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Du modèle de l’Etat califal à l’adoption d’une structure étatique nationale : Cas du PJD

     



Du modèle de l’Etat califal à l’adoption d’une structure étatique nationale : Cas du PJD

Abdellatif BENBOUNOU, professeur de sciences politiques à l’Université Hassan premier-Settat

 

       L’espoir des islamistes du monde arabe était lors des créations des mouvements islamiques, l’unification des Etas du monde musulman. Ces islamistes considèrent que la création des Etats régionaux était la conséquence de la colonisation du monde arabe par les grandes puissances. Actuellement cette vision n’est pas opérationnelle du fait de la complication des relations internationales encadrées par le droit international public.

      Le choix de la territorialisation de l’Etat national passe par la mise en cause du régime politique califal.

A-L’aspect temporel de l’Etat califal

La pensée politique des mouvements islamistes en monde arabe s’inspire des écrits du penseur égyptien Sayyid Qotb qui voit que le pouvoir dans la pensée musulmane revient à Dieu seul. La religion se fonde sur la divinité unique. Et tous les modes de vie proviennent de cette origine divine. L’homme doit renouer avec la soumission à Dieu. Deux chemins s’offrent à l’humanité : le chemin de Dieu et le chemin de la période préislamique jahiliya. « Nous prêchons pour un régime dont le pouvoir revient à Dieu seul. Aucun individu, aucune classe ou groupe d’hommes ne doit détenir un pouvoir. C’est dans ce régime qu’on pourra réaliser l’égalité effective [[1]] ».
Que signifie le pouvoir pour les islamistes et quelles en sont les limites ainsi que les fondements légitimes ? Comment peut-on le légitimer une fois il est en place ? La notion de pouvoir revêt-elle un fondement religieux ou civil [[2]] ?
Qotb déduit que la théorie du pouvoir en Islam émane de cette attestation « Il n’y a de Dieu que Dieu ». C’est le fondement du pouvoir en Islam. Il s’agit de la Hakimiya du Dieu seul. C’est Dieu qui a le règne et le commandement sur les humains. Il organise leurs situations, leurs vies, leurs droits et leurs devoirs suivant leur lien de fidélité à la charia ».
La soumission totale à la volonté divine permet d’éviter l’implication de l’homme dans l’élaboration des lois positives. C’est une grande différence entre le régime du pouvoir dans l’Islam et celui exploré par l’homme. Ce sont des régimes qui appartiennent à la période de jahiliya[[3]. La confrontation des islamistes aux laics et la lecture de leur littérature politique les incitent à réviser la pensée politique traditionnelle sur le fondement du pouvoir en Islam en soutenant que l’histoire de l’Islam politique n’a pas connu la forme d’un État théocratique. Le problème de l’État religieux est un problème européen, car l’Europe a connu dans l’histoire, l’émergence de l’État théocratique. Le Roi est sacré et il fonde sa légitimité sur la volonté divine[[4]]l . Cependant, dès le début, la fondation de l’État califal a pris une dimension politique basée sur l’initiative humaine de la communauté musulmane. De même, la nomination de califat est une nomination purement linguistique. Elle n’a aucun rapport avec la révélation.
« Le sunnisme et le chiisme diffèrent aussi sur d’autres points importants de la théorie du califat : principalement sur le fondement de la légitimité de la succession (le texte, nass, dans le cas du chiisme et le choix, ikhtiyar, dans le cas du sunnisme) et sur l’attribut de l’infaillibilité (‘isma) de l’imam (pour le chiisme, l’Imam est infaillible, pour le sunnisme, l’imam n’est pas infaillible). Ces deux courants s’apparentent quant au modèle de référence. Ce dernier est perçu comme la combinaison du religieux et du politique ; le religieux est le catalyseur de l’édification d’une organisation politique de la communauté musulmane tandis que le politique se manifeste comme l’instrument d’un objectif moral et eschatologique [[5]] »
Nous noterons dans cette recherche, que la légitimité du pouvoir dans la pensée politique islamique à travers l’histoire est examinée sur deux niveaux : le premier concerne les modes d’investiture du calife et le deuxième est lié tant au contenu de son pouvoir qu’aux critères et aux compétences du calife gouvernant. 
Le régime islamique politique ne régna que quarante ans: dix ans de prophétie et de prédication et trente ans de khilafat sur le chemin du messager de Dieu. Le pouvoir héréditaire monarchique succède à ce régime politique comme cela a été exprimé par le Prophète Mohamed dans le hadith Ibn Daoud. Le régime de mulk est fondé sur la contrainte, la force, la domination et non pas sur le consentement et le respect des droits de la nation au choix des gouvernants. (Abou Mossa Al-Ach’ari : Le califat est une représentation et le Mulk est une contrainte ». Le mulk est tout un régime qui ne prend pas comme modèle l’expérience prophétique et qui adopte les apparences et les protocoles de prestige…. 
Les descendants du Prophète et ses compagnons savaient que le Califat n'était pas une question qui relevait du scrutin, du consentement et de la consultation des musulmans. Pour eux, le pouvoir n'était pas fondé sur la contrainte. Ils n'ont même pas revendiqué d'exercer l’autorité que ce soit à leur profit ou à celui de leurs proches[[6]] .
Les califes ne traitaient jamais une affaire avant d'avoir consulté les musulmans, détenteurs du jugement sûr et avisé. En cas de problème à régler, ils recouraient au Coran, ou à la Sunna, si la solution n'avait pas été précédemment trouvée, et enfin, ils consultaient l'élite des oulémas pour trouver la meilleure solution. Ils tiraient alors les enseignements en consultant les héritiers de l'expérience prophétique. Ainsi, les califes suivaient ce chemin. Celui du Prophète, pour instaurer la justice et la garantie des droits, sans discrimination entre faibles et forts, entre riches et modestes[[7]] . « Une lecture révolutionnaire du Coran, pour reprendre l’expression d’Olivier Carré, ne se projette pas dans un futur à inventer, mais appelle à l’actualisation d’un modèle d’âge d’or (al Asr al- Dahabi) et à la restauration de la cité prophétique idéale de Médine ». Pour cette raison Mohamed Al-Hamdaoui affirme que, « dans notre conception politique, nous croyons à l’État islamique suivant la voie du califat qui doit tenir compte des intérêts des gens et de la réalisation de la justice ainsi que de la dignité que chaque homme a le droit d'avoir sur terre ». Al-Mawdoudi soutient également que l’État islamique est un État qui englobe tous les aspects de la vie humaine.                                       
 Nous en déduisons que le modèle historique sultanien de l'État n'est pas le modèle idéal souhaité par les musulmans désireux de trouver un modèle conforme à leurs attentes, au progrès de leur société et aux conditions de leur époque.
Ainsi, il n'y a pas eu de discussion au sein de la communauté musulmane pour savoir si l'existence d'un État était ou non une obligation. Les opinions sont pourtant divergentes quant au fondement du pouvoir. Les écarts étaient si conséquents qu’ils ont occasionné le plus grand désaccord né au sein de l’Uumma. Cela a même été mentionné par Chahrastani dans son ouvrage (al-Milal wa an-nihal)). Ces différends nous emmènent à penser que l'Islam n'a pas donné de conception précise de ce que devait être l'État. C’est l'homme qui est appelé à réfléchir à la façon d’organiser le pouvoir politique, sans pour cela être obligé de faire référence aux textes religieux. Ainsi, l’institution étatique relève des questions temporelles, il est une institution purement civile. Ni le Coran ni la Sunna (Tradition prophétique) n’avaient défini les modalités précises de la succession (khilâfah, dont dérive le terme califat), ni les fonctions explicites de celui à qui reviendrait la charge de la direction temporelle de la communauté islamique. A fortiori, aucun des textes de base de la doctrine n’avait prescrit un type particulier de gouvernement. Les idées politiques contenues dans le Coran ne fournissent aucun schéma directeur précis d’autorité ». « De même, le titre commandeur des croyants n’est pas un terme coranique. Le terme Khalifah (calife) mentionné dans le Coran signifie Khalifata-Allâh (lieutenant de Dieu). Il désigne chaque homme représentant de Dieu sur terre ». Le califat n'étant pas une constante du régime politique, il n'était pas ce modèle unique qu'ont suivi les premiers califes. La khilâfat selon la Tradition prophétique est un régime où la religion prend tout son sens. L’exercice du pouvoir et la gestion des affaires de la nation se font conformément aux principes et à l’esprit de la religion. Donc Khilâfat peut se fonder sous les différentes formes du premier modèle califal, selon l'initiative avisée des musulmans, tout en respectant la manifestation de l’esprit de la religion quel que soit le lieu ou l'époque. Cependant, le régime de Mulk caractérise tout système politique présidentiel, monarchique, populaire ou républicain.     
De plus, toutes les expériences étatiques connues dans l’histoire du monde arabo-musulman, ne représentent pas le modèle d’un État islamique tel qu’il fut incarné durant la période califale. Ces expériences n’incarnent pas non plus la vérité de l’Islam et son système d’exercice du pouvoir. Cette représentation imaginaire et idéale du pouvoir dans l’Islam est due à des expériences individuelles et personnelles d’exercice du pouvoir par les compagnons du Prophète «(kholafa ar-achidoune). Ces califes ont donné la priorité aux droits et à l’intérêt public de la nation, sans tenir compte de leurs intérêts personnels. Cette conception reflète une perception réductrice de l'État et le restreint à la personnalité du gouvernant qui se doit d'avoir un comportement politique irréprochable pour guider comme il se doit la communauté. 
La bonne gestion du régime califal est due à la compétence et à l’équité des califes et non pas aux institutions politiques et au régime constitutionnel permettant d’organiser le rapport entre gouvernants et gouvernés. Aujourd’hui, pour garantir un fonctionnement moderne de l’État, il est impératif de le doter d'institutions politiques modernes, afin de lutter contre tout glissement éventuel du régime politique vers le despotisme[[8]] .
 Pour succéder au Prophète dans la gestion des affaires temporelles de la communauté, il a fallu nommer un calife comme gouvernant suprême de la nation. Cette mission recourt à l’ijtihad dans un domaine où aucun responsable n’est infaillible, (même lorsqu'il s'agissait du Prophète), et ne peut pas être remplie par un calife, car elle est d'ordre prophétique et qu'elle veille à transmettre la révélation[[9]] . Il s’agit ici d’une mission purement temporelle. Elle fait appel à un modèle constitutionnel contemporain qui incarne les caractéristique de khilâfah ar- rachida qui dépasse la forme pour atteindre les grands objectifs liés à la promotion de la justice, de la souveraineté de la charia, du droit de la nation à choisir ses gouvernants à travers les élections et l’organisation du pouvoir par Choura (consultation) ainsi que la garantie de la liberté d’expression et le droit à l’opposition[[10]] . 
A travers une lecture compréhensive de l’expérience politique occidentale, Saad Eddine Al-Othmani déclare qu’il est possible de déterminer un modèle fondé sur le compromis entre ce qui relève du droit positif et ce qui est révélé. L’enjeu était de répondre aux attentes de la nation dans un cadre d’arrangement et d’accord. Ceci suppose qu’à l’exception des grands principes généraux, les actions politiques se conçoivent en dehors du sacré et doivent relever du temporel[[11]] . En effet, l’Islam n’avait pas déterminé de méthode précise pour la désignation du gouvernant, ni une durée d’investiture du chef de l’État, ni encore les modes précis des élections. Ces questions relatives à la vie politique sont déléguées à l’initiative humaine par le biais de délibérations entre les citoyens par recours à l’ijtihad et prenant en considération les évolutions spatio-temporelles. 
 Les limites juridiques et institutionnelles du système politique califal, en plus de l’incapacité à maîtriser un conflit politique par le recours à des procédures civiles et pacifiques ont une grande influence sur la production d’une doctrine islamique constitutionnelle fiable. N’ayant pas trouvé sa position politique, la doctrine constitutionnelle demeure sous-tendue entre le modèle califal et le modèle politique réel. Ce dernier, soutenu par la force, consiste à justifier le pouvoir du sultan tout puissant recourant à la contrainte pour lutter contre l’anarchie et l’instabilité sans se soucier du développement des mécanismes et des techniques constitutionnelles consécutifs à l’exercice du pouvoir[[12]]. Cette situation caractérisée par un vide constitutionnel permet aux musulmans de chercher le système constitutionnel plus apte à gérer efficacement les affaires de l’État national.                   

B-Nationalisme et Etat islamique national

Soulignons, ici que l’islamisme avait une base sociale très étendue. En effet, le mouvement islamique s’était inspiré du supranationalisme islamique pour dénoncer le caractère artificiel des nations issues du découpage colonial, en faveur d’une grande et mythique « Umma » arabo-musulmane. Chaque pays arabo-musulman était donc défini comme une région, et non comme une nation. Contrairement à la tendance générale de l’idéologie d’unification de la nation des Frères Musulmans connue pour sa critique sévère au nationalisme arabe en souhaitant la reconstruction de l’Umma sous la lumière de l’orientation islamique, le mouvement islamique moderne a emprunté la voie du nationalisme donnant ainsi la priorité à l’initiative locale.
Au début des années soixante-dix, l’islamisme maghrébin s’est communément nourri des valeurs transnationales de l’arabisme et de l’Islam. « Sans doute des références à des communautés plus larges que le cadre de l’État nation, telles que la Umma et la nation arabe, ont-elles marqué le discours et la stratégie des mouvements nationaux ainsi que les textes fondateurs de la légitimité institutionnelle des autorités étatiques du Maghreb indépendant[[13]]».
La fondation de l’État islamique était la revendication essentielle du mouvement islamique contemporain. Cette revendication s’est renforcée suite à la chute de l’État califal Ottoman qui fut symbole de l’unité de la nation musulmane. Après l’évolution des événements dans le monde, cette revendication devenant impossible à réaliser, ont émergé de nouveaux courants islamistes qui pensaient réformer le pouvoir afin qu’il soit conforme aux changements contemporains[[14]] .
Au début des années soixante-dix, les islamistes orientent leur réflexion sur l’État et non sur la nation. Mais en se focalisant sur l’État, ils cautionnent la territorialisation et les sociétés réelles, qu’elles soient issues d’une longue histoire (Iran, Égypte) ou produits d’un découpage colonial motivé par les équilibres stratégiques et les intérêts des puissances mondiales ou régionales[[15]] . C’est la problématique de la conquête et de la gestion de l’État qui fait que les islamistes, en tout cas les courants « centristes », sont aujourd’hui devenus plus nationalistes que partisans d’un État islamique. Les mouvements centristes sont ceux adoptant dans un premier temps une stratégie politique de conquête du pouvoir d’État. Dans un deuxième temps, qu’ils soient parvenus au pouvoir ou non, ils préconisent une politique de gestion, donc de participation à un champ politique qu’ils ont eux-mêmes contribué à ouvrir. Les islamistes visent en effet à conquérir l’espace de décision. Pour prendre ou gérer le pouvoir, il faut un programme, des alliances, une prise en compte de la complexité de la demande sociale[[16]] . Dans ce sens, les islamistes de PJD visent l’instauration d’une politique de réforme institutionnelle et nationale en affirmant que l’Etat islamique marocain est déjà existant. Leur action militantiste est délimitée par les frontières de l’Etat territorial.
Abdellah Baha insiste sur la spécificité du cas marocain par rapport aux pays d’Orient. Il estime que le cadre islamique de la monarchie marocaine est similaire à celui du califat islamique qui régnait en Trquie avant son abolition en 1924 : « Nous ne pouvons pas nier que l’État islamique fut consolidé historiquement au Maroc. En Orient, c’est juste après la chute du califat islamique Ottoman que l’on a commencé à évoquer l’État islamique. Le cas marocain est assez spécifique car le régime politique l’ayant vu naître est similaire à celui du califat Ottoman. C’est ainsi que le problème de la mouvance islamiste orientale ne s’est pas transposé au Maroc tant l’État islamique était déjà fondé au Maroc[[17]] ».
Une option que Saadine Othmani réaffirme ainsi les propos d’Abdellah Baha « la littérature de notre parti est très claire.  Elle ne comporte aucune référence à l’Etat islamique. Nous croyons que l’État islamique est déjà fondé au Maroc. Nous considérons cela comme étant un fait positif. Si nous voulons défendre une idée dans le cadre de la religion islamique, elle trouvera sa crédibilité dans la nature même du régime et dans les fondements de l’État marocain en tant qu’histoire et constitution, et dans le statut du Roi ».
Abdelali Hamidedine souligne la conformité du régime monarchique à l’idée de l’État islamique. De plus, il reconnaît l’utilité de ce régime pour son parti : « Puisque la Constitution marocaine affirme l’islamité de l’État, nous ne sommes pas concernés par le fait de l’instaurer[[18]]». 
Face à la tendance de certains prédicateurs musulmans qui considèrent que la nationalité du musulman est sa croyance, Raissouni voit dans la nationalité, une appartenance civile et sociale qui impose des droits et des devoirs. Il ne s’agit pas d’une appartenance basée sur la confession religieuse[[19]] . Cependant, ce nationalisme a le devoir de respecter la conviction religieuse du peuple. Un nationalisme qui ne s’oppose pas à la religion, qui associe les valeurs du nationalisme et du patriotisme comme osmose naturelle, et qui favorise la coopération et l’entente entre les gens. Ceci n’est pas contradictoire avec l’universalisme islamique ou humain, mais c’est un pilier et un critère de la valeur universaliste de l’homme. En effet, l’évolution de l’humanité vers l’unité islamique et la tendance humanitaire ne pourraient se réaliser en se passant du nationalisme et du local[[20]] . C’est ainsi que les islamistes privilégient le respect et la protection des autres langues locales dans le cadre d’une diversité culturelle, sans menace pour l’unité nationale. L’appartenance à l’Islam établit une base sociale plus large. Nulle contradiction ici entre une identité linguistique, culturelle et une logique d’islamisation[[21]].
C’est par l’inscription de leur action politique dans le cadre territorial de l’État-nation que les mouvements islamistes sont devenus nationalistes, ou du moins se sont nationalisés, à l’encontre de leur idéologie d’origine, qui se voulait internationaliste. En ce sens, les grands mouvements islamistes ont été des facteurs de renforcement de l’État-nation et se retrouvent aujourd’hui proches des nationalistes laïcs dans leur opposition à la politique étrangère des États-Unis. À l’inverse, le radicalisme violent est le propre des mouvements déterritorialisés, comme le courant islamiste jihadiste[[22]] .
Le parti du PJD ou le mouvement islamique marocain sont des organisations nationales qui travaillent dans le cadre national tout en respectant le système juridique de l’État. La conception générale de l’action du Mouvement de l’Unicité et de Réforme consiste à faire régner la religion dans l’institution étatique et dans la société. Sa participation à la mise en œuvre d’une civilisation humaine, juste, est recommandée par le texte religieux. La mission du musulman n’est pas limitée par un territoire, elle est universelle. Pourtant son action prédicative reste soumise à l’ordre des priorités. Ainsi, le musulman pratiquant doit commencer par son territoire régional, puis évoluer vers un autre niveau, conformément à la sunna prophétique. Il y a des cercles d’action et de missions organisées suivant l’ordre de priorité. Mohamed Yatim déclare que la nation marocaine est une nation qui appartient respectivement au Maghreb Arabe, à la nation arabe, à la nation musulmane, aux nations africaines puis à la nation humaine[[23]] .
 Pour renforcer l’idée de priorité du local, Mohamed Yatim fait appel à une règle islamique qui indique que les dons peuvent s'octroyer aux personnes qui appartiennent au même milieu géographique, à la même patrie. C’est une règle essentielle en Islam. Pour l’aumône, il en va de même, le musulman donne en priorité aux nécessiteux qui habitent à proximité, dans le même milieu territorial. De la même façon, quand le Coran évoque les cadres du regroupement humain tels que les tribus, les peuples et les nations, il rappelle la question de l’organisation de l’humanité et de la société toute entière. « Ô les gens nous vous créons peuples et tribus pour vous reconnaître ». Ceci est une recommandation coranique de la collaboration au niveau du savoir et de l’expérience dans les différents domaines de la vie. C’est une recommandation vers l’ouverture sur l’espace immense de l’humanité[[24]] . Le rêve des islamistes de PJD est donc la fondation du Maghreb Arabe, et le maintien de la ligue arabe et de l’Organisation de la Conférence Islamique. Ils rêvent encore d’une justice équitable et de la sécurité dans le monde dans le cadre des Nations Unies et du Conseil de sécurité[[25]] . Conformément à leur doctrine réformiste, ces islamistes veulent donner sens et valeur aux institutions politiques et administratives régionales et internationales. Ils pensent à y introduire des valeurs de justice et d’équité. Leur pragmatisme tend à l’exploitation de ce qui est existant sans penser au changement institutionnel radical.
Les islamistes de PJD, eux-mêmes, restent très attachés aux questions nationales, cependant, ils ont aussi un avis concernant les causes internationales. Ils espèrent que les institutions internationales deviendront plus justes et équitables, cela en vue d’instaurer la paix et la sécurité au niveau mondial. Cet objectif défendu de manière plus ou moins équitable par les Nations Unies ressemble fort à celui de la Kihilafat Islamiyya. Ce point de vue a été réaffirmé par Mohamed Yatim qui soutient que « Si le Conseil de sécurité ou les Nations Unies faisaient régner un ordre mondial juste et équitable pour tous les peuples, sans domination des grandes puissances, il serait alors en conformité avec le régime de la Khilafa islamiya ».
 
Bibliographie
-Sayed Qotb, Etudes islamiques, p 81-82, cité dans Hossein Saad, Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et la réalité changeante, (En arabe),  Centre des études de l’unité Arabe, 2ème Edition, Beyrouth, 2006.
-Dictionnaire critique de la sociologie, Raymond Boudon François Baurricaud, Presses universitaires de France, 1982.
-Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et la réalité changeante. Hossein Saad, Centre des études de l’Unité Arabe.
-Ahmed Raissouni, Pensée islamique et questions politiques contemporaines, AR al-Kalima, 2010.
-Mohamed Mouaqit, Du despotisme à la démocratie : héritage et rupture dans la pensée politique arabo-musulmane, Editions le Fennec, 2003.
-Charte du Mouvement de l’Unicité et de Réforme : vue politique, 1998.
-Abdelali Hami Eddine, La Constitution marocaine et les enjeux des équilibres de force, éd An-Najah Al-Jadida, 2005(En arabe).
-Saad Eddine Al-othmani, Religion et politique, distinction sans séparation, éd Centre Culturel Arabe, Casablanca, 2009.
-Abdelali Hami Eddine, La Constitution marocaine et les enjeux des équilibres de force.
-Saad Eddine Al-Othmani, Religion et politique, distinction sans séparation.
-Abdelali Hami Eddine, La Constitution marocaine et les enjeux des équilibres de force, éd Anajah Aljadida, 2005 (En arabe). Cf, Mohamed Yatim, Le mouvement islamique entre le culturel et le politique, Publication de Zamane.
-Jean Claude Suntucci, Etat, légitimité, identité au Maghreb : les dilemmes de la modernité, In Confluences, N°6, Printemps 1993.
-Abdelali Hamiddine, voir mémoire de Mohamed Fadil, Transformation doctrinale de l’islamisme et émergence du Parti de Justice et de Développement, au Maroc, Université de Québec, Mai 2009.
-Ahmed Raissouni, Pensée islamique et questions politiques contemporaines, AR al-Kalima, 2010.
-Olivier Roy, Islamisme et nationalisme, Seuil, Pouvoirs, 2003/1, N° 104.
-Olivier Roy, Islamisme et nationalisme, Seuil, Pouvoirs, 2003/1, N° 104.
-Entretien avec Mohamed Yatim, Le 14 août 2012.
 

[[1]]. Sayed Qotb, Etudes islamiques, p 81-82, cité dans Hossein Saad, Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et la réalité changeante, (En arabe),  Centre des études de l’unité Arabe, 2ème Edition, Beyrouth, 2006, p. 253.
[[2]. Dictionnaire critique de la sociologie, Raymond Boudon François Baurricaud, Presses universitaires de France, 1982.
[[3]] . Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et la réalité changeante. Hossein Saad, Centre des études de l’Unité Arabe.
[[4]] . Ahmed Raissouni, Pensée islamique et questions politiques contemporaines, AR al-Kalima, 2010, p. 44.
[[5]] . Mohamed Mouaqit, Du despotisme à la démocratie : héritage et rupture dans la pensée politique arabo-musulmane, Editions le Fennec, 2003, p. 23.
[[6]] . Charte du Mouvement de l’Unicité et de Réforme : vue politique, 1998. p. 7.
[[7]] . Ibid, p. 5.
[[8]]. Abdelali Hami Eddine, La Constitution marocaine et les enjeux des équilibres de force, éd An-Najah Al-Jadida, 2005(En arabe), p. 173.
[[9]] . Saad Eddine Al-othmani, Religion et politique, distinction sans séparation, éd Centre Culturel Arabe, Casablanca, 2009, p. 31.
[[10]] . Abdelali Hami Eddine, La Constitution marocaine et les enjeux des équilibres de force, Op.cit., p. 178.
[[11]] . Saad Eddine Al-Othmani, Religion et politique, distinction sans séparation, Op.cit., p. 32.
[[12]] . Abdelali Hami Eddine, La Constitution marocaine et les enjeux des équilibres de force, éd Anajah Aljadida, 2005 (En arabe). Cf, Mohamed Yatim, Le mouvement islamique entre le culturel et le politique, Publication de Zamane. p. 174.
[[13]] . Jean Claude Suntucci, Etat, légitimité, identité au Maghreb : les dilemmes de la modernité, In Confluences, N°6, Printemps 1993, p.66.
[[14]] . Abdelali Hami Eddine, La Constitution marocaine et les enjeux des équilibres de force, éd An-Najah Al-Jadida, 2005 (En arabe), p.171, Cf Hidar Ibrahim, Les courants islamistes et la question de la démocratie, Centre des Etudes de l’Unité Arabe, 1996.
[[15]] . Olivier Roy, Islamisme et nationalisme, le Seuil, Pouvoirs, 2003/1, N° 104.
[[16]] . Olivier Roy, Islamisme et nationalisme, le Seuil, Pouvoirs, 2003/1, N° 104.
[[17]] . Propos de Abdellah Baha, voir mémoire de Mohamed Fadil, Transformation doctrinale de l’islamisme et émergence du Parti de Justice et de Développement au Maroc, Université de Québec, Mai 2009, p.107.
[[18]] Abdelali Hamiddine, voir mémoire de Mohamed Fadil, Transformation doctrinale de l’islamisme et émergence du Parti de Justice et de Développement, au Maroc, Université de Québec, Mai 2009,  p. 106.
[[19]]l . Ahmed Raissouni, Pensée islamique et questions politiques contemporaines, AR al-Kalima, 2010, p. 171.
[[20]] . Ibid, p.170.
[[21]]:. Olivier Roy, Islamisme et nationalisme, Seuil, Pouvoirs, 2003/1, N° 104.
[[22]]. Olivier Roy, Islamisme et nationalisme, Seuil, Pouvoirs, 2003/1, N° 104.
[[23]] . Entretien avec Mohamed Yatim, Le 14 août 2012.
[[24]]. Ibid.
[[25]]. Ibid.



الجمعة 10 ديسمبر 2021
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