Le discours royal à l’occasion du 25e anniversaire de la fête du Trône, a été structuré autour de trois axes touchant profondément les Marocains, à savoir les réalisations accomplies en matière du développement et des réformes politiques et institutionnelles, la problématique de l’eau et la situation au Proche-Orient.
Je tiens à remarquer qu’au niveau de ces trois axes majeurs, le discours de SM le Roi a été fortement caractérisé par la production et l’usage de trois concepts clés qui, me semble-t-il, déterminent le sens profond du message royal
L’identité marocaine
Avant d’aborder les deux sujets principaux, la crise de l’eau et la question palestinienne, Sa Majesté a tenu à rendre grâce à Dieu « pour les nombreux acquis que Nous avons accumulés au fil de ces années et pour les multiples réalisations que Nous avons accomplies en matière de réformes politiques et institutionnelles et en ce qui concerne la consolidation de l’identité marocaine ».
Comment donc interpréter le fait que le discours royal inscrit « la consolidation de l’identité marocaine » dans le cadre des réalisations accomplies ? Il faut d’abord rappeler que l’identité étatico-politique de la nation marocaine comme de n’importe quelle autre nation, se définit de manière univoque par sa souveraineté, sa constitution et son territoire, mais il y a également la composante socioculturelle de cette identité, le sentiment d’appartenance et d’identification à cette âme marocaine construite, et reconstruite au fil d’un long processus historique, comme l’a bien définit le Roi Mohamed VI lors de son discours le 13 octobre 2023 au Parlement à l’occasion de l’ouverture de la 1ère session de la 3ème année législative de la 11ème Législature.
« Ce drame (séisme de Haouz) livre un enseignement précieux : les valeurs authentiques de l’âme marocaine ont prévalu », a-t-il dit, en expliquant que ces valeurs ont permis à notre pays de dépasser les adversités et les crises tout en nous permettant d’être encore plus forts et déterminés à poursuivre notre parcours avec assurance et optimisme. « Ce bel esprit et cet idéal noble nous habitent tous car ils représentent, pour Nous, les ferments de l’unité et de la cohésion de la société marocaine ». C’est ainsi que l’identité marocaine dont la consolidation a été valorisée dans le discours du trône, parmi les nombreux acquis que nous avons accumulés, constitue un enjeu crucial dans le développement sociopolitique du pays, renforçant la légitimité des institutions et la cohésion sociale.
Encore faut-il préciser que cette identité nationale unifiée, repose sur des principes fondateurs que le Souverain avait rappelés lors de son discours au parlement en octobre dernier, et qui concernent premièrement les valeurs religieuses et spirituelles, prônant le juste milieu, la modération et l’ouverture sur l’autre, la tolérance et la coexistence interreligieuse et inter-civilisationnelle, deuxièmement les valeurs nationales qui forment le socle de la Nation marocaine et dont la Monarchie est la clé de voûte, et troisièmement les valeurs de solidarité et de cohésion sociale.
Il convient de signaler dans ce sens que cette identité nationale façonnée par l’Etat, devient elle-même un outil de renforcement de l’Etat, ce qui constitue véritablement un acquis précieux consolidé par le Roi et le peuple tout au long de ce dernier quart du siècle
La vision royale
Lorsque le Roi insiste dans le discours du Trône sur l’urgence de la situation hydrique au Maroc, ce n’est pas uniquement pour décrire une situation urgente qui s’aggrave, ou pour ordonner aux autorités compétentes la mise en place de mesures urgentes et innovantes pour prévenir les pénuries d’eau, mais c’est essentiellement pour inscrire les politiques publiques y afférentes dans la vision Royale, une vision stratégique volontariste et ambitieuse.
Il est clair que le discours royal revêt tout son sens quand il est perçu dans l’action, puisque c’est dans l’action que se manifeste l’exercice du pouvoir Royal, et c’est dans l’agir communicationnel que se concrétise la vision Royale.
Cette vision stratégique et absolument cruciale dans la gestion de la crise hydrique qui frappe le pays « en accord avec Notre Vision stratégique volontariste et ambitieuse, Nous appelons à accélérer la réalisation des grands projets ».
Qu’il s’agisse des projets de transfert d’eau entre les bassins hydrauliques, de traitement et de réutilisation des eaux, de développement d’une industrie nationale de dessalement de l’eau, ou de la création de filières de formation d’ingénieurs et de techniciens spécialisés, qu’il s’agisse des mesures concernant la protection du domaine public hydraulique, l’opérationnalisation de la police de l’eau, la lutte contre le phénomène d’exploitation abusive et de pompage anarchique des eaux, tous ces projets et ces mesures doivent s’inscrire parfaitement dans une vision stratégique, une vision royale amitieuse et volontariste, qui ne tolère aucune négligence, aucun retard, aucune mauvaise gestion, qui veille à activer la coordination et la cohérence entre la politique hydrique et la politique agricole, qui encourage l’innovation technologique ainsi l’exploitation du potentiel en énergies propres.
Cette vision stratégique rappelée et partagée par le Roi avec la nation, revêt une importance majeure dans la mesure où elle permet de définir une direction claire, de mobiliser les acteurs et les autorités concernés face à l’incertitude, d’anticiper les risques et de coordonner les actions.
Les extrémistes de tout bord
Concernant la question palestinienne, le discours royal tient à rappeler que le Maroc s’engage de manière exemplaire et responsable dans les aides alimentaires et médicales à Gaza mais aussi dans les initiatives constructives visant à trouver des solutions pratiques pour une solution définitive au conflit.
En effet la diplomatie marocaine sous la sage conduite du Roi Mohammed VI, avait réagi en toute clarté et fermeté à la suite des bombardements par les forces israéliennes de l’hôpital « Al Maamadani », exhortant à mettre fin aux aux hostilités, respecter le droit international humanitaire et œuvrer pour éviter que la région ne sombre dans une nouvelle escalade et de nouvelles tensions. Et lorsque le Maroc, dont le souverain préside le Comité Al-Qods appelle à ce que les civils ne soient pris pour cibles, il tient à préciser en toute clarté et sincérité qu’ils soient protégés « par toutes les parties ».
C’est dans le cadre de cette approche d’honnêteté intellectuelle et de responsabilité politique, que lorsque le Roi exige de sortir de la logique de gestion de crise en faveur de la recherche d’une solution définitive à ce conflit, il inscrit cette sortie dans une optique qui parallèlement à la cessation urgente des hostilités à Gaza, exige l’ouverture d’un horizon politique susceptible d’instaurer une paix juste et durable, dans le cadre de la solution à deux Etats, mais qui impose également, pour ressusciter le processus de paix entre les parties palestinienne et israélienne, de «barrer la route aux extrémistes de tous bords » (قطع الطريق على المتطرفين، من أي جهة كانوا)
Un théorème fondé sur le bon sens géométrique voulant que dans un cercle comme en politique, les extrêmes se rejoignent. De par le monde, les extrémistes perpétuent les conflits, encouragent la violence et rendent plus difficile la recherche de solutions négociées. Les positions radicales religieuses et idéologiques de ces extrémistes, entravent les négociations et les compromis nécessaires pour résoudre les conflits de manière pacifique et durable. Bref les extrémistes, quelle que soit leur origine, sont dans l’optique Royale, un obstacle majeur pour la paix au Moyen Orient, car ils alimentent le conflit au lieu de chercher sa solution.
Lorsque le discours royal nomme les choses judicieusement, il permet non seulement une meilleure compréhension du conflit, mais contribue à en trouver une solution durable. Mal nommer les choses, jugeait Camus, c’est ajouter au malheur du monde.