MarocDroit  -  موقع العلوم القانونية
plateforme des décideurs juridiques - Platform of Legal Decision-Makers




LE DOMAINE PUBLIC HYDRAULIQUE DANS LA LÉGISLATION DE L’EAU AU MAROC : POLÉMIQUE DE GESTION ET DES DIFFICULTÉS DE MISE EN ŒUVRE.

     



LE DOMAINE PUBLIC HYDRAULIQUE DANS LA LÉGISLATION DE L’EAU AU MAROC : POLÉMIQUE DE GESTION ET DES DIFFICULTÉS DE MISE EN ŒUVRE.
LE DOMAINE PUBLIC HYDRAULIQUE DANS LA LÉGISLATION DE L’EAU AU MAROC : POLÉMIQUE DE GESTION ET DES DIFFICULTÉS DE MISE EN ŒUVRE.
 
  Préparé par :
 
MOHAMMED YASSINE AIT SI BELLA            
-Doctorant chercheur dans le secteur de l’eau-
 
 
Constamment considérée comme une ressource indispensable pour toute vie sur terre.         
    L’eau a toujours suscité de multiples intérêts : les religieux, les historiens, les sociologues, les politologues, les économistes, les juristes, les scientifiques, les gestionnaires et les  usagers…etc., se sont tous convenus que l’eau  a un impact considérable sur : le comportement social de l’Homme, la diversification et la prospérité de ses activités, et aussi sur la conquête et le monopole du pouvoir[[1]] .
Néanmoins, il faut souligner que l’eau, de par sa nature, a la spécificité d’être une ressource incontrôlable, inégalement répartie et fortement sollicitée ; d’où la problématique de l’accès à l’eau s’est rapidement manifestée : tantôt sous forme de tensions et de conflits, et tantôt sous forme de compromis et de consensus. En sillonnant l’histoire de la gestion de l’eau, les prémices de la gestion de l’eau, on constate que cette dernière reposait principalement sur des règles axée principalement sur des pratiques coutumières et/ou des directives religieuses[[2]] ; par la suite avec le développement des activités de l’Homme et l’émergence des nouveaux concepts tels que « la globalisation et la mondialisation » la gestion de l’eau a muté vers des nouvelles règles axées sur la codification, la réglementation et l’institutionnalisation. On parle, de plus en plus, d’une gestion de l’eau influée par «  la législation, la planification, l’ingénierie, la science et le savoir-faire et la gouvernance » et fait intervenir de multiples acteurs tels que ( l’État, la société civile, les citoyens) dans le cadre de «  la gestion intégrée des ressources en eau » avec les finalités de : réduire les disparités d’accès à l’eau, d’assurer le droit à l’eau et de garantir la sécurité  hydrique et alimentaire.
 
 
LES DAHIRS : LA GENESE DU DOMAINE PUBLIC HYDRAULIQUE

Au Maroc, comme ailleurs, l’importance de l’eau, n’en fait pas exception, la fameuse phrase prononcée par Théodore STEEG[[3]] à l’époque ou le Maroc était sous le protectorat illustrait parfaitement l’impact de l’eau dans l’histoire politique marocaine: «Au Maroc, gouverner c’est pleuvoir». Conscientes, de ce constat, les autorités du protectorat à l’époque ont jugé opportun à recourir au monopole légal de la gestion de l’eau au Maroc, par l’adoption du premier texte législatif se rapportant à l'eau en 1914 : le Dahir du 1er juillet 1914 sur le domaine public. En vertu de ce Dahir, qui a été complété par les Dahirs de 1919 et celui du 1er aout 1925 sur les régimes des eaux, toutes les eaux, quelle que soit leur forme ou leur nature, relevaient du domaine public hydraulique.
En ayant, les mêmes caractéristiques du domaine public, à savoir : la satisfaction de l’intérêt général et les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité, le domaine public hydraulique n’a pas été mentionné « explicitement » dans les dispositions du Dahir de 1914, mais seulement dans son article premier comme une composante « parmi d’autres » du domaine public, notamment, les paragraphes : d), e), f), g) et h), dès lors, le fait de regrouper dans ledit Dahir un seul et unique « domaine public » regroupant plusieurs types de domaine public sans pour autant les spécialiser et les classifier ( hydraulique, routier, maritime…etc.), est justifié, d’une part, de la diversité de ces biens publics, et d’une autre part, que la législation au Maroc encore jeune, devait distinguer entre les types du domaine public afin de préciser qu’ils ne pouvaient pas faire l’objet d’appropriation et que leur administration devait revenir à l'État.
Scruter l’histoire de la gestion du domaine public au Maroc, nécessite non seulement à identifier les textes juridiques qui l’ont régit, mais aussi à comprendre la nature du régime politique qui gouvernait à une époque où le Royaume Chérifien conjuguait entre le pouvoir absolu du « Sultan » qui l’exerçait par « les Dahirs », et par le « Makhzen[[4]]  » son appareil exécutif. Dans cet optique, et en vue de concilier entre des règles coutumières existantes avec d’autres nouvelles envisagées ;  la finalité de légiférer était à cet époque de s’accaparer de l’eau et de monopoler l’administration du domaine public. Pour cela, les autorités du protectorat ont opté au régime juridique européen qui était convenable pour la gestion de l’eau au Maroc,  tout en jouissant de la force juridique des « Dahirs » édictés par le Sultan, et qui étaient un instrument légal puissant pour la maitrise et  le contrôle des ressources en eau, en vue d’établir et vulgariser des règles juridiques (récentes et modernes), et rompre avec la gestion traditionnelle de l’eau s’articulant à l’usage de la coutume et de la religion dans la gestion de l’eau.
Néanmoins, si la notion du « domaine public » incarnait la notion « de l’intérêt général » pour légitimer l’appropriation de ce domaine par l’État, cela ne lui a pas empêché d’ériger d’autres règles pour conditionner son utilisation et son exploitation par les usagers. Dans ce contexte que Le Dahir de 1918 relatif aux occupations temporaires du domaine public a été adopté[[5]] , pour répondre à cette logique. Ce Dahir a en effet associé d’une part, le domaine public à une dynamique naissante à l’époque ou l’économie marocaine était en plein essor et évolution, et d’une autre part, la nécessité de réglementer l’usage et à lutter contre toute utilisation ou exploitation illicite de ce domaine. Par ailleurs, si  l’on analyse les dispositions du Dahir de 1918, notamment, dans son article premier, on remarque que cet article a excepté toute sortes d’autorisations relatives aux usages de l’eau.
Cette exception a été appréhendée, six ans après, par l’adoption d’un autre texte législatif au Maroc spécialement  dédié à l’eau, il s’agit : du  Dahir du 1er aout 1925 sur le régime des eaux, ce Dahir  a défini clairement dès son article premier les composantes du domaine public hydraulique, a intégré pour la première fois une terminologie spécifique à l’eau « Juridico-hydraulique» comme  : « le lit des cours d’eau, les berges, les francs bords, forage, puits, captage, zones de protections, droits acquis sur l’eau..etc. »., et il a aussi défini clairement les conditions d’octroi des autorisations d’utilisation et de concession du domaine public hydraulique, notamment dans les articles 12, 13, 14, 15 et 16, qui ont précisé minutieusement les droits et les obligations des bénéficiaires des autorisations, leur durée et l’instauration du régime de la redevance d’usage dudit domaine, sans oublier l’un des remarquables apports de ce Dahir : la mise en place d’un organe de contrôle nommé « la police des eaux » chargé de contrôler, de constater les contraventions et les délits commis sur le domaine public hydraulique et de rédiger des procès-verbaux. L’instauration de cet organe a consacré la reconnaissance réelle de la domanialité publique et la valeur économique et sociale de l’eau par le Royaume Chérifien.

LE DOMAINE PUBLIC HYDRAULIQUE DANS LA LEGISLATION MODERNE DE L’EAU AU MAROC

Certes, les Dahirs de 1914, 1918 et 1925 ont amplement contribué à la genèse d’une nouvelle gestion de l’eau au Maroc axée sur la codification et la réglementation. Par contre, après plus de soixante-dix ans d’existence et exercice, il s’est avéré ces textes ne pouvaient accompagner la dynamique de développement que connaissait le Royaume.  
Au crépuscule du 20ème siècle, le Maroc connaissait l’émergence des experts nationaux de profils différents  des « techniciens et des juristes » spécialisés dans le domaine de l’eau, ces derniers soucieux de la problématique de la gestion de l’eau au Maroc, ils ont lancé la réflexion[[6]]sur la modernisation du secteur de l’eau au Maroc, par l’adoption d’une législation de l’eau capable à la fois à répondre: aux exigences du contexte marqué à l’époque par les effets de la sécheresse des années 80[[7]] , à une démographie progressive, à une urbanisation galopante, à une agriculture intensive et une industrialisation accentuée, sans oublier, le soucis d’harmoniser cette législation avec la politique des barrages[[8]]url:#_ftn8 initiée par feu Sa Majesté le Roi Hassan II et qui doté le Royaume d’une structure hydraulique moderne. Dans ce sens , le premier projet de loi sur l’eau, à l’ère de l’indépendance du Maroc, a été rédigé en 1983,  il a été examiné par le Conseil Supérieur de l’Eau et du climat lors de sa session tenue en 1987 qui a recommandé son approbation, par la suite, le projet de texte a été soumis à la chambre des représentants et a été adopté le 15 juillet 1995 pour être promulguée par le Dahir n° 1-95-154 du 16 aout 1995 portant la loi n° 10-95 sur l’eau publiée au bulletin officiel n° 4325 du 20 septembre 1995.  L’entrée en vigueur de cette loi, a été considérée comme un événement marquant de l’histoire de l’eau au Maroc, puisque cette  loi a intégré pour la première fois des principes fondamentaux liés à l’eau, comme : la domanialité publique des eaux,  la modernisation de l’administration chargée de la gestion des ressources en eau, la planification de l’aménagement et de la répartition des eaux, la réglementation des activités pouvant altérer la qualité de l’eau, la répartition rationnelle des ressources en eau en période de sécheresse, le contrôle et l’application des sanctions contre toute utilisation abusive du domaine public hydraulique. L’objectif était la mise en place d’une politique nationale de l’eau axée sur la rationalisation de l’utilisation de l’eau, la généralisation de l’accès à l’eau, la solidarité interrégionale, la sécurité hydraulique, la participation à la prise de décision relative à l’eau, le renforcement des attributions de l’administration de l’eau « adéquate et décentralisée », la protection du domaine public hydraulique… etc.
Considéré comme l’« assiette foncière » sur laquelle s’exerce toute opération d’utilisation ou d’exploitation des ressources en eau, le domaine public hydraulique en tant que tel, il a été  mentionné dans l’article 2 de la loi n°10-95, qui a défini clairement les composantes du domaine public hydraulique, et dont le législateur a distingué entre deux types de composantes : un domaine public hydraulique dit naturel : « … toutes les nappes d'eau, qu'elles soient superficielles ou souterraines…. les lacs, étangs et sebkhas ainsi que les lagunes, marais salants et  marais de toute espèce ne communiquant pas directement avec la  mer… », cette catégorie selon le législateur est constituée selon lui naturellement sans  aucune intervention de l’homme,  Et un autre domaine public hydraulique dit artificiel : « …. les puits artésiens, les puits et  abreuvoirs à usage  public réalisés par l’État ou pour son compte ainsi que leurs zones de protection délimitées…. les canaux de navigation, d'irrigation ou d'assainissement affectés à un usage public…. les digues, barrages, aqueducs, canalisations, conduites d'eau et séguias affectés à un usage public.. etc. », il s’agit de toute construction ou ouvrage réalisé par l’homme et qui a pour objectif la satisfaction  de ses besoins en eau. En effet, selon les dispositions de cette loi, le domaine public hydraulique est associé  à « un bien » qui est « l’eau », du coup tout ce qui sert à la contenir, la  transporter, la préserver ou l’utiliser est définie comme « un bien public » et qui ne peut appartenir qu’à l’État. Ainsi, le domaine public hydraulique dans la loi n° 10-95 a préservé les mêmes caractéristiques que celles du domaine public du Dahir de 1914,  notamment :
  1. L’inaliénabilité : la règle selon laquelle les dépendances du domaine public ne peuvent être cédées aux tiers, que si elles ont préalablement fait l’objet d’une procédure de déclassement ;
  2. L’imprescriptibilité : la règle selon laquelle l’acquisition d’une dépendance  du domaine public ne peut être consolidée par l’écoulement d’un délai ;
  3. L’insaisissabilité : la règle selon laquelle le domaine public ne peut être saisi.
Dans l’intention de distinguer le domaine public hydraulique des autres domaines qu’ils soient (publics ou privés), il a été primordial pour le législateur de fixer ses limites. Pour cela, le législateur a recouru à la procédure de la délimitation dans la loi n° 10-95, qui a reproduit les mêmes dispositions de l’article 7 du Dahir de 1914 relatif à la fixation des limites du domaine public,  et ce à travers deux phases: la première relative à la fixation des berges, par la réalisation des études techniques complexes définissant « la fréquence des crues[[9]]  », et la deuxième concernant la réalisation  de la  procédure de la délimitation des francs bords de ces cours d’eau, et l’accomplissement d’une enquête publique et qui sera publiée en Bulletin Officiel par un arrêté de l’autorité ou du ministre chargé de l’eau.
De même, lorsque le domaine public hydraulique perd son utilité publique[[10]] , la loi n°10-95 a repris les dispositions de l’article 5 du Dahir de 1914 pour procéder au déclassement du domaine public et l’intégrer au domaine privé de l’État, cette procédure caractérisée par autant de souplesse expéditive que celle de la délimitation qui est considérée comme  longue, lente et  complexe ; se fait seulement par un décret rendu sur une simple proposition de l’autorité ou du ministre chargé de l’eau.
Concernant l’usage du domaine public hydraulique, celui-ci a été réglementé par la loi n°10-95 relative à l’eau qui a autorisé son utilisation moyennant un certain nombre des conditions, l’objectif était d’assurer sa valorisation sans que l’exclusivité de son usage ne revienne à personne, et aussi à permettre aux personnes physiques ou morales d’en disposer selon leurs besoins.
Ainsi, l’instauration des conditions d’utilisation et d’exploitation du domaine public hydraulique dans ladite loi  ont visé essentiellement de :
  • Conditionner l’usage du domaine public hydraulique et tirer profit à l’État ;
  • Avoir une base de données sur les utilisations du domaine public hydraulique ;
  • Orienter et conseiller les utilisateurs du domaine public hydraulique à tirer profit sans pour autant porter atteinte  ou des dommages aux ressources en eau ;
  • Valoriser le domaine public hydraulique, vu qu’il est lié à l’utilisation d’une ressource rare et vulnérable.
Dans ce sens, et afin de concrétiser le principe de la décentralisation dans la gestion du domaine public hydraulique, la loi n°10-95 sur l’eau, a octroyé aux agences de bassins hydrauliques conformément à l’article 20 cette mission. Définies comme des établissements publics, dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière, les agences de bassins hydrauliques interviennent dans leurs zones d’actions fixée décret. Même, si la loi n°10-95 a fixé les attributions et les missions des agences de bassins hydraulique, le rôle de ces agences de bassin ne s’est pas limité à celui de gestionnaire mais aussi à celui de contrôleur de ce domaine et ce conformément à l’article 104 de ladite loi à travers les agents de la police des eaux, qui sont des agents assermentés conformément à la législation d’assermentation et dont la loi leur ont attribué le droit d’accéder aux puits, aux forages et à tout autre ouvrage ou installation de captage, de prélèvement ou de déversement, dans les conditions fixées aux articles 64 et 65 du code de procédure pénale et qui peuvent requérir du propriétaire ou de l'exploitant d'une installation de captage, de prélèvement ou de déversement, la mise en marche des installations aux fins d'en vérifier les caractéristiques.
Bien que la mise en œuvre de la loi n°10-95 sur l’eau et ses textes d’application a permis la réalisation des acquis indéniables. Cependant, après approximativement, vingt-cinq ans d’existence, l’évaluation de l’application de cette loi sur le terrain a démontré que cette  loi  contenait des insuffisances et des faiblesses[[11]] , et qu’elle n’était plus adaptée aux mutations qu’a connu le secteur de l’eau, suite, à l’évolution du contexte socioéconomique du Maroc et à la promulgation de la constitution du 31 juillet 2011 et à l’entrée en vigueur de la loi cadre n° 99.12 portant charte nationale de l’environnement et du développement durable dont l’article 7 avait prévu l’actualisation de la législation de l’eau, dans le but de l’adapter aux exigences du développement durable et aux effets conjugués de la désertification et des changements climatiques.
À cet égard, la prise en conscience des pouvoirs publics de la nécessité de mener une refonte de la loi sur l’eau s’est imposée de plus en plus, l’enjeu était de répondre : aux engagements internationaux du Maroc, notamment, en matière de droit à l’eau et à l’assainissement, à faire face aux défis liés à la crise environnementale et aux changements climatiques, à préserver et valoriser le domaine public hydraulique, à recourir à la satisfaction juste et équitable de la demande croissante sur l’eau, à promouvoir la gouvernance de la gestion de l’eau et à renforcer le partenariat public-privé dans le secteur de l’eau. De ce fait, et après un large processus de délibération et de concertation entamé en 2010 par l’autorité gouvernementale chargée de l’eau[[12]] avec les différents acteurs et intervenants qui revendiquaient leur droit de participation dans la gestion de l’eau, une nouvelle loi relative à l’eau a été déposée auprès le Secrétariat Général du Gouvernement en 2015, pour être présentée et adoptée, par le parlement et publiée par la suite, au Bulletin Officiel n° 6506 du 6 octobre 2016,  il s’agit de la loi n° 36-15 relative à l’eau promulguée par le Dahir n° 1-16-113 du 10 aout 2016 (6 kaada 1437). Cette loi a reproduit les principes qui ont été déjà consacrés par sa prédécesseur la loi n°10-95, de plus elle a instauré de nouveaux principes complémentaires, notamment : la consolidation de la propriété publique de l’eau, le droit de tout citoyenne et citoyen à l’accès à l’eau et à un environnement sain, la gestion de l’eau selon les pratiques de bonne gouvernance incluant la concertation et la participation des de tous les acteurs, le renforcement de la gestion intégrée et décentralisée des ressources en eau en assurant la solidarité spatiale, la valorisation des eaux non conventionnelles, la protection du milieu naturel et la promotion du développement durable, l’intégration de l’approche genre en matière de développement et de gestion des ressources en eau et le renforcement du contrôle du domaine public hydraulique et les attributions de la police des eaux.  Afin de concrétiser ces principes fondamentaux, l’architecture de la loi n° 36-15 relative à l’eau comprenait 163 articles répartis sur 12 chapitres, cette architecture a introduit d’importants ajouts, notamment :
  • La consécration d’un article dédié spécialement aux définitions, et d’autres à la composition du domaine public hydraulique, et son utilisation ;
  • La création d’instances consultatives « des conseils » au niveau de chaque bassin hydraulique appelés «  conseils de bassins hydrauliques ». ils ont pour mission d'examiner et de donner leurs avis sur le plan directeur d’aménagement intégré des ressources en eau du bassin et sur toute question liée à la gestion des ressources en eaux. Ils se composent pour un tiers des représentants de l’État et des établissements publics sous sa tutelle et pour les deux tiers des représentants des élus, des chambres professionnelles et des associations œuvrant dans le domaine de l’eau, du climat et de l’environnement ;
  •  La mise en place d’un cadre juridique pour le dessalement de l’eau de mer ;
  •  L’obligation faite aux propriétaires ou aux gestionnaires d’ouvrages hydrauliques de maintenir un débit minimum à l’aval de ces ouvrages pour permettre la circulation et la reproduction des espèces animales et végétales ;
  • L’obligation de doter les agglomérations urbaines de schémas directeurs d’assainissement liquide qui tiennent compte des eaux pluviales et des impératifs de l’utilisation éventuelle des eaux usées. Ils doivent aussi être dotés de réseaux d’assainissement liquide et de stations de traitement des eaux usées. En outre l la loi soumet à autorisation et au paiement d’une redevance[[13]] de déversement dans ces réseaux ;
  • l’organisation du métier de foreur à travers la mise en place d’un régime d’autorisation pour l’exercice de ce métier. Aussi, un ensemble de conditions relatives aux qualifications techniques et aux moyens matériels auxquelles les demandeurs d’autorisations doivent répondre ;
  • l’établissement, dans le cadre de la gestion participative des ressources en eaux souterraines, des règles relatives à la procédure d’établissement de contrats de nappes, aux droits et obligations des administrations, établissements publics et usagers de l’eau signataires du contrat. Ce contrat doit aussi fixer les missions de suivi et de contrôle de l’utilisation des eaux de la nappe objet du contrat que l’agence de bassin peut conférer aux usagers des eaux de ladite nappe;
  • la mise en place de systèmes d’information sur l’eau au niveau du bassin hydraulique et à l’échelle nationale. Ces systèmes doivent permettre le suivi régulier de l’eau, des milieux aquatiques, des systèmes environnementaux et leur fonctionnement ainsi que les risques liés à l’eau et leur évolution. Les personnes physiques et morales intervenant le long du cycle de l’eau ainsi que les attributaires d’autorisations ou concessions d’utilisation du domaine public hydraulique sont tenues de mettre à la disposition de l’administration et des agences de bassins hydrauliques les données et informations dont elles disposent.
Placé comme l’un des principaux axes de la loi n° 36-15 relative à l’eau, le domaine public hydraulique est mentionné dès le 1er article de la dite loi : « ….. En vue d'une utilisation rationnelle et durable et une meilleure valorisation quantitative et qualitative de l'eau, des milieux aquatiques et du domaine public hydraulique en général…. ». Si le domaine public a gardé son importance et sa spécificité, c’est que le législateur a déduit que la gestion des ressources en eau est liée principalement à la gestion du domaine public hydraulique,  notamment, en matière de la mobilisation, l’utilisation ou l’exploitation des ressources en eau, qui sont exercées et pratiquées sur  ce domaine.
Cependant, lors de la lecture des dispositions de loi n° 36-15 relative à l’eau relative à l’eau, on s’aperçoit que cette loi, malgré,  qu’elle a énoncé des nouveaux principes dans la gestion de l’eau, en intronisant : les notions de la gouvernance et la bonne gouvernance, la mobilisation des eaux non-conventionnelles, le contrat de gestion participative, l’informatisation de la gestion de l’eau, la prévention contre les risques de l’eau, l’organisation du métier de foreur et le contrôle du domaine public hydraulique. Cette dernière au niveau de la gestion du domaine public hydraulique, sa composition, son utilisation et son exploitation  a resté figé voire limité et n’a pas atteint les objectifs escomptés.
En effet, lors de l’analyse des dispositions de cette loi, le législateur a « presque » repris la même composition du domaine public hydraulique qui figurait dans la loi n° 10-95 sur l’eau, sans prendre en considération les éventuelles/ nouvelles composantes qui normalement devaient figurer dans ce domaine, à savoir : les khettaras, les dayats, les fleuves, les bassins des eaux dessalées, ou les bassins des eaux pluviales. Par la suite, l’enjeu principale de la cette c’est l’identification claire et facile du domaine public  hydraulique, pour cela ce dernier doit être délimité, par la procédure de la délimitation. Or, la principale problématique du domaine public hydraulique persiste toujours , et elle est essentiellement liée à l’identification de ses limites vis-à-vis des autres domaines. D’ailleurs, le bilan de la procédure de la délimitation du DPH reste faible voire insignifiant, que ce soit en termes de détermination des limites du domaine public hydraulique naturel ou artificiel. Il suffit de mentionner qu’un seul décret n°2.10.546 en date du 23 novembre 2011 délimitant le cours d’eau d’Oued MARTIL portant sur deux lots de terrain d’une superficie respective de 87 hectares et 6 hectares a vu le jour[[14]] .
En ce qui concerne, le régime d’octroi des autorisations et des concessions relatif à l’utilisation et l’exploitation du domaine public hydraulique, on remarque que la terminologie utilisée dans la loi n° 36-15 ne fait pas de distinction entre «exploitation » et « utilisation », et ceci rend difficile à cerner la signification donnée par le législateur pour l’usage les deux termes. D’autant plus, le régime d’octroi des autorisations pour l’utilisation ou l’exploitation du domaine public hydraulique, est considéré actuellement comme inefficace et caduc, car la plupart des opérations des prélèvement des ressources eaux sont exercés par des préleveurs non déclarés et non reconnus par l’administration, il s’agit des opérations de prélèvement non autorisées, non inventoriées et surexploitées, et ceci malgré ; le fait que la loi relative à l’eau à consacrer des dispositions dédiées à l’organisation du métier de foreur ; mais qui reste inapplicable tant que le texte d’application de cette disposition n’est toujours pas publiée dans le Bulletin Officiel. D’après, le rapport de la Cour des Comptes sur la situation des ressources en eau au Maroc en 2018, les magistrats de cette Cour ont constaté qu’ il existe plus de 102.264 préleveurs d’eau (eau potable, eau d’irrigation, eau industrielle) hors régime d’autorisation, cette anarchie se justifie par l’absence d’une disposition réglementaire de la loi n° 36-15 relative à l’eau qui fixe les modalités et les conditions d’octroi des autorisation et des concessions du domaine public hydraulique, qui  aussi n’est jusqu’à maintenant pas publié  en Bulletin Officiel, ce qui laisse la mise en œuvre des dispositions réglementaires de la précédente loi sur l’eau toujours en vigueur jusqu’à la publication de ce décret en Bulletin Officiel.
Si la tragédie du décès d’un enfant à l’âge de cinq ans en mois de janvier 2022 dans la commune de Tamorot province de Chafchaouen, a attristé l’opinion publique au niveau national et international, solidaire avec le défunt et sa famille. Cet accident mortel, a créé une polémique sur la sécurité des puits en cours d’exploitation, abandonnés ou clandestins et les fosses anarchiques et sur leur contrôle, et a déclenché un débat sur le rôle de la police des eaux relevant de l’Administration, des Agences de Bassins Hydrauliques, de l’autorité locale et  de la police judiciaire dans le contrôle du domaine public hydraulique. En guise de réaction rapide à cette tragédie, le Ministère de l’Équipement et de l’Eau n’a pas tardé à prendre des mesures concrètes. En ayant recouru, encore une fois, à l’instrument législatif et juridique pour remédier à cette situation, à travers l’acceptation de la proposition d’un groupe parlementaire pour la révision des dispositions des articles 33 et 143 bis de la loi 05.23 modifiant et complétant la loi n° 36.15 relative à l’eau; par lesquelles la décision d’octroi d’autorisation doit obliger le demandeur  de l’autorisation à s’engager à prendre toutes les mesures pour la prévention des risques liés au carottage d’un puits ou un forage, aussi de prévoir des sanctions pécuniaires, en cas de non-respect des dispositions de l’article 33.
Si la police des eaux qui est un organe de contrôle du domaine public hydraulique, qui a été instauré par  le Dahir de 1925 sur les régimes des eaux puis par la loi n° 10-95 sur l’eau avec des missions bien précises pour la prévention contre tout usage illicite de ce domaine. Les missions, de cet organe de contrôle se sont vues consolidées par la loi n° 36-15 relative à l’eau. Cependant, le bilan et le rendement de cette police pour la constations et la verbalisation des contraventions liées au domaine public hydraulique restent très maigres et ne répondent pas  aux attentes fixées par le législateur pour préserver et protéger le domaine public hydraulique. En effet, selon le même rapport de la Cour des Comptes la police des eaux comprend un effectif global de 134 personnes dont 61 relèvent des ABH (46%) et 73 du DGE (54 %), ce nombre d’effectif qui reste largement insuffisant eu égard à l’étendue de son territoire et l’importance du domaine public hydraulique, met en difficulté le rendement et l’efficacité d’intervention de cet organe de contrôle et entrave la préservation de ce domaine. En plus de leur insuffisance numérique, la plupart des agents de la police des eaux ne  bénéficie pas d’une formation  continue et de base appropriée pour l’exercice de leur mission (formation dans les domaines de la législation de l’eau, procédures judiciaires, techniques de rédaction des procès-verbaux, ...) ce qui est à l’origine du rejet de la plupart de leurs procès-verbaux pour des vices de formes ou de fonds ; d’autant plus ils ne bénéficient pas suffisamment des moyens logistiques ni des appuis financiers nécessaires pour leur inciter à exercer leur mission bien comme il faut. À rappeler que les agents de la police des eaux  sont des agents assermentés mais aussi des fonctionnaires ou des employés qui exercent des missions  et des taches différentes dans leurs administrations d’origine.

CONCLUSION

Certes l’eau constitue une ressource d’extrême importance pour l’homme, la rationalisation de son usage ne doit pas se limiter à un arsenal juridique ou une campagne de sensibilisation, mais à une conscience collective éveillée de préserver le domaine public hydraulique, ce domaine que jusqu’à l’écriture de ces lignes souffre de l’empiètement et des utilisations anarchiques et illicites répétées et continues
L’importance de l’eau comme ressource indispensable à la vie, ne doit pas  se dissocier du domaine public hydraulique sur lequel s’exerce la plupart des opérations visant l’usage de ce domaine, car si le législateur à viser la préservation et la rationalisation  des ressources en eau, c’est que ce dernier devait consacrer tous les moyens nécessaire pour l’accomplissement de cette action, or le constat actuel témoigne d’une anarchie d’utilisation et d’une surexploitation inadéquate avec le volume des précipitations pluviométriques qui ne cesse de  se dégrader menaçant le Maroc dans les années à venir par des crises de sécheresse avec une ampleur sans précédent et menaçant le devenir des générations futurs.
Ainsi, de notre point de vue, il est temps de mobiliser les moyens pour faire intégrer tous les acteurs concernés dans la gestion de l’eau, que la préservation de l’eau commence par la préservation du domaine public, que le contexte hydrique n’est plus le même il y a trente ans et que nous sommes appelés à changer nos comportements et faire actes de rationalisation d’usage et d’économie d’eau.


 

[[1]] Le monopole du pouvoir consiste à une relation d'échange entre deux acteurs sociaux (des individus, des groupes sociaux ou classes sociales), le plus souvent asymétrique, qui permet à l’un des acteurs de faire agir l’autre, selon Max Weber, « l'autorité d'un individu sur un autre repose sur sa légitimité » et « la question est de savoir qui détient le pouvoir (individu, classe sociale, groupe d'individus constitué de différentes manières, ensemble de la population), comment il l'a obtenu et comment il peut le perdre, ce qui détermine le niveau démocratique d'un régime politique » - pouvant aller de la dictature  à la démocratie.
[[2]] des directives contenues dans le coran, la chariaa ou la jurisprudence.
[[3]] Théodore Steeg (1868-1950), homme politique français, agrégé de philosophie, plusieurs fois ministre, ministre des Colonies, Président du Conseil (1930-1931), Gouverneur général de l'Algérie (1921-1925), fut Résident général au Maroc de 1925 à 1929. Il succéda au maréchal Lyautey, 1er Résident sous le Protectorat français (1912-1956).
[[4]] « makhzen » (en arabe  : مخزن ; littéralement « magasin », en amazighe  : ⵍⵎⴰⵅⵣⵏ) désigne, dans le langage courant et familier au Maroc, à la fois le pouvoir marocain et par extension l'administration.
[[5]]  publié en Bulletin Officiel le 20 janvier 1919
[[6]] Lors de la première session du conseil supérieur de l’eau tenue le 16 juillet 1981 que la décision a été prise de refondre la législation relative aux ressources en eau.
[[7]] La sécheresse qu’a connu le Maroc dans les années 1980.
[[8]] Lancée dès les années 60 par Feu SM Hassan II, la politique des barrages a dénoté de la clairvoyance du regretté Souverain et a révolutionné la gestion des ressources hydriques à travers la mobilisation de milliards de m3 d'eau dans les différentes régions du Royaume.
[[9]] La crue  est une forte augmentation d’un accroissement du débit et de la hauteur d'eau  en écoulement d'un fleuve, d'une rivière, d'un cours d'eau. Le mot s'utilise fréquemment quand le débordement du lit mineur  du cours d'eau commence à provoquer des dommages. Ce débordement provoque une inondation  de zones plus ou moins éloignées des rives, en délimitant ainsi une zone inondable. La crue est suivie par une décrue.
[[10]]   L’utilité publique du domaine public hydraulique veut dire que l’une des composantes de ce domaine perd définitivement sa qualité de bien contenant l’eau, à cause de la nature ou de l’homme.
[[11]] Ces faiblesses sont liées principalement à:
  • l’absence de définitions pour certaines expressions telle que l’expression « rejet direct ou indirect » prévue à l’article 52 de la loi ce qui a donné lieu à de multiples interprétations et a retardé, par conséquent, la publication des textes d’application liés à cet article;
  • la complexité des procédures de délimitation et d’utilisation du domaine public hydraulique ce qui ne facilite pas l’aboutissement de ces procédures dans des délais raisonnables;
  • la faiblesse des dispositions relatives aux eaux pluviales et aux eaux usées ce qui ne favorise pas la valorisation et l’utilisation de ces eaux et l’atténuation de la pression sur les eaux souterraines ;
  • la faiblesse des dispositions relatives à la protection contre les inondations ;
  • l’absence de dispositions concernant le dessalement des eaux de mer ce qui ne permet pas la mise en œuvre de projets de dessalement sur la base d’un cadre réglementaire bien défini et clair.  
 
[[12]] Nous l’avons préféré le définir ainsi, car l’appellation de cette autorité changée souvent et dont  une analyse décortiquera  cet aspect dans les lignes qui suivent dans cet article. Par conséquent, lors de l’inauguration des discussions relatives au projet de la loi 36-15 l’autorité gouvernementale chargée de l’eau avait l’appellation du Ministère de l’Energie, des Mines et de l’Eau – Département de l’eau.
[[13]]   Le calcul du montant de la redevance est fixé par voie réglementaire.
[[14]] Rapport de la cour des compte de 2018.



الخميس 2 ماي 2024
MarocDroit منصة مغرب القانون "الأصلية"

عناوين أخرى
< >

الاربعاء 13 نونبر 2024 - 19:36 Les défis juridiques et pratiques des associations étrangères


تعليق جديد
Twitter