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Cour de cassation : La compétence indirecte du juge marocain - le divorce d’un couple franco-marocain

     



Cour de cassation : La compétence indirecte du juge marocain - le divorce d’un couple franco-marocain
5 février 2025
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-22.729
Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2025:C100076

Titres et sommaires
CONVENTIONS INTERNATIONALES

L'accueil de l'exception de litispendance internationale prévue au troisième alinéa de l'article 11 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire est exclu si la décision à intervenir du juge marocain n'est pas susceptible d'être reconnue en France. Au nombre des conditions de cette reconnaissance, que le juge français doit vérifier avant de surseoir à statuer, figure la compétence indirecte du juge marocain, telle qu'elle est définie aux premier et deuxième alinéas du même article


Le principe suivant lequel, en cas de cumul de nationalités, la nationalité française est seule prise en considération par les tribunaux français, n'a pas lieu d'être appliqué dans l'examen de la compétence indirecte du juge étranger. La compétence indirecte du juge marocain est donc établie en application de l'article 11, alinéa 2, de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, lorsque les époux ont tous deux la nationalité marocaine, peu important qu'ils aient également la nationalité française

Texte de la décision
Entête
CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 février 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 76 FS-B+R

Pourvoi n° K 22-22.729

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [Z] [P].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 3 mars 2023.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 FÉVRIER 2025

M. [V] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-22.729 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre de la famille), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [P], épouse [F], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [F], de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mmes Marilly, Lion, Vanoni-Thiery, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, et Mme Sara, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Exposé du litige
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 8 septembre 2022), Mme [P] et M. [F], tous deux de nationalités française et marocaine, se sont mariés le 4 octobre 2004 à [Localité 3], au Maroc.

2. Mme [P] l'ayant, le 11 octobre 2021, assigné en divorce devant un juge aux affaires familiales, M. [F] a soulevé une exception de litispendance faisant état du dépôt par ses soins d'une requête en divorce le 24 septembre 2021 auprès du tribunal de Tinghir (Maroc).


Moyens
Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Motivation

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Moyens

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. M. [F] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer, de dire que le juge français est compétent et la loi française applicable, alors :

« 2°/ que selon l'article 11 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, "au cas où les époux ont tous deux la nationalité de l'un des deux États, les juridictions de cet État peuvent être également compétentes, quel que soit le domicile des époux au moment de l'introduction de l'action judiciaire" ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que "les deux époux ont la double nationalité franco marocaine" ; qu'en affirmant que le juge marocain n'était pas compétent par application de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, la cour d'appel a violé l'article 11 de cette Convention par refus d'application ;

3°/ que lorsque les époux ont chacun la double nationalité franco-marocaine, ils peuvent se prévaloir de la nationalité marocaine pour fonder la compétence indirecte des juridictions marocaines ; qu'en affirmant, après avoir constaté que les époux [F] possédaient chacun la double nationalité franco-marocaine, que le juge marocain n'était pas compétent par application de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, la cour d'appel a violé l'article 11 de cette Convention par refus d'application. »


Motivation
Réponse de la Cour

Vu l'article 11 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire :

5. Ce texte dispose :

« Au sens de l'alinéa a) de l'article 16 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire et d'exequatur des jugements du 5 octobre 1957, la dissolution du mariage peut être prononcée par les juridictions de celui des deux États sur le territoire duquel les époux ont leur domicile commun ou avaient leur dernier domicile commun.

Toutefois, au cas où les époux ont tous deux la nationalité de l'un des deux États, les juridictions de cet État peuvent être également compétentes, quel que soit le domicile des époux au moment de l'introduction de l'action judiciaire.

Si une action judiciaire a été introduite devant une juridiction de l'un des deux États, et si une nouvelle action entre les mêmes parties et ayant le même objet est portée devant le tribunal de l'autre État, la juridiction saisie en second lieu doit surseoir à statuer. »

6. L'accueil de l'exception conventionnelle de litispendance internationale prévue au troisième alinéa de ce texte n'est exclu que si la décision à intervenir du juge marocain, également compétent et préalablement saisi, n'est pas susceptible d'être reconnue en France. Au nombre des conditions de cette reconnaissance, que le juge français doit vérifier avant de surseoir à statuer, figure la compétence indirecte du juge marocain, telle qu'elle est définie aux premier et deuxième alinéas de ce texte.

7. Cette compétence indirecte est établie lorsque les époux ont tous deux la nationalité marocaine, peu important qu'ils aient également la nationalité française, dès lors que le principe suivant lequel, en cas de cumul de nationalités, la nationalité française est seule prise en considération par les tribunaux français, n'a pas lieu d'être appliqué dans l'examen de la compétence indirecte du juge étranger.

8. Pour dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer, l'arrêt constate que les deux époux ont la double nationalité franco-marocaine et leur dernier domicile commun en France, de sorte que la juridiction française est compétente pour connaître de leur divorce, puis retient que, si l'époux a saisi en premier lieu la juridiction marocaine, laquelle a prononcé le divorce des époux par un jugement frappé d'appel, celle-ci n'était pas compétente pour ce faire par application de la Convention du 10 août 1981, de sorte que l'exception de litispendance doit être rejetée.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la compétence du juge français, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec la disposition de l'arrêt disant n'y avoir lieu de surseoir à statuer.

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt disant n'y avoir lieu de surseoir à statuer entraîne la cassation de tous les autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.


Dispositif
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit le juge français compétent, l'arrêt rendu le 8 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [P] et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.



الاربعاء 12 فبراير 2025
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