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La protection du consommateur contre les clauses abusives insérées dans les contrats de prêt immobilier

     

Écrit par M. ZNAIDI ZAKARIA
Juriste d’affaires/Consultant juridique
Titulaire du CAPA- Chercheur en Sciences Juridiques.



La protection du consommateur contre les clauses abusives insérées dans les contrats de prêt immobilier

Fort heureusement que le consommateur marocainest protégé aujourd’huicontre les clauses abusives qui figurent dans les contratsde crédit immobilier grâce à l’intervention du législateur.

En effet, la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur publiée au bulletin officielle en date du 07/04/2011, partant de l’existence d’uneinégalité de situation entre leprofessionnel et le consommateur, a pour finalité de :
 
1
Corriger la relation contractuelle liant le professionnel au consommateur ;
2
Garantir la protection du consommateur quant aux clauses contenues dans le contrat lors de sa formation et de son exécution, notamment les clauses abusives ;
3
Et d’assurer la représentation et la défense des intérêts des consommateurs.
 

Le présent article vient à un moment aussi important, unqui marque la 5ème année après la publication de la législation sur la protection du consommateur en date du 07 Avril 2011, un moment où les juristes, les lecteurs et les médias commencent à s’intéresser davantage à ce sujet d’actualité qui concerne directement l’économie nationale.
 
La loi n°31-08a eu un impact direct sur l’activité bancaire spécialement,et sur les crédits immobiliersparticulièrement.Bien plus, elle a offert au consommateur désirant bénéficier d’un prêt immobilier plusieurs droits, notamment :
  • le droit à l’information pour faire un choix rationnel compte tenu de ses besoins et de ses moyens ;
  • Le droit de lui soumettre gracieusement une offre préalable de Crédit ;
  • Le droit d’avoir un délai de réflexion, et un délai de rétractation ;
  • Le droit d’être informé du coût global du crédit et du taux effectif global ;
  • Le droit d’avoir un contrat dressé obligatoirement en langue arabe parallèlement à celui écrit en français…etc
Etant entendu queces dispositions en matière de crédit immobilier, sont d’ordre publicet qu’il n’est pas possible d’y déroger par voie contractuelle.

Etant rappeléque cette législation protectrice ne s'applique que pour les contrats conclus entre professionnel et un non-professionnel ou consommateur.

Il va sans dire que la loi n°31-08du 07/04/2011 a introduit pour la première fois en droit marocain la notion de «clause abusive» afin de mieux protéger le consommateur.

En matière de droit de la consommation, une clause est considérée comme abusive quand elle instaure un déséquilibre manifeste (au détriment du consommateur) entre les droits et obligations des deux parties, dans les contrats entre professionnels et non-professionnels.
Conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi n°31-08 « sont nulles et de nul effet les clauses abusives contenues dans les contrats conclus entre fournisseur et consommateur. Le contrat restera applicable dans toutes ses autres dispositions s’il peut subsister sans la clause abusive précitée».

Compte tenu de la gravité de l’atteinte portée à l'équilibre des contrats par l’insertion de ces clauses abusives, ces dernières sont réputées «non écrites», autrement dit comme si elles n’existaient plus et le consommateur retrouve ainsi ses droits, sans que le contrat de crédit immobilierne soit remis en cause, c’est-à-dire que les autres dispositions demeurent valables et continueront de s’appliquer.

La pratique démontre justement que malgré l’existence d’un arsenal juridique spécial régissant les contrats de crédit immobilier et limitant considérablement l’autonomie de volonté,et malgré que sa publication au B.O a été faite en 2011,certain professionnelsn’ont pas observé la volonté du législateur qui a imposé des règles impératives aux contractants, dans le but est de protéger la partie la plus faiblequi –précisons-le- n’a pas le droit de discuter ni de négocier les clauses imposées.
 
Etant rappelé que les professionnels devraient mettre leurs contrats de crédit immobilier (contrat d’adhésion) en conformité avec les dispositions de la loi n° 31-08, dans un délai de 6 mois à compter de la date de sa publication au B.O.

Toutefois, certaines clauses insérées dans le contrat de crédit immobilier renforcent davantage les droits et prérogatives du professionnel, au détriment des droits et acquis du consommateur etelles sont de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, telles que :

1- les frais à la charge du consommateur :

(…) A tout moment, le prêteur aura le droit d'accès à la propriété, et l'emprunteur devra supporter les frais occasionnés par la visite des lieux.

(…) Tous les frais des présentes et leurs suites sont à la charge de l'emprunteur, de même que tous les frais occasionnés par la constitution et éventuellement le renouvellement des garanties
(…) La prise en charge par l’emprunteur des frais de représentation en justice de la banque en cas de litige 

2- L’exigibilité par anticipationet la déchéance du terme :

(…) En cas de saisie» toutes les sommes dues deviendront de plein droit exigibles.

(…) En cas de location » du dit immeublesans l’accord préalable de la banque.

(…) En cas d’hypothèque de tout ou partie du bien financé sans l’accord préalable de la banque.

(…) Au cas où l’Emprunteur cesserait de faire partie du personnel de la Banque, notamment par suite de départ volontaire, licenciement, révocation et plus précisément pour toute autre cause.

(…) Si d'une manière générale, l'une des obligations prévues au contrat de prêt n'était pas observée.

(…) En cas, notamment, de défaut de paiement à bonne date par l'emprunteur d'une somme due.

3- Décès de l’Emprunteur :

(…)En cas de décès de l’emprunteur et à défaut de paiement en faveur de la banque de l’indemnité d’assurance décès invalidité lui revenant au titre du crédit, toutes les obligations résultant du contrat seront stipulées solidaires et indivisibles entre les héritiers et ayants droit et tous frais de signification à faire aux héritiers ou héritiers et représentants seront à la charge des héritiers ou représentant.

4- Modification unilatérale d’une clause quelconque du contrat de crédit immobilier initial :

(…) le cas d’un contrat conférant au prêteur la possibilité de réviser à la hausse le taux d’intérêt du prêt accordé.

5- Domiciliation de tous les revenus quelle que soit leur nature ou leur origine :

(…)que l'emprunteur s'oblige à domicilier auprès du prêteur tous ses revenus, quelle que soit leur nature ou leur origine(salaires, pensions...), pendant toute la durée du prêt.

6- Attribution de compétence :

Considérant que quelques contrats font attribution de compétence au tribunal du siège du prêteur.
 
Au regard de ce qui précède, certaines clauses contractuelle insérées dans les contrats de prêt immobilierprocurent un avantage excessif au professionnel en raison de sa puissance économique, impliquent un rapport de force et attestent un déséquilibre significatif d’où découle une situation d’inégalité et une atteinte permanente à la stabilité de l’engagement des deux parties.
 
A la différence des stipulations et dispositions du D.O.C, la charge de la preuve du caractère non abusif incombe au professionnelen cas de litige de consommation.

Aussi,en cas de doute sur le sens d’une clause qui manque de clarté et de transparence, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut.
 
Il est à noter que la loi 31-08 et ses décrets d’application ont facilité le travail des juges qui, résorbent le déséquilibre qui existe dans la relation contractuelle entre les consommateurs et les établissements bancaires.
 
En définitive, ilconvient de s’intéresser aux décisions judiciaires toutes récentes en matière de litiges de consommation, notamment les litiges relatifs à l’application et l’exécution d’un contrat de prêt immobilier : les juges saisis ont déclaré abusives, au sens où l'entend la loi, certaines clauses qui y figurent. Elles sont alors réputées non écrites et deviennent sans effet.

Certes, ces décisions judiciaires (rendues par les tribunaux de Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès et Meknès), sont considérées réconfortantes et très satisfaisantes, et deviennent aujourd’hui une référence et une position constante pour les juridictions du Royaume.




الثلاثاء 15 مارس 2016
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