Et si le chef du gouvernement désigné du parti arrivé premier ne parvient pas à former son gouvernement!
Par Abdeslam TOUATI Chercheur en Droit constitutionnel
Par Abdeslam TOUATI Chercheur en Droit constitutionnel
Dans un entretien publié récemment par le journal électronique medias24, le 27 août dernier, le politologue Mustapha Sehimi a exprimé ses pronostics concernant les prochaines élections législatives qui seront organisées le 8 septembre prochain.
Dans cet entretien intitulé « Mustapha Sehimi : les scénarios de l’après-élection », le politologue voit que « le PJD pourrait être en tête, d’une très courte avance sur ses concurrents ».
En ajoutant qu’ « Au cas où le PJD est gagnant, le chef du gouvernement serait choisi de ses rangs pour former une majorité. Normalement, il n’aura que 15 jours pour le faire. Ce n’est pas inscrit dans la Constitution, mais on peut se référer à la nomination d’El Otmani par le Roi après l’échec de Benkirane, qui lui a donné ce délai de 15 jours pour former une coalition. On ne peut pas se permettre de revivre une situation telle que celle vécue après la nomination de Benkirane en 2016. Mais mon pronostic, au vu de ses relations avec les autres partis, c’est qu’il ne réussira pas à former une majorité. Dans ce cas là, le Roi pourrait choisir une personnalité consensuelle. L’actuel ministre des Finances est le mieux placé... »
Le choix d’une personnalité consensuelle comme chef du gouvernement, trouverait son fondement d’après notre politologue dans la constitution qui énonce que: «" le Roi nomme un chef du gouvernement issu du parti arrivé premier". Ma lecture constitutionnelle est que “c’est à une seule cartouche”, c’est valable une seule fois. Au cas où le président du gouvernement nommé échoue à former une coalition, le Roi reprend la main. L’article 42 de la constitution dit que le Roi est le garant de la pérennité et de la continuité de l’État et arbitre suprême entre ses institutions. Une telle décision ne serait donc pas inconstitutionnelle. »
Cet analyse étonnante faite par un grand politologue marocain comme Sehimi, suscite la curiosité pour analyser ce jugement au vu de l’article 47 de la constitution marocaine du 29 juillet 2011, tout en essayant de répondre aux questions : Est-ce l’article 47 permet la nomination " d’une personnalité consensuelle / technocrate" à la tête du gouvernement comme ce fut le cas en 2003 avec le gouvernement Jettou (constitution 1996), Et pourquoi donc existerait le 1er alinéa de l’article 47 de la constitution dans la mesure où le Roi pourrait désigner un technocrate comme chef du gouvernement ?
Avant d’entamer cette problématique, il convient tout d’abord de rappeler que ce n’est pas la 1ère fois qu’un grand professeur de Droit public annonce une telle interprétation concernant l’article 47 de la constitution, elle a déjà été faite par une grande constitutionnaliste et ancienne membre de la commission consultative pour la révision de la constitution ( Mme Nadia Amal Bernoussi) à travers un entretien publié le 20 novembre 2016 par le journal électronique « Tel quel » intitulé : « Et si Benkirane ne parvient pas à former son gouvernement ? ». Elle avait conclu que l’article 47 permet au Roi de désigner un chef du gouvernement parmi des partis autre que celui arrivé premier, ce qui révèle que ce fameux article 47 constitue toujours un point de désaccord entre les constitutionalistes même après dix (10) ans de l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution du 29 juillet 2011.
Alors, et d’après la raison qui dit que «c’est dans le détail qui se cache le diable », que cache réellement ce fameux article 47 ?
Le 1er paragraphe de l’article 47 de la constitution dispose que: « le Roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre des représentants, et au vu de leurs résultats. »
Dans ce cadre nous pouvons avancer dès le départ que le chef du gouvernement désigné doit avoir deux conditions constitutionnelles sine qua non, à savoir :
1- Avoir une casquette politique (au sein du parti politique) ;
2- Etre parmi les membres du parti arrivé en tête des élections des membres de la chambre des représentants, et au vu de leurs résultats.
De ce point de départ, il apparait bel et bien que l’option de designer une personnalité consensuelle sans appartenance politique comme chef du gouvernement, est un choix non justifié, loin de l’interprétation saine de la constitution, et contredit le long combat mené par les partis politiques et organisations syndicales qui ont combattu depuis le gouvernement d’alternance pour « la consécration de la désignation du premier ministre parmi le parti arrivé en tête des élections législatives ».
Mais la question qu’on peut dégager dans ce cadre : Pourquoi le constituant a ajouté dans la deuxième condition la formule " Et au vu de leurs résultats ? Et pourquoi ajouter cet additif dans la mesure où le 1er alinéa du 1er paragraphe "parmi les membres du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre des représentants" est un alinéa clair et n’a besoin d’aucun additif explicatif ?
A ce sujet, nous pouvons dégager deux hypothèses :
1- l’additif " Et au vu de leurs résultats " est une confirmation du contenu du 1er alinéa du 1er paragraphe, c'est-à-dire arrivé en tête veut dire avoir un résultat le plus élevé.
2- les résultats constituent un autre critère pour la désignation du chef du gouvernement, c'est-à-dire que ladite désignation se fait d’après les résultats et au vu de leur classification.
De ce fait, cette deuxième hypothèse pourra constituer une option parmi les autres options possibles dégagées du texte et de l’esprit de la constitution comme cela a été cité dans le communiqué du cabinet royal daté du 15 mars 2017 qui a mis fin au mandat et à la désignation de Benkirane : " … SM le Roi a opté pour cette Haute décision, parmi toutes les autres options que Lui accordent la lettre et l’esprit de la Constitution… ", sans négliger bien sûr que le Roi peut convoquer une autre personnalité du même parti arrivé premier pour former le gouvernement, une option déjà utilisée, et qui a donné naissance de l’actuelle formation gouvernementale de Saad Dine El Otmani.
Dans cet entretien intitulé « Mustapha Sehimi : les scénarios de l’après-élection », le politologue voit que « le PJD pourrait être en tête, d’une très courte avance sur ses concurrents ».
En ajoutant qu’ « Au cas où le PJD est gagnant, le chef du gouvernement serait choisi de ses rangs pour former une majorité. Normalement, il n’aura que 15 jours pour le faire. Ce n’est pas inscrit dans la Constitution, mais on peut se référer à la nomination d’El Otmani par le Roi après l’échec de Benkirane, qui lui a donné ce délai de 15 jours pour former une coalition. On ne peut pas se permettre de revivre une situation telle que celle vécue après la nomination de Benkirane en 2016. Mais mon pronostic, au vu de ses relations avec les autres partis, c’est qu’il ne réussira pas à former une majorité. Dans ce cas là, le Roi pourrait choisir une personnalité consensuelle. L’actuel ministre des Finances est le mieux placé... »
Le choix d’une personnalité consensuelle comme chef du gouvernement, trouverait son fondement d’après notre politologue dans la constitution qui énonce que: «" le Roi nomme un chef du gouvernement issu du parti arrivé premier". Ma lecture constitutionnelle est que “c’est à une seule cartouche”, c’est valable une seule fois. Au cas où le président du gouvernement nommé échoue à former une coalition, le Roi reprend la main. L’article 42 de la constitution dit que le Roi est le garant de la pérennité et de la continuité de l’État et arbitre suprême entre ses institutions. Une telle décision ne serait donc pas inconstitutionnelle. »
Cet analyse étonnante faite par un grand politologue marocain comme Sehimi, suscite la curiosité pour analyser ce jugement au vu de l’article 47 de la constitution marocaine du 29 juillet 2011, tout en essayant de répondre aux questions : Est-ce l’article 47 permet la nomination " d’une personnalité consensuelle / technocrate" à la tête du gouvernement comme ce fut le cas en 2003 avec le gouvernement Jettou (constitution 1996), Et pourquoi donc existerait le 1er alinéa de l’article 47 de la constitution dans la mesure où le Roi pourrait désigner un technocrate comme chef du gouvernement ?
Avant d’entamer cette problématique, il convient tout d’abord de rappeler que ce n’est pas la 1ère fois qu’un grand professeur de Droit public annonce une telle interprétation concernant l’article 47 de la constitution, elle a déjà été faite par une grande constitutionnaliste et ancienne membre de la commission consultative pour la révision de la constitution ( Mme Nadia Amal Bernoussi) à travers un entretien publié le 20 novembre 2016 par le journal électronique « Tel quel » intitulé : « Et si Benkirane ne parvient pas à former son gouvernement ? ». Elle avait conclu que l’article 47 permet au Roi de désigner un chef du gouvernement parmi des partis autre que celui arrivé premier, ce qui révèle que ce fameux article 47 constitue toujours un point de désaccord entre les constitutionalistes même après dix (10) ans de l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution du 29 juillet 2011.
Alors, et d’après la raison qui dit que «c’est dans le détail qui se cache le diable », que cache réellement ce fameux article 47 ?
Le 1er paragraphe de l’article 47 de la constitution dispose que: « le Roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre des représentants, et au vu de leurs résultats. »
Dans ce cadre nous pouvons avancer dès le départ que le chef du gouvernement désigné doit avoir deux conditions constitutionnelles sine qua non, à savoir :
1- Avoir une casquette politique (au sein du parti politique) ;
2- Etre parmi les membres du parti arrivé en tête des élections des membres de la chambre des représentants, et au vu de leurs résultats.
De ce point de départ, il apparait bel et bien que l’option de designer une personnalité consensuelle sans appartenance politique comme chef du gouvernement, est un choix non justifié, loin de l’interprétation saine de la constitution, et contredit le long combat mené par les partis politiques et organisations syndicales qui ont combattu depuis le gouvernement d’alternance pour « la consécration de la désignation du premier ministre parmi le parti arrivé en tête des élections législatives ».
Mais la question qu’on peut dégager dans ce cadre : Pourquoi le constituant a ajouté dans la deuxième condition la formule " Et au vu de leurs résultats ? Et pourquoi ajouter cet additif dans la mesure où le 1er alinéa du 1er paragraphe "parmi les membres du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre des représentants" est un alinéa clair et n’a besoin d’aucun additif explicatif ?
A ce sujet, nous pouvons dégager deux hypothèses :
1- l’additif " Et au vu de leurs résultats " est une confirmation du contenu du 1er alinéa du 1er paragraphe, c'est-à-dire arrivé en tête veut dire avoir un résultat le plus élevé.
2- les résultats constituent un autre critère pour la désignation du chef du gouvernement, c'est-à-dire que ladite désignation se fait d’après les résultats et au vu de leur classification.
De ce fait, cette deuxième hypothèse pourra constituer une option parmi les autres options possibles dégagées du texte et de l’esprit de la constitution comme cela a été cité dans le communiqué du cabinet royal daté du 15 mars 2017 qui a mis fin au mandat et à la désignation de Benkirane : " … SM le Roi a opté pour cette Haute décision, parmi toutes les autres options que Lui accordent la lettre et l’esprit de la Constitution… ", sans négliger bien sûr que le Roi peut convoquer une autre personnalité du même parti arrivé premier pour former le gouvernement, une option déjà utilisée, et qui a donné naissance de l’actuelle formation gouvernementale de Saad Dine El Otmani.