le présent budget économique, dit exploratoire, révise les prévisions économiques pour l’année 2011 et établit les perspectives pour l’année 2012. Il tient compte des agrégats provisoires, arrêtés par la comptabilité nationale pour l’année 2010, ainsi que des résultats des enquêtes trimestrielles et des travaux de suivi et d’analyse de conjoncture menés par le Haut Commissariat au Plan. Il intègre également les résultats des travaux d’analyse et de prévisions infra-annuels conduites par d’autres organismes publics[1] durant le premier semestre de l’année en cours.
L’estimation de la croissance économique nationale de 2011 est faite ainsi sur la base des réalisations préliminaires de la campagne agricole 2010/2011 et de l’augmentation des dépenses publiques, sous l’effet de la hausse des subventions des prix à la consommation par rapport à leur niveau initial retenu par la loi de finances 2011, d’une part, et de la hausse de la masse salariale dans le secteur public et le secteur privé, en application des dispositions du dialogue social et de l’opération de recrutement des diplômés, d’autre part.
Les hypothèses retenues pour les prévisions de 2012, quant à elles, sont basées sur une production céréalière moyenne d’environ 70 millions de quintaux durant la campagne agricole 2011/2012, et sur la reconduction, durant la prochaine année, de la politique budgétaire de l’Etat en vigueur en 2011, notamment les dispositions en matière de fiscalité, des dépenses d’investissement et de fonctionnement et celles de soutien des prix à la consommation. Elles prennent en considération, par ailleurs, les nouvelles tendances de l’économie mondiale observées durant le premier semestre 2011, ainsi que les perspectives de son évolution à l’horizon 2012.
Il est à rappeler que le Haut Commissariat au Plan procédera à la révision de ces prévisions, comme chaque année, lors de l’élaboration du budget économique prévisionnel qui sera publié au mois de janvier 2012. Ce document tiendra compte, en plus des nouvelles donnes de la conjoncture nationale et internationale, de l’impact des dispositions de la loi de finances 2012 sur la croissance et les équilibres macroéconomiques.
1. L’environnement international
Les nouvelles perspectives des institutions internationales[2], publiées en avril et mai de cette année, dégagent une croissance économique mondiale d’environ 4,5% en 2011 et 2012, au lieu de 5% enregistrée en 2010 et une baisse de 0,6% en 2009.
Malgré ce dynamisme au niveau global, les économies avancées continueraient d’afficher des rythmes de croissance lents, soit 2,4% en 2011 et 2,6% en 2012, accompagnés des taux de chômage élevés, notamment aux Etats-Unis d’Amérique et dans la zone euro, de 8,5% et 9,8% respectivement. Quant aux pays émergents et en développement, ils resteraient marqués par une croissance économique élevée de 6,5% par an en 2011 et 2012, et par la présence de tendances de surchauffe des prix.
Le cours international de pétrole brut s’est, en effet, accru progressivement durant le premier trimestre 2011, pour atteindre 120 dollars/baril durant le mois d’avril et mai. Il a connu par la suite une baisse et s’est situé légèrement au dessus de 100 dollars. Pour l’ensemble de l’année 2011, le cours moyen devrait s’établir à près de 108 dollars/baril au lieu de 79 dollars en 2010 et devrait se maintenir aux environs de ce niveau durant l’année 2012. Le renchérissement des cours de pétrole devrait, par ailleurs, subir les effets de la persistance de la dépréciation du dollar américain, suite à la politique d’assouplissement monétaire des Etats-Unis d’Amérique. La parité euro-dollar se maintiendrait aux environ de 1,4 en 2011 et 2012 au lieu de 1,3 en 2010.
De leur côté, les cours des matières premières non énergétiques devraient enregistrer une nouvelle hausse de 25,1% en 2011 après celle de 26,3% en 2010, avant de baisser de 4,3% en 2012.
Dans ce contexte, les prix à la consommation dans les pays émergents et en développement, qui ont déjà emprunté une tendance haussière favorisée par la consolidation de la demande interne et les entrées massives des IDE, s’accroitraient de 6,5% en 2011 et de 5,4% en 2012. Les pays avancés, quant à eux, connaitraient une relative maîtrise de l’inflation aux environs de 2,2% durant cette période.
Globalement, l’amélioration de l’activité des marchés financiers et la poursuite du rythme de croissance de l’économie mondiale en 2011 et 2012 ne devraient pas se prolonger, compte tenu du risque d’un retournement de conjoncture économique mondiale. Les disfonctionnements qui caractérisent les marchés des matières premières et le marché de l’emploi, ainsi que l’ampleur des déficits extérieurs et les niveaux excessifs de dettes souveraines des Etats-Unis d’Amérique et de certains Etats membres de la zone Euro, pourraient limiter le dynamisme de l’économie mondiale.
2. L’économie nationale en 2011
2.1-Révision à la hausse de la croissance économique de 2011
La croissance économique estimée à 4,8% en 2011, serait en légère hausse par rapport à 4,6% annoncée dans le budget économique prévisionnel publié au mois de janvier de cette année.
Elle serait également en hausse de 1,1 point par rapport à 2010 où la croissance économique était de 3,7%. Cette évolution aurait bénéficié de la relance de certaines activités économiques, d’une part, et des mesures prises par les pouvoirs publics en réponse aux évolutions contraignantes de l’environnement international, d’autre part.
Avec une production céréalière d’environ 80 millions de quintaux, la campagne agricole 2010/2011 aurait enregistré une augmentation de 14,2% par rapport à 2010. En outre, les activités liées aux autres composantes de l’agriculture et à l’élevage devraient réaliser de bons résultats, suite aux conditions pluviométriques satisfaisantes durant cette campagne. Le secteur de la pêche maritime, de son côté, continuerait son dynamisme amorcé depuis le quatrième trimestre 2010, quoi qu’à un rythme inferieur au potentiel de croissance de ce secteur. Globalement, ces évolutions permettraient au secteur primaire d’enregistrer une valeur ajoutée en hausse de 3,5%, contribuant, ainsi, pour un point à la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2011.
Parallèlement, les activités non agricoles consolideraient leur reprise amorcée en 2010, sous l’effet de la poursuite de la politique budgétaire expansive en 2011 et du dynamisme des exportations marocaines. S’ajoute à cela les nouvelles augmentations décidées en matière des dépenses budgétaires de compensation qui atteindraient 32 milliards de dirhams au lieu de 17 milliards approuvé dans la loi de finances 2011. De même, plus de 8 milliards de dirhams de dépenses publiques supplémentaires sont arrêtées dans le cadre du dialogue socialpour couvrir l’augmentation nette de 600 dirhams des salaires de l’ensemble des fonctionnaires de l’Etat à compter de 1er mai 2011 et le relèvement du quota de la promotion interne dans la fonction publique. Les autres mesures retenues dans ce cadre concernent la hausse de 15% du seuil du Salaire Minimum en deux tranches sur deux ans (10% au 1er juillet 2011, puis 5% un an après) et le relèvement de la pension minimale de retraite à 1000 dirhams aussi bien dans les secteurs public que privé.
Le pouvoir d’achat des ménages devrait, ainsi, connaitre une amélioration en 2011, permettant ainsi à la consommation des ménages, constituant plus de la moitié du PIB, de consolider son rythme de croissance élevé, de l’ordre de 4% en volume au lieu de 2,2% en 2010.
Dans ces conditions, le PIB non agricole (activités économiques secondaires et tertiaires) s’accroitrait de 5% en 2011 au lieu de 4,7% en 2010. Les activités du secteur secondaire, marquées par la poursuite du dynamisme du secteur minier et de la relance du secteur du Bâtiment et travaux publics, ainsi que de certaines branches des industries de transformation, dégageraient une valeur ajoutée en progression de 4,6%. La valeur ajoutée du secteur tertiaire (services), en nette reprise, augmenterait également de 5,2% en 2011 au lieu de 3,3% en 2010.
2.2- Les emplois du PIB et leurs impacts sur les équilibres macroéconomiques interne et externe
L’économie nationale devrait continuer d’être soutenue par la demande intérieure, contribuant pour 2,7 points à la croissance du PIB en 2011. Elle devrait, également, bénéficier, pour la deuxième année consécutive, de la relance des exportations nettes de biens et services. Celles-ci, malgré son ralentissement, préserveraient sa contribution positive à la croissance économique, contrairement aux contributions négatives des dernières années. Elle devrait représenter 2 points en 2011 au lieu de 3,4 point en 2010. Le volume des exportations de biens et services s’accroitrait de près de 12,7% en 2011, soit un rythme supérieur à celui des importations, de l’ordre de 5%. Les performances des exportations sont attribuables essentiellement à la poursuite de l’expansion des ventes des phosphates et dérivées, d’une part, et de celles des demi-produits et produits finis, d’autre part.
Toutefois, les prix à l’importation connaitraient une hausse plus accentuée que celle des prix à l’exportation. La balance des échanges extérieurs en valeur dégagerait, en conséquence, une accentuation du déficit en ressources qui devrait représenter 12,2% du PIB en 2011 au lieu de 10,8% en 2010. L’amélioration de la balance des transferts permettrait de compenser une partie de ce déficit, mais le besoin de financement des transactions courantes de la balance de paiements atteindrait 4,3% du PIB en 2011. Autrement dit, si le volume de l’investissement brut devait se situer à près de 34,7% du PIB en 2011, les ressources mobilisées sous forme d’épargne nationale ne dépasseraient pas 30,4% du PIB.
La mobilisation du financement international en termes d’investissements directs et d’emprunts extérieurs, serait également insuffisante pour atténuer l’épuisement du stock des réserves de change dont dispose l’économie nationale. Les avoirs extérieurs nets devraient représenter 6 mois d’importations de biens et services en 2011 au lieu d’environ 7 mois en 2010.
3. Les perspectives de l’économie nationale en 2012
La croissance économique de 2012 est établie sur la base de l’hypothèse de reconduction de la politique budgétaire en vigueur en 2011, d’une production céréalière d’environ 70 millions de quintaux durant la saison 2011/2012, ainsi que des perspectives d’évolution des principales variables de l’environnement international, notamment la demande mondiale adressée au Maroc. Celle-ci serait consolidée en 2012 et devrait s’accroitre de 7,6% au lieu de 6,2% en 2011.
La croissance du Produit intérieur brut devrait se situer ainsi à près de 4,5% en volume en 2012. Par grand secteur, la valeur ajoutée primaire (secteur agricole et pêches) connaitrait une légère hausse de 1,5%, alors que celle des activités non agricoles maintiendraient son rythme d’accroissement à 4,9%. Plus précisément, les activités du secteur secondaire, dans l’élan de leur tendance ascendante depuis 2010, dégageraient une valeur ajoutée en progression de 5% et celle du secteur tertiaire de 4,7%.
Sur le registre des emplois du PIB en volume, la contribution de la demande intérieure à la croissance du PIB emprunterait de nouveau une tendance haussière, passant de 2,7 points en 2011 à 4,7 points en 2012, suite à l’augmentation de la consommation des ménages de 4,5% en volume, de celle des administrations publiques de 2,5% et de la confirmation de la hausse de la formation brut de capital fixe (FBCF) de 7% en 2012, au lieu de 5,5% en 2011 et une quasi stagnation en 2010.
La contribution des échanges extérieurs nets en volume à la croissance économique nationale, quant à elle, serait à nouveau négative, d’environ 0,3 point, Ce résultat serait dû, en fait, à l’accélération de l’accroissement des importations en volume, notamment sous l’effet multiplicateur du dynamisme de la demande intérieure, particulièrement l’investissement.
Au plan nominal, les exportations de biens et services maintiendraient leur sentier ascendant, avec une hausse de 10,6% aux prix courants. Néanmoins, l’augmentation des importations à prix courants, d’environ 10,5%, se traduirait par une légère hausse du déficit en ressources, passant de 12,2% du PIB en 2011 à 12,6% en 2012.
Concernant l’évolution de l’inflation, l’accélération attendue de la demande intérieure, associée à la persistance de la hausse des prix à l’importation, exercerait, en dépit du niveau élevé des dépenses de compensation, une légère pression sur les prix intérieurs. L’inflation, mesurée par le prix implicite du PIB, passerait de 1,6% en 2011 à 2,5% en 2012.
Sur le registre de financement de l’économie, il est prévu que l’accroissement de la consommation finale nationale serait moins élevé que celui du PIB nominal, dégageant ainsi une amélioration des capacités de l’économie nationale à pouvoir mobiliser des parts importantes du revenu intérieur vers l’investissement. L’épargne intérieure représenterait de ce fait 24,1% du PIB en 2012 au lieu de 23,4% en 2011. Parallèlement, les revenus nets en provenance de l’extérieur se maintiendraient à environ 7% du PIB, ce qui porterait globalement l’épargne nationale à 31,1% du PIB au lieu de 30,4% en 2011. Compte tenu du taux d’investissement qui représenterait 35,7% du PIB en 2012, le besoin de financement serait de l’ordre de 4,6% du PIB au lieu de 4,3% en 2011.
Au terme de ces perspectives économiques exploratoires établies pour l’année 2012, il convient de noter que :
* Malgré les performances des économies émergentes, l’économie mondiale n’arriverait pas à sortir d’une convalescence qui perdure et des risques de récession qui la menacent. La persistance du chômage à un niveau élevé, l’accentuation des difficultés budgétaires des Etats-Unis d’Amérique, du Japon et de certains pays membres de la zone Euro, en plus de l’apparition de tensions inflationnistes, sont autant de facteurs dont les effets cumulés risqueraient de produire le retournement de conjoncture mondiale ;
* Il serait de plus en plus probable que le rééquilibrage purement macroéconomique de la croissance entre les pays avancés et les pays émergents ne pourrait être opéré par le simple effet des mécanismes des marchés. L’amélioration de la gouvernance mondiale et du rôle des institutions publiques nationales s’avèrent nécessaire pour relancer la croissance à moyen et long terme et réduire ainsi les déséquilibres macroéconomiques, qui ont tendance à devenir plus structurels que conjoncturels ;
* S’agissant du Maroc, la consolidation de la demande intérieure, après son ralentissement conjoncturel en 2009 et 2010, devrait accentuer le déséquilibre des échanges extérieurs en 2011 et 2012. En effet, l’amélioration du niveau de la consommation des ménages, conjuguée à la reprise des investissements devrait relancer les importations. L’accentuation du déficit commercial resterait, ainsi, à l’ordre du jour, d’autant plus que le ralentissement prévisible des revenus nets en provenance de reste du monde, devrait induire un frein à l’accumulation des réserves en devises et pourrait, en conséquence, affecter les conditions de financement de l’économie ;
* Le modèle de croissance, sous tendant l’évolution de l’économie nationale, basé sur la satisfaction d’une grande part de la demande intérieure par les importations commence à menacer la soutenabilité de l’équilibre extérieur. La problématique de la diversification des structures de production et de la compétitivité des entreprises serait, plus que jamais, à l’ordre du jour aussi bien sur le marché intérieur que sur le marché extérieur.
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[1] Ministère de l’économie et des Finances, Bank Al Maghreb et Office de change.
[2] En particulier le FMI, l’OCDE, la Banque Mondiale et la Commission Européenne