2020 et Mme [X] a cessé de travailler.

Par SMS des 23 et 24 juin 2021, la Sarl AP a sollicité que Mme [X] lui transmette une lettre de démission.

Par courrier du 25 juin 2021, Mme [X] a refusé de démissionner et a proposé à son employeur une rupture conventionnelle, en précisant par ailleurs qu'elle était fondée à solliciter la requalification de son contrat en CDI ainsi qu'à dénoncer une situation de travail dissimulé.

Les parties ont signé un accord de rupture conventionnelle le 16 juillet 2021.

Par courrier du 23 juillet 2021, Mme [X] s'est rétractée.

Par courrier du 30 juillet 2021, elle a renouvelé ses demandes quant à la requalification de son travail et à sa situation de travail dissimulé.

Mme [X] a été placée en arrêt de travail pour les matchs du 31 juillet et du 28 août 2021.

Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 24 septembre 2021 pour demander la requalification de son contrat en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet, pour en contester la rupture, demander sa résiliation judiciaire ainsi que le versement de diverses sommes.



Après avoir été convoquée par courrier du 24 novembre 2021 à un entretien préalable au licenciement fixé au 14 décembre 2021, elle a été licenciée par courrier du 28 décembre 2021 pour faute grave en raison d'absences injustifiées.


Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section commerce chambre 1, par jugement du 5 juillet 2022, a :

- dit que le conseil de prud'hommes de Toulouse est territorialement compétent,

- débouté Mme [X] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de ses demandes à ce titre,

- débouté Mme [X] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

- débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour le manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- débouté Mme [X] de sa demande de requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée et de sa demande d'indemnité à ce titre,

- débouté Mme [X] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- dit que le licenciement de Mme [X] est justifié par une faute grave,

- débouté Mme [X] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [X] de sa demande au titre de l'irrégularité de procédure du licenciement,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de Mme [X].

Par déclaration du 18 août 2022, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 juillet 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 6 avril 2023, Mme [M] [X] demande à la cour de :

In limine litis,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le conseil de prud'hommes de Toulouse est territorialement compétent,

- constater la compétence territoriale de la Cour d'appel de Toulouse,

- débouter la Sarl AP de sa demande visant à voir la Cour d'appel de Toulouse se déclarer incompétente au profit de la Cour d'appel de Poitiers,

- réformer le jugement contesté en ce qu'il:

*l'a déboutée:

. de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de ses demandes à ce titre,

. de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

. de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour le manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

. de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

* dit que son licenciement est justifié par une faute grave,

* l'a déboutée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

* a mis les dépens à sa charge.

Statuant à nouveau :

- requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet,

- constater que la Sarl AP s'est livrée à des agissements constitutifs de travail dissimulé,

- constater que la Sarl AP a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- prononcer à titre principal la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la Sarl AP,

- juger à titre subsidiaire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- fixer son salaire mensuel moyen à la somme de 1.788,34 euros bruts,

- condamner la Sarl AP au paiement des sommes suivantes :

39.045,16 euros bruts à titre de rappels de salaire pour la requalification du temps partiel en temps complet, outre 3.904,52 euros au titre des congés payés y afférents,

10.730,04 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour le manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

3.576,68 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.080,43 euros à titre d'indemnité de licenciement,

3.576,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 357,67 euros au titre des congés payés y afférents,

- ordonner la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- assortir les condamnations à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, avec capitalisation des intérêts,

- condamner la Sarl AP au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl AP aux entiers dépens.


Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 janvier 2023, la Sarl AP demande à la cour de :

- débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a :

* dit que le conseil de prud'hommes de Toulouse est territorialement compétent,

* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

- réformer ledit jugement sur ces points.

Statuant à nouveau,

In limine litis,

- se déclarer incompétent au profit de la Cour d'Appel de Poitiers.

- sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamner Mme [X] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

En tout état de cause,

- condamner Mme [X] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel outre aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 12 janvier 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Motivation


MOTIVATION

Sur la compétence territoriale du conseil de prud'hommes


L'article R.1412-1 du code du travail dispose:

« L'employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud'hommes territorialement compétent. Ce conseil est :

1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;

2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi. »

L'article 90 du code de procédure civile stipule:

« Lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions. Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.

Si elle n'est pas juridiction d'appel, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Cette décision s'impose aux parties et à la cour de renvoi. »

La société soulève l'incompétence de la juridiction prud'homale de [Localité 8] pour celle de [Localité 6], Mme [X] ayant toujours été affectée au même lieu de travail, à savoir le stand mis à disposition par la SARL au sein de l'enceinte du stade [P] [E] à [Localité 6], lequel doit être considéré comme un établissement de l'entreprise (distinct de celui du droit des sociétés), étant un lieu fixe de travail au sein duquel exercent plusieurs salariés de la société AP.


Mme [X] réplique que les règles de compétence territoriale sont d'ordre public, toute clause y dérogeant est réputée non écrite; que l'existence d'un établissement s'apprécie au regard des modalités effectives d'exécution du travail, relevant du pouvoir souverain des juges du fond et que le stand de vente temporaire pendant les matchs de football ne peut être considéré comme un établissement.


Sur ce:

Lors de son engagement et pendant l'exécution du contrat de travail, Mme [X] était étudiante à [Localité 6] puis elle a déménagé à [Localité 8].


Selon extrait d'immatriculation du greffe du tribunal de commerce de Niort, la SARL A.P a son siège social et principal établissement situé [Adresse 1], où elle exerce son activité de boucherie.


Les parties s'accordent sur le fait que l'appelante exerçait son activité uniquement sur le stand de vente de sandwicherie exploité par la SARL A.P, situé dans l'enceinte du stade à [Localité 6] pendant les matchs de football de l'équipe des 'Chamois niortais'.


Il ressort des pièces versées par la société que:

. ce stand était fixe, d'une surface de 25m2 à demeure dans l'enceinte du stade, où étaient installés le matériel nécessaire ( pour les grillades et frites), les tables et les comptoirs, tel que décrit par l'un des salariés M. [U] dans son attestation et tel que corroboré par une photographie faisant apparaître l'enseigne [N], 'partenaire des Chamois depuis 1992",

. en 2019, a été effectuée par l'organisme APAVE, à la demande de M. [N], la vérification de l'installation électrique du stand situé au stade, la précédente étant intervenue en 2015, le rapport mentionnant 'stand charcuterie [Adresse 5]' N° Etab 400231787,

. une attestation de l'assureur MMA du 23-11-2021 précisant que la SARL AP Charcuterie Lamothe a souscrit un contrat d'assurance en qualité de locataire des bâtiments situés stade chamois niortais,

. plusieurs salariés travaillaient en même temps que Mme [X] sur le stand de vente du stade.


Ainsi ce lieu était fixe, faisant l'objet d'une location, accrédité d'une exploitation sur site autonome et déclinée régulièrement au cours des années, aux dates des matchs de football.

Aussi il y a lieu de qualifier d'établissement, le stand de vente de la SARL A.P, ouvert dans l'enceinte du stade de [Localité 6], où travaillait exclusivement Mme [X].

De ce fait, le litige l'opposant à l'employeur ne relevait pas de la compétence territoriale du conseil de prud'hommes du lieu du domicile (Toulouse) mais de celui du lieu du travail ( Niort).


En l'espèce, la Cour d'appel de Toulouse n'étant pas juridiction d'appel du conseil de prud'hommes compétent, il convient de renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Poitiers, juridiction d'appel du conseil de prud'hommes de Niort.

Sur les demandes annexes:


Il convient de réserver les dépens de première instance et d'appel.


L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile .



Dispositif
PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,



Infirme du chef de la compétence territoriale le jugement déféré et des dépens,

Renvoie l'affaire au fond devant la Cour d'appel compétente territorialement de Poitiers,

Réserve les dépens,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM'', présidente, et C. DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE

C. DELVER S. BLUM''



الجمعة 5 أبريل 2024
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