Lorsqu’on parle du droit pénal, on constate qu’il est peu estimé par les justiciables. La brutalité de son histoire sanglante, sa mauvaise réputation comme moyen de suppression s’attachent en permanence. La critique nous ramène à la vraie particularité du droit pénal, à sa dignité comme matière juridique fondée sur une légitimité et non seulement sur la force, que ce soit au niveau national (paragraphe1) ou international (paragraphe2).
Paragraphe1 : La particularité du rôle du droit pénal au niveau national
À partir du moment où plusieurs personnes vivent en communauté, naît aussitôt un besoin de règles juridiques qui régissent leur quotidien de toute nature : civil, administratif ou même pénal[[1]]url:#_ftn1 .
Le droit pénal a pour fonction de faire respecter un certain ordre public ainsi que la sécurité de tout un chacun. Mais cela doit se faire en garantissant les libertés individuelles. De plus, il a pour mission d’apporter des réponses à ce que l’on appelle le phénomène criminel, c'est-à-dire, plus précisément, l’ensemble des comportements qui peuvent porter atteinte aux personnes, aux biens, à l’Etat, à la Nation ou à la paix publique[[2]]url:#_ftn2 .
Pour jouer pleinement son rôle de protection au niveau national, le droit pénal s’efforce de trouver un équilibre entre l’intérêt de l’individu et celui du groupe, c'est-à-dire garantir les libertés individuelles et établir l’ordre public. D’une part, il condamne toute tentative visant à porter atteinte à l’individu, qu’il s’agisse de menacer sa vie, sa liberté, sa dignité ou ses biens, d’autre part, il s’efforce de mettre en place les garanties nécessaires afin de préserver la liberté de l’individu, son droit de recourir à la Justice et son droit à un procès équitable.
Par ailleurs, Pour être efficace, le droit pénal doit comporter de solides éléments reposant sur un cadre de normes juridiques et sur les principes fondamentaux inhérents à l’Etat de droit et au respect des droits de l’Homme. L’Etat de droit doit posséder un arsenal juridique qui fonctionne comme il se doit pour démêler les affaires pénales complexes dans le respect des droits de L’homme. Pour cela un Etat de droit doit s’engager à rendre le rôle du droit pénal plus efficace.
L’observateur attentif de l’évolution pénale marocaine, constate que l’Etat fournit un effort colossal pour disposer d’un droit pénal respectueux des droits de l’Homme, une politique qui vise sa modernisation et des dispositions prévoyant non seulement la dissuasion, mais également la réintégration du criminel dans la société. D’où l’importance de dresser une politique pénale efficace avec la participation de toutes les composantes da la société civile, pour mettre en place un droit pénal ayant une double fonction : la protection des libertés individuelles et le maintien de l’ordre public.
D’après ce qui précède, nous constatons que le droit pénal joue un rôle primordial dans la protection des droits de l’Homme au niveau national. Les recherches ont montré aussi son importance comme instrument pour réaliser la paix sociale.
En définitif, un travail énorme attend le ministre de la justice, afin de rendre le droit pénal plus efficace qu’auparavant. Nombreux sont les reformes qui se succèdent au Maroc les unes âpres les autres, mais elles n’ont de reforme pénal que le nom. Donc ce qu’il faut à l’heure actuelle que ces dispositions doivent réellement appliquées pour assurer la mission idéaliste du droit pénal « protection des droits de l’Homme ».
De façon général, ce qu’on l’on attend du nouveau gouvernement au nom de son ministre de la justice d’avoir l’audace nécessaire et la volonté concrète pour lancer un débat élargi sur le rôle effectif du droit pénal (Instance de dialogue national sur la reforme de la justice par initiative du Roi). Le ministre doit octroyer à des experts le soin de mettre en place des reformes afin de développer un droit pénal nouveau qui consiste à renouveler la confiance du citoyen envers lui et ne jamais lui considéré comme un catalogue d’horreur. C’est ce qui va nous conduire à formuler les recommandations suivantes :
- Il faut l’élaboration d’une stratégie et des mécanismes de protection des droits de l’homme au niveau national et international. Le but étant d’aménager efficacement ses mécanismes pour rendre le droit pénal soit au niveau national ou international un instrument de protection des droits de l’Homme.
- Le droit pénal doit s’efforce à trouver un équilibre entre l’intérêt de l’individu et celui du groupe c'est-à-dire garantir les libertés individuelles et établir l’ordre public. Il doit s’efforce à mettre en place les garanties nécessaires afin de préserver la liberté de l’individu, son droit de recourir à la Justice et son droit à un procès équitable.
- La mise en place d’une politique criminelle efficace pour l’élaboration d’une justice pénale respectueuse des droits de l’homme
- Dresser une politique pénale efficace avec la participation du législateur et du juge pénal, pour mettre en place un droit pénal ayant une double fonction : la protection des droits de l’Homme et le maintien de l’ordre public.
La particularité du droit pénal au niveau international se manifeste du passage du normatif à l’institutionnel, par la mise en place des mécanismes qui se chargent de la poursuite et de la répression des comportements qui menacent la sécurité international tels que la cour pénale internationale. Ainsi, l’attraction par le droit international de compétences pénales considérées jusque là comme l’apanage des seuls Etats souverains[[3]]url:#_ftn3 .
Effectivement, la cour pénale internationale, est la première juridiction pénale internationale permanente ayant compétence à l’égard des crimes les plus graves, qui touchent l’ensemble de la communauté internationale, que sont les crimes de guerre[[4]]url:#_ftn4 , les crimes contre l’humanité, le génocide et le crime d’agression. Le 17 juillet 1998 s’achevait à Rome la conférence des Nations Unies ou 120 Etats adoptaient le statut portant création de la cour pénale internationale. Seuls sept Etats ont voté contre, dont la Chine et les Etats Unis, et 21 se sont absentés. Moins de quatre ans après la signature du Statut de Rome, le 11 avril 2002, le seuil des 60 ratifications nécessaires à l’entrée en vigueur de la cour fut atteint.
Le statut de Rome organise la compétence de la cour, son mode de fonctionnement, le droit applicable ainsi que les modalités de coopération avec les Etats. Ce statut doit cependant être complété par d’autres textes, élaborés lors des sessions de la commission préparatoire à New York. Ces textes dont le règlement de procédure et de preuves, les éléments constitutifs des crimes ou encore le règlement financier, doivent être formellement adoptés par l’assemblée des Etats parties.
Le statut de Rome reprend différents principes généraux du droit pénal international, ayant pour objet d’accroitre l’efficacité de la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves. Pas d’immunité devant la CPI l’article 27 consacre le défaut de pertinence de la qualité officielle. Par ce principe, les chefs d’Etats, ou de gouvernement, les membres d’un gouvernement ou d’un parlement, les représentants élus ou agents d’un Etat, ne peuvent en aucun cas être exonérés de la responsabilité pénale. En outre, la qualité officielle ne peut constituer, en tant que telle, un motif de réduction de la peine. Motifs d’exonérations et responsabilité du supérieur hiérarchique l’article28 affirme que, les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques doivent répondre à des crimes commis par leurs subordonnés.
De même, tout crime relevant de la compétence de la cour perpétré sur ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa responsabilité pénale article 33. En revanche, certains cas d’exonération de la responsabilité sont prévus par le statut, notamment en cas de déficience mental du criminel ou de légitime défense (article 31).
En effet, la réussite du travail de la cour pénale internationale, repose sur les principes de complémentarité[[5]]url:#_ftn5 et de coopération, entre celle-ci et les Etats membres. Le principe de complémentarité consiste en ce qu’une affaire ne peut être déclarée recevable par la cour, que si celle-ci a jugé que le ou les Etats compétents n’ont pas pu ou pas voulu traiter cette affaire avec l’efficacité et l’objectivité requises[[6]]url:#_ftn6 .
Le principe de coopération oblige tout Etat partie à coopérer pleinement de façon générale, avec la cour et son procureur dans les enquêtes et poursuites menées. Ceci implique notamment, l’arrestation et la remise de personnes recherchées par la cour, la participation au rassemblement des preuves, ainsi que l’assistance au procureur près de la cour dans ses enquêtes, voir l’acceptation que dans certaines circonstances ce dernier puisse se substituer, du moins pour partie, aux autorités judicaires nationales[[7]]url:#_ftn7 .
Dans le même processus de coopération des Etats avec la cour pénale internationale, chaque Etat partie au statut de Rome est libre de choisir la manière de mettre en œuvre ses obligations à l’égard du Statut de Rome.
Les pays du Commonwealth ont ainsi, l’obligation en vertu de leur constitution, de préparer des lois de mise en œuvre avant de ratifier un traité international. En revanche, les Etats qualifiés « systèmes monistes » ratifient d’abord les traités, avant de les intégrer à leurs lois nationales. Mais le besoin de coopération ne s’arrête pas là, conformément au principe de complémentarité, la cour n’intervient que de manière subsidiaire et les enquêtes et poursuites relèvent de responsabilité première des Etats. Pour ce faire, ces derniers doivent incorporer ou harmoniser les définitions des crimes et les principes généraux du droit pénal international visés par le statut de Rome.
L’entrée en fonction de la cour pénale en 2002 a ouvert une nouvelle ère de responsabilité globale, et inauguré la fin de l’impunité, a estimé le Secrétaire général des Nations Unies Ban ki-Moon au premier jour de la conférence de révision de la CPI. Effectivement, l’avènement d’une juridiction pénale internationale permanente marque nettement le début d’une nouvelle ère juridique. Elle constitue en effet, un progrès incontestable pour la primauté d’un droit international dans lequel les crimes internationaux les plus graves ne peuvent rester impunis.
Pour la première fois, une juridiction internationale pénale permanente est donc chargée de juger à la demande d’un Etat, du Conseil de sécurité ou du procureur, les individus soupçonnés de crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre, comme le prévoit précisément son Statut et dans le respect du principe de complémentarité. Certes, il y a encore des Etats et gouvernement dont le Maroc, qui pour divers raisons, sont encore réticents à ratifier le Statut de Rome. Mais il est très probable que, l’assurance et l’efficacité que la cour aura gagnées au fil du temps contribueront à surmonter ces circonspections[[8]]url:#_ftn8 .
Enfin, Malgré tous les obstacles, cette cour doit contribuer à rendre irréversible le mouvement de lutte contre l’impunité. Il arrivera un moment où il sera nécessaire de ratifier le statut de Rome, et de coopérer avec la cour afin de sanctionner les auteurs des crimes contre l’humanité.
Pour conclure, la question du rôle du droit pénal marocain, que ce soit au niveau national ou international reste parmi les grandes questions qui servent de baromètre à l’Etat de droit. Pour cela, la justice pénale se trouve au cœur des grandes réformes que connait le Maroc actuellement suite à l’adoption de la nouvelle constitution de 2011 qui a érigé la justice en pouvoir judiciaire indépendant. A notre avis, la Haute Instance de dialogue nationale, devrait moraliser l’efficience du rôle du droit pénal que ce soit au niveau national ou international.
Bibliographie
- Droits de l’Homme et droit pénal au Cameroun », par, SHE Adolphe Monika, économica année 1999.
- Le droit pénal », L.G.D.J, par, Dominique Allix, Professeur à l’Université de Paris-Sud.
- Le droit international pénal : entre l’Etat et la société internationale, par Serge Sur, actualité et droit international, Revue d’analyse juridique de l’actualité internationale.
- La cour pénal internationale, comment les organisations non gouvernementales peuvent contribuer à la poursuite des criminels de guerre », septembre 2004.
- Résumé des arrêts, avis consultatifs et ordonnance de la cour internationale de justice », Nations Unies, année 1997-2002.
[[1]]url:#_ftnref1 Le terme droit pénal est pris ici au sens large et désigne la branche du droit positif qui détermine les actes punissables, les sanctions qui frappent leurs auteurs et les autorités et formes qui président à l’application de ces sanctions. Entendu en ce sens, le droit pénal comprend : le droit pénal général, le droit pénal spécial, la procédure pénale et le droit pénitentiaire ou pénologie. « Droits de l’Homme et droit pénal au Cameroun », par, SHE Adolphe Monika, économica année 1999, p. 7.
[[2]]url:#_ftnref2 Dans un Etat de droit, le droit pénal reste un instrument privilégié de lutte contre le crime. Mais la réalité humaine et sociale de ce phénomène ne se laisse que difficilement saisir par le droit. C’est à cette réalité que les sciences criminelles s’efforcent de saisir. Au premier rang de ces sciences figure la criminologie, ainsi que l’anthropologie criminelle, la sociologie criminelle
« Le droit pénal », L.G.D.J, par, Dominique Allix, Professeur à l’Université de Paris-Sud. P. 5.
« Le droit pénal », L.G.D.J, par, Dominique Allix, Professeur à l’Université de Paris-Sud. P. 5.
[[3]]url:#_ftnref3 Le droit international pénal : entre l’Etat et la société internationale, par Serge Sur, actualité et droit international, Revue d’analyse juridique de l’actualité internationale, p.3.
[[4]]url:#_ftnref4 Les crimes de guerre dont des infractions graves aux conventions de Genève du 12 aout 1949 et autres infractions sérieuses aux lois et coutumes applicables aux conflits armés. Les conventions de Genève sont des accords internationaux définissant les règles de la guerre. Elles instituent des normes internationales pour la protection des populations civiles et le traitements des combattants dans les conflits armés internationaux et non internationaux. Les crimes de guerre sont commis dans un contexte de conflit armé. Certains crimes de guerre sont spécifique aux conflits armés ne présentant pas de caractère international comme les guerres civiles et d’autres avantage liés aux conflits armés internationaux mais la plupart des crimes de guerre peuvent se produire dans l’une ou l’autre des ces situations. Par, WATCH Human Reights, « La cour pénal internationale, comment les organisations non gouvernementales peuvent contribuer à la poursuite des criminels de guerre », septembre 2004, p. 4.
[[5]]url:#_ftnref5 Le principe de la complémentarité inscrit dans le Statut de Rome confère aux Etats, et à la cour pénale internationale, la responsabilité première de poursuivre les crimes, sauf dans le cas ou les Etats n’ont pas la volonté ou sont dans l’incapacité de mener à bien les poursuites (art 17). De plus, cette juridiction n’a compétence qu’à l’égard des crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut (art11). « Résumé des arrêts, avis consultatifs et ordonnance de la cour internationale de justice », Nations Unies, année 1997-2002.
[[6]]url:#_ftnref6 Statut CPI, articles 17 à 20.
[[7]]url:#_ftnref7 Statut CPI, Chapitre IX.
[[8]]url:#_ftnref8 BERKOVICZ Grégory, la place de la Cour pénale internationale dans la société des Etats, Logique juridique, édition Harmattan, année 2005