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Le lien de subordination

     

Docteur EL MENOUALI Fathallah :

Doctorat en Droit Privé (droit des affaires) Université de Perpignan – France



Le lien de subordination



Le lien de subordination est un des trois éléments caractéristiques du contrat de travail avec la fourniture d'un travail et sa contrepartie, la rémunération. C'est l'élément distinctif qui permet la distinction entre le contrat de travail et les autres contrats, contrat d'entreprise, de location, mandat, etc.

Quel que soit le type de contrat de travail, le lien de subordination existe dès qu'une personne, l'employeur, peut exercer son pouvoir de direction sur une autre personne, l'employé. Cette autorité comprend le pouvoir de donner des directives, le pouvoir d'en contrôler l'exécution et le pouvoir d'en sanctionner la mauvaise exécution. Il doit pouvoir s'exercer à tout moment mais pas nécessairement de manière étroite et ininterrompue. Il suffit donc que ce pouvoir de direction ou pouvoir de subordination soit au moins potentiel, l'employeur ayant à tout moment le pouvoir exercé ou non, de donner des ordres et de surveiller leur exécution. Il faudra donc se pencher sur la notion de subordination et de dépendance pour découvrir les conséquences des liens de subordination dans le contrat de travail.

I : Le lien de subordination : Son concept général et ses caractéristiques.

De manière très classique, en distingue le travail dépendent (salarié) du travail indépendant (contrat d’entreprise), dans le premier le travailleur est celui qui effectue le travail pour le compte d’autrui, sous les directives et en contrepartie d’une rémunération de ce dernier, par contre le deuxième est celui qui effectue un travail pour son propre compte, sous sa maitrise personnelle et qui assume les risques inhérents à toute entreprise comme il peut en recueillir les profits. Donc, celui qui travail pour son propre compte sans recourir aux services d’autrui (travailleur indépendant), échappe à l’emprise du droit du travail. C’est ainsi que le commerçant, l’artisan, le médecin, l’agriculteur cultivant lui-même sa terre, ne sont pas concernés par le droit du travail. Un rapport apparait lorsque quelqu’un travail pour autrui.

De-ce-fait, le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; … le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; »

Il va sans dire que le droit du travail ne donne pas de définition du contrat du travail, c’est la jurisprudence qui l’a défini, comme une convention par laquelle une personne réalise un travail au profit d’une autre contre rémunération et ne se plaçant sous sa subordination juridique.

L’article 723 du D.O.C de son tour à définit le louage de service au du travail comme un contrat par laquelle l’une des parties s’engage, moyennant un prix que l’autre parties s’oblige à lui payer, à fournir à cette dernière ses services personnels pour un certain temps ou à accomplir un fait déterminer.

Cependant, cette définition donnée au louage de service par l'article 723 du D.O.C. ne suffisait nullement à caractériser le travail salarié, puisque d'autres contrats s'apparentent au contrat du travail et ont également pour objet une prestation de service. C'est ainsi que la jurisprudence est intervenue pour forger la notion de subordination. Ce faisant, elle a déclaré que "le louage de service (contrat de travail) est, à la différence du louage d'ouvrage (contrat d'entreprise), caractérisé par l'état de subordination de l'employé vis à vis de l'employeur. Les juges du fond déduisent souverainement l'existence d'un tel lien du salarié à l'égard de l'entrepreneur qui le paye à tant l'heure" (Cour suprême, Chambre civile, 2 avril 1964, R.A.C.A.R., T. XXIII, p.306). Aussi selon la Cour suprême, le critère de distinction du contrat de travail par rapport aux autres situations juridiques, n'est pas le mode de payement du salaire, qu'il soit fixe ou proportionnel au chiffre d'affaires, mais c'est le lien de subordination, qui consiste dans la soumission du salarié, dans l'exécution de son travail, au contrôle, à la direction et à l'autorité de l'employeur" (Cour d'appel de Settat, 25 novembre 1994, Le critère distinctif du contrat de travail est le lien de la subordination juridique. Sans cesse réaffirmer par les juges, pour identifier le contrat de travail, cette notion a évolué dans le temps et "elle permet aujourd'hui de dénouer des situations juridiques rendues, au fil des ans, de plus en plus complexes par l'évolution socioéconomique des relations de travail.

Si la subordination juridique a pour effet d'entraîner l'application du statut salarial, les travailleurs admis à en bénéficier sur la base de ce critère, se caractérisent néanmoins par leur hétérogénéité. Etendu à tous les secteurs professionnels, à peine limité en raison de la nature des fonctions, le salariat ne s'identifie plus aujourd'hui à une entité socio-économique déterminé ; la mosaïque de situations que le composent se trouve dans la notion de subordination juridique qui en constitue le critère général. C'est aux juges que revient le mérite d'une construction cohérente de la notion du contrat de travail. Ce qui compte aux yeux des magistrats ce n'est pas la profession exercée, ce sont les conditions réelles d'exécution du travail.

D'ailleurs, il est interdit au juge de statuer par décision de principe reconnaissant à l'ensemble d'une profession le caractère a priori d'une activité salariée ou non. Le juge devra rechercher dans les circonstances de fait s'il existe des indices lui permettant de conclure à l'existence d'un contrat de travail. Sa recherche se penchera sur les éléments suivants: le lieu où le travail est effectué, l'horaire de travail, l'absence de personnel salarié dépendant du travailleur, la fourniture du matériel, des matières premières et des produits, l'exclusivité et la direction et le contrôle effective du travail.

- Lieu du travail

A la disposition de son employeur, le salarié effectue habituellement la prestation à l'intérieur même de l'entreprise, au poste qui lui été confié. Cet impératif géographique sera reconnu comme l'une des caractéristiques du lien de la subordination. La jurisprudence retiendra comme critère décisif l'exécution dans le cadre d'un service organisé. Plusieurs arrêts de la Cour suprême constatent l'existence d'un contrat de travail suite à l'exercice de l'activité dans les lieux appartenant à l'employeur ou fixés par lui. Néanmoins, l’employeur peut imposer au salarie un nouveau lieu de travail lorsque cela n’entraine qu’une simple modification des conditions de travail du fait que le nouveau lieu se situe dans le même secteur géographique.

La notion du secteur géographique reste floue. Le changement de ce secteur doit s’apprécier au cas par cas par les juges en cas de litige. Il convient de vérifier notamment la facilité desservi de ce nouveau lieu du travail, la nouvelle distance parcourue par le salarie pour ce rendre sur ce nouveau lieu et la duré moyenne de trajet de salarie pour ce rendre sur ce lieu de travail selon la situation géographique de l’entreprise. Mais si une clause de mobilité figure dans le contrat du travail, l’employeur peut imposer au salarie un nouveau lieu du travail.

Le refus de salarié de la mise en œuvre de cette clause de mobilité peut faire l’objet d’une sanction allant jusqu’au licenciement pour faute grave.

- L'horaire du travail

Les juges du fond indiquent que parmi les conditions de l'exécution du travail, il y a la subordination du salarié à un calendrier déterminé par l'employeur et non pas par le salarié. Les salariés peuvent donner un avis pour un changement d’horaire mais ne peuvent le refuser. Il appartient aux employeurs de le déterminer selon les besoins de son entreprise. En plus, ces derniers ont le droit de se procéder à l’application d’un nouvel horaire qui peut se traduire par une diminution de salaire dans le cas de crise économique. Le code du travail a prévu ce cas pour que les entreprises puissent se protéger des crises périodiques passagères, l’employer peut, après consultation des représentants des salariés, et, le cas échéant, des représentants des syndicats au sein de l’entreprise, répartir la durée annuelle globale de travail sur l’année selon les besoins de l’entreprise à condition la durée normale du travail n’excède pas dix heures par jours. Cette mesure n’entraine aucune réduction du salaire mensuel.

L’employer peut réduire la durée normale du travail pour une période continue ou interrompue ne dépassent pas soixante jours par an, après consultation des représentants du salariés et, le cas échéant, des représentants des syndicats au sein de l'entreprise en cas de crise économique passagère ayant affecté l'entreprise ou de circonstances exceptionnelles involontaires. Le salaire est payé pour la durée effective de travail et ne peut, en aucun cas, être inférieur à 50 % du salaire normal, sauf dispositions plus favorables pour les salariés (article 186 du code de travail marocain).

En effet, Les horaires de travail, qu'ils s'agissent des horaires individuels ou des horaires collectifs, relèvent du pouvoir d'organisation de l'employeur. Cette règle est cependant qualifiée en fonction des stipulations contractuelles. Mais Lorsque le contrat de travail précise expressément les horaires, ceux ci présentent un caractère contractuel et le salarié est en droit de refuser leur modification.

- L'absence du personnel salarié dépendant du travailleur

A plusieurs reprises, les juges du fond et la Cour Suprême ont écarté la qualité de salarié à "celui qui n'exécute pas lui même les travaux pour le compte d'autrui, mais les fait exécuter par des ouvriers sous sa direction, moyennant un prix arrêté à l'avance dans un contrat". Les juges retiennent le plus souvent la qualification d'entrepreneur (la Cour d'appel de Rabat mai 1994 et Cass. Soc. Du 25 avril 1995).


- la direction et le contrôle effectif

Le lien de subordination signifie également que "l'employeur a le droit de donner des ordres au salarié pour l'exécution du travail dans des conditions déterminées (Art. 738 du D.O.C), ainsi que le droit de surveiller ce travail et le résultat de celui-ci et son évaluation, et de prendre des sanctions s'il y a lieu, même si ce lien de subordination ne porte pas sur un domaine technique, mais seulement administratif et réglementaire" (TPI Casablanca, jugement n/ 3999 du 4 octobre 1987, R.M.D., n/ 17, 1988, p. 140). De même, il a été jugé que "le contrat de travail est caractérisé par le lien de dépendance et de subordination établi entre les parties. Ce lien doit être tel que le patron dirige effectivement ou qu'il puisse diriger le travail et que l'ouvrier doit lui obéir sans pouvoir disposer librement de son temps. Ce lien n'existe pas quand l'ouvrier ne reçoit que des directions générales sur la façon dont le travail doit être accompli" (C.A. Rabat, 19 novembre 1949, G.T.M. 25 janvier 1950).

Pour déterminer, s’il y a au non subordination, la jurisprudence marocaine étendue que la preuve de l'existence du contrat du travail peut être rapportée par tous les moyens. Mais il faudra également signaler les cas dans lesquels, à la faveur de la loi, la qualité de travailleur a été accordée soit par attribution soit par assimilation.

II : les conséquences de lien de subordination :

Il va sans dire que le droit du travail ne s’applique qu’au travail subordonné ; il règle les rapports individuels et collectifs des salaries avec leurs employés du secteur privé. Il ne s’applique pas aux salariés du secteur public qui relèvent du droit administratif.
Quelle que soit la forme du contrat du travail, l’existence d’un lien de subordination fonde l’autorité de l’employeur sur le salarié. Cette autorité s’exprime au travers de son pouvoir de direction, de son pouvoir réglementaire et de son pouvoir disciplinaire.

-Le pouvoir de direction :

Dans le but de garantir le fonctionnement de l’entreprise, l’employeur
dispose d’un pouvoir de direction qui lui permet de prendre l’ensemble des décessions nécessaire à sa conduite : Embouche de salarie, organisation des modes de production, ect… ce pouvoir de direction s’exerce aussi sur chaque salarie pris individuellement qu’est tenu de respecter les ordres et de suivie les instructions qu’ont lui donne.

L’introduction des nouvelles technologies, la nécessité de s’adapter au marché, les difficultés économiques peuvent conduire l’employeur à modifier les conditions du travail dans son entreprise (changement d’horaires, de fonctions, de qualifications, ect… ces modifications peuvent rendre nécessaire une modification des conditions du travail ou des contrats de travail des salaries.

On distingue deux sortes de modifications : la modification substantielle qui peut affecter un éliment déterminent du contrat (ex : transfert du poste du travail). Le refus de salarie n’est pas considéré comme un manquement à ses obligations. Cependant, si ce dernier refuse, l’employeur peut procéder à son licenciement.

La modification non substantielle ; elle porte sur des éléments secondaires (ex : transfert dans une même ville, modification d’horaires…). Le refus est un manquement aux obligations et peut entrainer un licenciement pour faute, sans indemnité. Cependant, le l’employeur ne peut apporter aux droits des salaries et aux libertés collectives et individuelles des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir ni proportionnées au but recherché.

-Le pouvoir réglementaire :

Le règlement intérieur est un acte unilatéral de l’employeur. Il doit
Obligatoirement être établie dans les entreprises d’au moins 20 salaries, il fixe :
- les règles applicables en matière d’hygiène, de sécurité dans l’entreprise ;
-les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur ;
-les règles qui assurent les droits de la défense des salaries en cas de sanction disciplinaire et la procédure qui s’applique.

Par contre, un règlement intérieur ne doit absolument pas contenir :
-des restrictions au droit des personnes et aux libertés individuelles et collectives qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir.

-des clauses contraires aux lois, règlements, conventions collectives et accords collectifs applicables dans l’entreprise.

-des dispositions discriminatoires.

Néanmoins, l’inspecteur du travail peut, à tout moment, exiger le retrait ou la modification des dispositions intérieures contraires au code du travail.

-Le pouvoir disciplinaire :

L’employeur peut sanctionner tout comportement fautif du salarié dés lors qu’il ne correspond pas à l’exécution morale du contrat du travail. Le règlement intérieur doit fixer la nature et l’échelle des sanctionnes susceptibles d’être infligées aux salariés. Généralement, l’échelle des sanctionnes proposés, comporte, dans un ordre croissant :

-l’avertissement ou le blâme ;
-la mise à pied ;
-la mutation ;
-la rétrogradation ;
-le licenciement.

La sanction ne peut être pécuniaire ou disciplinaire, elle doit être proportionnée à la faute commise.
Cependant, et pour toutes les sanctionnes plus graves que l’avertissement ou le blâme, l’employeur est tenu de respecter la procédure suivante :

- Convocation du salarié pour un entretienne.
- Entretienne au cours duquel l’employeur informe le salarie de la sanctionne qu’il envisage et demande des explications.
- Si l’employeur persiste dans sa volonté de sanctionner, il doit motiver et notifier sa sanction par écrit.
En cas de litige, le juge compétent peut, s’il est saisi par le salarie :
-contrôler la régularité de la procédure ;
- vérifier si les faits reprochés au salarie sont de nature à justifier une sanctionne.
-annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée par rapport à la faute commise.

Conclusion :

En guise de conclusion, en peut dire que l’existence de lien de subordination est capitale puisque l’on en déduit l’existence du contrat de travail et toutes les conséquences qui en découlent, ainsi que toute la réglementation en matière d’assujettissement à la sécurité sociale et aux conditions de rupture du contrat du travail.




الخميس 7 فبراير 2013
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