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Le droit à l'assistance d'un avocat durant la garde à vue : entre le bénéfice immédiat et le respect des droits de la défense

     

MOUJAHID Hicham
(Docteur en Droit)



Le droit à l'assistance d'un avocat durant la garde à vue : entre le bénéfice immédiat et le respect des droits de la défense
 
 La procédure pénale marocaine a subi d’importantes réformes, notamment en ce qui concerne la garde à vue, tant lors de son prononcé que dans sa durée sans oublier, le renforcement de la protection de la présomption d’innocence  et les droits des victimes. Effectivement, le législateur a entrepris un effort considérable pour améliorer les conditions de la garde à vue au Maroc en intervenant la police judiciaire, le ministère public, mais le législateur a oublié le rôle de l’avocat comme élément très important dans l’équation : garde à vue et droits de la défense égale respect des droits de l’Homme.

En effet, pour éclairer le rôle de l’avocat durant la garde à vue, nous avons jugé utile :
 De faire un passage sur le contexte de la garde à vue (A) et sur la nécessité qui pèse au législateur marocain, pour renforcer le rôle de l’avocat  lors de la garde à vue comme son homologue français. Le législateur marocain ne peut que s’inspirer de la législation française en la matière (B) parce qu’on n’a pas besoin de rappeler la parenté et la similitude existantes entre les codes de procédures pénales des deux pays.

ََA    Contexte et utilité de la garde à vue
 
Rappelons que la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire[[1]]url:#_ftn1 , sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.
 Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un  des objectifs suivants :
  • Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne
     
  • Garantir la présentation de la personne devant le procureur de Roi  afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;
  • Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
  • Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches
  • Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices  
  • Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit
Toutes ces mesures visent le déroulement des enquêtes et instructions, tout en préservant au mieux les libertés individuelles des accusés, et en leur assurant des garanties judiciaires nécessaires pour le respect des droits humains. Mais notons que, dans une société démocratique, priver une personne de la liberté physique constitue une atteinte particulièrement grave à la liberté individuelle.
Néanmoins, il est certain dans des circonstances où les policiers et magistrats peuvent légitiment attenter à la liberté des individus[[2]]url:#_ftn2 . Ces atteintes ne sont alors admises, que pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi[[3]]url:#_ftn3 . Dans cette perspective, un certain nombre de garanties sont assurées à l’individu, qu’il s’agisse de la décision de la garde à vue et les autorités compétentes de la mise en garde à vue …..
La procédure pénale vise également des objectifs essentiels : permettre la condamnation des coupables, mais également la sauvegarde des innocences. Pour ce faire, elle est de nature mixte, c'est-à-dire que, selon les phases, la procédure pénale est tantôt de nature inquisitoire, tantôt de nature accusatoire. Comme elle vise la protection des droits des individus et l’établissement de la justice pénale. Le législateur marocain a essayé de réaliser ces objectifs, en réformant plusieurs fois la procédure pénale de 1959, qui s’est basée sur la nécessité de garantir les droits des personnes, durant la période de la garde à vue ou la détention préventive prenant en considération le principe d’innocence.
Enfin, pour l’utilité de la garde à vue, le recours à cette mesure  doit être justifié par les nécessités de l’enquête. Lorsqu’une enquête impose à l’enquêteur des perquisitions, des confrontations, plusieurs interrogatoires, il a besoin d’avoir recours à cette garde à vue mais autant qu’un outil d’enquête pas plus. Il  ne faut pas faire de lien entre la garde à vue et la gravité de l’infraction, mais avec la complexité de l’enquête : lorsqu’une affaire est simple et qu’elle ne justifie pas des investigations compliquées, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à la garde à vue »[[4]]url:#_ftn4 .

B   L’obligation du législateur marocain de renforcer le rôle de l’avocat durant la garde à vue

L’avocat est l’un des acteurs majeurs de la justice et du droit dans tous les pays démocratiques qui respectent les droits de l’Homme. Effectivement l’avocat est le baromètre de la démocratie des Etats, si le législateur renforce le rôle de l’avocat au sein de la société on peut confirmer que la démocratie règne et les droits de l’Homme se respectent.
En effet, nous avons lié le rôle de l’avocat à des mots clés, notamment les droits de l’homme et la démocratie, parce que l’intervention de l’avocat dans une affaire vise l’établissement de la justice et le respect des droits de la défense.
L’intervention de l’avocat vise également, le soutien de l’inculpé, que ce soit au niveau juridique, psychique et humain. Ce soutien ne peut l’être sans discussions et entretiens et là où se manifeste la vrai démocratie de la justice. Et afin d’atteindre cette démocratie de la justice au Maroc, de plus des garanties accordées par toutes les conventions et traités des droits de l’Homme, le législateur marocain doit ainsi veiller à  ce que le régime de la garde à vue soit effectif comme son homologue Français, en conformité avec l’article 5, paragraphe 2 de la convention européenne des droits de l’Homme qui dispose que « toute personne arrêtée doit être informée dans le plus court délai, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle ». La circulaire  CRIM-00-13 F1 du 4 Décembre 2000 indiquant qu’une erreur de qualification à ce stade ne saurait constituer une nullité de la procédure[[5]]url:#_ftn5  :
  • Des dispositions concernant la durée de la mesure.
  • De son droit de faire prévenir sans délai l’un de ses proches.
  • De demander à être examiner par un médecin.
  • Droit de ne pas répondre aux questions, qui lui sont posées « droit de silence ».
  • Droit de s’entretenir, dès la première heure de la garde à vue avec un avocat.
Ces dispositions sont venues pour renforcer de façon significative les droits de la personne gardée à vue. Mais reste l’assistance d’un avocat durant cette période primordiale, notamment son rôle psychologique humanitaire souvent oublié.
Selon le code de la procédure pénale français, toute personne gardée à vue a le droit de se faire assister par un avocat, dès le début du placement[[6]]url:#_ftn6 . L’avocat intervient lors de sa première rencontre avec l’accusé, plus comme soutien psychologique que pénal. Le droit de se faire assister par un avocat, est un droit garanti par toutes les conventions des droits de l’Homme.
Donc, l’avocat joue un rôle plus humain que pénal lors du procès pénal, c'est-à-dire : faire soulager le poursuivie, le rassurer, et répondre à ses questions. L’avocat doit avant d’avoir accès au dossier, faire son rôle de soulagement et de sécurité et veiller sur le bon déroulement de la garde à vue en conformité à la loi. En plus, il doit s’entretenir avec son client, dés la première heure de la garde à vue et lors de sa prolongation, demander un examen, comme il doit informer sa famille.
En effet, le droit à l’assistance d’un avocat dès le premier stade de la garde à vue reste un droit fondamental, garanti par toutes les conventions des droits de l’Homme, telle que la convention européenne, qui exige que l’accès à un avocat est obligatoire dès le premier interrogatoire d’un suspect[[7]]url:#_ftn7 . C’est un droit confirmé par la récente jurisprudence de la cour européenne des droits de l’Homme, sur la question du droit à l’avocat en garde à vue. La décision centrale est un arrêt du 27  novembre 2008.
La solution de principe peut être résumée ainsi : l’accès à un avocat doit être consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police. L’utilisation pour fonder une condamnation, de déclaration recueillie au cours d’un interrogatoire de police sans assistance possible d’un avocat viole les droits de la défense. Les dérogations à ce droit doivent demeurer exceptionnelles et être commandées, par des raisons impérieuses. Elles doivent permettre le respect des principes du procès équitable[[8]]url:#_ftn8 .
A partir de cette analyse, la question qui se pose est celle de savoir si ce droit est respecté au Maroc ?
Certes, le Maroc est parmi les pays qui se battent pour le respect des droits de l’Homme, cela se concrétise au niveau de la réforme de son système judiciaire, et notamment le code de la procédure pénale. La législation marocaine en la matière a été influencée, par les réformes qu’a connues le système français, sans oublier la volonté du Royaume de faire partie des pays, qui respectent les droits de l’Homme.
Nonobstant cette volonté, on constate un retard au niveau de l’intervention de l’avocat durant la garde à vue. De ce fait, le législateur marocain doit mettre en place des mécanismes de contrôle de la police judiciaire, si elle respect les alinéas de l’article 66 du code de procédure pénale marocain, et ce, à l’instar de l’article 63  du code de la procédure pénale français[[9]]url:#_ftn9 . Ensuite, renforcer les droits de la personne gardée à vue en lui permettant désormais d'être assistée d'un avocat lors de chaque interrogatoire ce qui a été déjà confirmé en France récemment par La loi n° 2011-392 relative à la garde à vue signée le 14 avril 2011.
Donc le rôle des avocats lors de la garde à vue est primordial, pour cela ils sont invités à prendre conscience de la gravité de leur mission au sein du système judiciaire marocain, mission psychologique et humanitaire avant d’être judiciaire. Ainsi, ils doivent se battre pour arracher leur droit d’assister d’une façon effective un suspect dès le premier interrogatoire  de la police.
 
Bibliographie

« Garde à vue, expertise et action civile », journées de procédure pénale 9. /10/ mai 1958, Paris, Dalloz 1960
« La garde à vue : étude de la législation comparée », Revue mensuelle lexisnexis jurisclasseurs, n° 2 Février 2010, Sous la direction de Philippe Conte, Albert Maron, Jacques Henri Robert, Michel Veron.
 
« La présence obligatoire de l’avocat en garde à vue, point de jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme », LESCLOUS Vincent, magistrat, Revue mensuelles Lexisnexis Jurisclasseur- mars 2010.
 
« Droits et devoirs de l'O.P.J ». http://www.opgie.com/cours/cg/la_gav.pdf.
 
« Première définition du rôle de l’avocat pendant la garde à vue » assemblée générale des 8 et 9 juillet 2011 commission libertes et droits de l’Homme
 
« Procédures pénales d'exception et Droits de l'homme »  jean-Paul céré
 
« Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » sous la direction du Centre d’études Internationales.


Les Renvois
[[1]]url:#_ftnref1   La garde à vue est une mesure portant atteinte à la liberté individuelle. C’est pourquoi, elle est soumise à des règles et à un formalisme rigoureux. Cette mesure de garde à vue ne peut être prise qu’à l’encontre de personnes ayant commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Seul l’OPJ est habilité à prendre ces mesures privatives de liberté. Ce droit entraîne des devoirs strictement définis. La garde à vue : Droits et devoirs de l'O.P.J. http://www.opgie.com/cours/cg/la_gav.pdf.
 [2] Le droit d’attenter à la liberté individuelle en plaçant quelqu’un en garde à vue s’exerce dans un cadre légal très rigoureux. Ce pouvoir, accordé aux officiers de police judiciaire, peut paraître exorbitant, mais il n’est que l’expression de la puissance publique. Parce qu’il restreint l’exercice d’une liberté fondamentale, des dispositions législatives précises garantissent à la personne qui en est privée, le respect de sa dignité et le droit d’assurer sa défense. La garde à vue : Droits et devoirs de l'O.P.J. http://www.opgie.com/cours/cg/la_gav.pdf.
[[3]]url:#_ftnref3 Article 7, al. 1er du pacte de l’O.N.U. relatif aux droits civils et politiques, article 6, al. 1er de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples  préambule de la constitution.

  [4] Réforme de la garde à vue Lu Vu Entendu Bruno Badré, Porte-parole du ministère de la Justice et des Libertés, http://www.presse.justice.gouv.fr/lu-vu-entendu-11603/archives-lu-vu-entendu-de-2011-12424/reforme-de-la-garde-a-vue-24230.html

 
 
[[5]]url:#_ftnref5 Circulaire CRIM-00=13/F1=04-12=00 du 4 décembre 2000 portant présentation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes concernant la garde à  vue et l’enquête de police judiciaire.
[[6]]url:#_ftnref6 Dans tous les pays, à l’exclusion de la Belgique, les personnes placées en garde à vue peuvent bénéficier de l’assistance effective d’un avocat dès qu’elles sont privées de liberté. L’assistance d’un avocat, le cas échéant commis d’office, est prévue dès le début de la garde à vue. Celui-ci peut en général assister aux interrogatoires, sauf en Allemagne, où le code de procédure pénale allemand prévoit néanmoins l’interruption de l’interrogatoire à la demande du suspect si celui-ci souhaite consulter son avocat. « La garde à vue : étude de la législation comparée, Revue mensuelle lexisnexis jurisclasseurs, n° 2 Février 2010, Sous la direction de Philippe Conte, Albert Maron, Jacques Henri Robert, Michel Veron.
[[7]]url:#_ftnref7 Dans cette perspective, la notion d’assistance effective signifie que l’avocat doit avoir un rôle actif et dynamique pendant la garde à vue pour mettre en œuvre, comme le demande la Cour européenne des droits de l’homme dans la décision Salduz c/ Turquie, « toute la vaste gamme d’activités qui sont propres au conseil » et les droits de la défense. Cette idée, que traduit partiellement la loi du 14 avril 2011, prend corps à chaque stade de l’intervention de l’avocat pendant la garde à vue. Ainsi, l’avocat intervenant en garde à vue s’assure de la régularité et de la dignité de la mesure, exerce pleinement les droits de la défense pour et aux côtés de son client, et ce dans le respect de sa déontologie.
Enfin, il faut d’ores et déjà tenir compte des projets de directive actuellement élaborés par l’Union européenne dans le domaine pénal afin de renforcer les droits des citoyens de l'Union. « PREMIERE DEFINITION DU RÔLE DE L’AVOCAT PENDANT LA GARDE A VUE », P.3, ASSEMBLEE GENERALE DES 8 ET 9 JUILLET 2011 COMMISSION LIBERTES ET DROITS DE L’HOMME.
Note ET DROITS DE L’HOMME
 
[[8]]url:#_ftnref8 Les faits et la procédure étaient les suivants : le  requérant, mineur avait été placé en garde à vue le 29 mai 2001 pour participation à une manifestation illégale de soutien à un parti politique au cours de laquelle il avait accroché une banderole sur un pont. Il était présenté à un juge d’instruction le 1er juin. Il ne devait bénéficier de l’assistance d’un avocat qu’après son placement en détention par le magistrat instructeur par application de règles propres aux matières relevant des cours de sureté de l’Etat. Il devait être condamné par une cour de sureté de l’Etat notamment sur la base de ses déclarations devant la police. Dans un arrêt de chambre du 26 avril 2007, la cour avait conclu à la non-violation de l’article 6et 3, c’est en relevant que le requérant avait été représenté par un avocat tant en première instance qu’en appel et que ses dépositions devant la police ne constituant pas la seule base de sa condamnation. La présence obligatoire de l’avocat en garde à vue, point de jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme, LESCLOUS Vincent, magistrat, Revue mensuelles Lexisnexis Jurisclasseur- mars 2010.
[[9]]url:#_ftnref9 L’évidence de la présence effective de l’avocat au cours de la garde à vue, première phase de la procédure pénale, a mis du temps à s’imposer dans notre droit. Elle a heureusement subi une accélération favorable aux droits de la défense à partir d’une série d’arrêts inaugurée en 2008 par la Cour européenne des droits de l’homme dont les principes ont ensuite été repris et développés par le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. Avec la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 réformant la garde à vue de droit commun et la retenue douanière, le législateur a tiré les conséquences de l’effondrement de notre droit positif et du rappel par le juge de l’obligation de respecter, au stade de la garde à vue, certains standards de protection des droits des personnes poursuivies pénalement. « Première définition du rôle de l’avocat pendant la garde à vue », P.1, Assemblé générale des 8 ET 9 juillet 2011 commission libertés et droits de l’Homme.
 
 

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الخميس 13 يونيو 2013
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