Etudier le littoral revient à prospecter un écosystème riche, dynamique et complexe. Il s’agit d’un milieu écologique qui subit continuellement une pression due notamment aux différents effets anthropiques, ce qui l’expose à des menaces graves compromettant la gestion rationnelle de ses ressources. Les statistiques relatives à la dynamique des populations laissent présager la réalité du phénomène de littoralisation ; plus de 50% de la population mondiale préfèrent se sédentariser, et ce pour différentes raisons, dans des territoires à proximité de la côte.
Une urbanisation linéaire, parfois anarchique et non réglementaire, fait accentuer des conflits déjà existants d’une part entre des différentes activités et d’autre part entre les intérêts privés et collectifs. Le milieu côtier fait ainsi l’objet d’une convoitise acharnée. L’antagonisme entre certains secteurs est tellement important que la survie d’une activité dépend directement de la disparition de l’autre (cas des industries polluantes et un port de plaisance par exemple).
Le Maroc[1] dispose d’une bande littorale d’une grande importance s’étalant sur une distance de 3500 Km environ depuis Saïdia située sur la méditerranée orientale jusqu'à Lagouira située sur l’océan atlantique du sud du pays. Il s’agit d’un écosystème d’une grande richesse biologique de faune et de flore qui prend pour abri des sites naturels caractérisés par des paysages d’une extrême beauté. L’importance écologique de certaines lagunes situées sur des estuaires des fleuves comme le Moulouya sur la méditerranée font de ces sites un refuge incontournable et une hôte privilégiée de plusieurs espèces de faune et flore avec notamment le passage des oiseaux migrateurs.
De par son attractivité, la côte est aussi une aubaine pour les promoteurs touristiques, les grandes établissements hôteliers sont préférentiellement localisés au niveau du littoral, la priorité étant donnée donc au tourisme balnéaire. Si l’industrialisation du littoral marocain prend son origine depuis le protectorat français, il n’en demeure pas moins que le phénomène s’est poursuivi d’une manière accentuée après l’indépendance. Plusieurs unités industrielles chimiques et pétrochimiques se sont successivement implantées tout le long du tronçon côtier entre Kenitra et Safi profitant ainsi des conditions offertes par ce milieu en matière d’hydrographie et de facilité de rejet ainsi que la proximité aux principaux ports du royaume
Par ailleurs, la zone côtière est le territoire par nature de l’édification des ports et l’exercice de toutes les activités en rapport y compris le trafic maritime avec le passages de toute sorte de navires, justement ses derniers, en particulier les pétroliers et les chimiquiers, par ballastage ou en cas d’accident éventuel d’échouement, peuvent compromettre sérieusement la dynamique écologique normale de cet écosystème. Bien entendu, le littoral n’est pas seulement un réservoir biologique et un lieu d’activités touristiques et industrielles, c’est aussi un milieu physique, il s’agit d’une grande carrière naturelle ouverte riche en matériaux fortement sollicités dans le secteur des bâtiments.
Normalement et devant ces énormes atouts du littoral marocain, il serait logique que les pouvoirs publics accordent une priorité exemplaire à cet écosystème en surexploitation. Il est de leur obligation d’appréhender d’une façon sérieuse le problème environnemental et pour cela ils sont tenus d’élaborer un cadre juridique adéquat qui permettrait la meilleure protection du littoral et qui est à même d’endiguer toutes les menaces de dégradation de son milieu naturel, ils prendront par la suite toutes les mesures nécessaires pour la mise en œuvre efficace de la législation en vigueur. Il s’agit aussi pour eux de prévoir des mécanismes pertinents pour suivre de prés l’évolution de l’environnement de la frange côtière tout en donnant une place particulière aux espaces sensibles.
. Cependant, le Maroc n’a pas encore fait du littoral son champ de bataille malgré la prise de conscience qui commence à se faire sentir à plusieurs échelons. Si la gestion actuelle du littoral est plutôt caractérisée par une fragmentation institutionnelle avec l’intervention d’une multiplicité d’acteurs, la préservation de cet important écosystème ne peut se faire que dans le cadre du principe de la gestion intégrée des zones côtières.
I. L’handicap institutionnel
Une simple lecture de l’arsenal institutionnel dédié à l’environnement et par conséquence au littoral est suffisante pour se rendre compte la question de l’environnement ne constituait pas pour les autorités une priorité dans leurs agendas. D’une part l’autorité chargée de l’environnement a subi beaucoup de mutation depuis l’introduction du terme environnement dans le jargon institutionnel marocain. De même, la mise en œuvre des politiques publiques liée directement ou indirectement à l’environnement est assurée par une administration éclatée qui travaille d’une manière sectorielle et cloisonnée. En outre la société civile qui de la défense de l’environnement reste très limitée aussi bien sur le nombre des associations que sur les actions qu’elle essaye d’entreprendre.
L’autorité gouvernementale chargée de l’environnement
D’après les différents décrets définissant les prérogatives de l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement, celle-ci devait assurer notamment un rôle de conception et de coordination des différentes taches confiées à d’autres départements ministériels. A cet effet, cette autorité est chargée d'élaborer et de mettre en œuvre la politique du gouvernement dans le domaine de la gestion de l'environnement et de renforcer le cadre institutionnel et juridique dans ce domaine. Pour se faire le département devrait se charger d’animer, de promouvoir et de coordonner en relation avec les départements ministériels concernés et sous réserve des attributions dévolues à ceux-ci, l'action gouvernementale en matière de gestion de l'environnement.
Depuis la conférence de Stockholm de 1972 relative à l’environnement humain (CNUEH), la prise de conscience des enjeux environnementaux commencent à s’imposer au Maroc et par delà, la nécessité de trouver une structure politico administrative capable de prendre en charge la gestion et la coordination de la question environnementale¸[2] L’importance de cette conférence et son influence sur les gouvernements des différents Etas, était peut-être la cause principale qui a poussé le Maroc à introduire, pour la première fois, dans son arsenal institutionnel une référence à l’environnement, celui-ci est en fait pris en charge par le ministère de l’habitat appelé : ministère de l’habitat, de l’urbanisme, du tourisme et de l’environnement.
Malheureusement, cet enthousiasme allait disparaitre par la suite puisque le gouvernement de 1977 allait faire de l’environnement une simple division relevant de la direction de l’aménagement du territoire. Cette structure sera rattachée en 1986 au ministère de l’intérieur sous l’appellation de la direction de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et de l’environnement. En 1992, est née le sous-secrétariat d’Etat auprès du ministère de l’intérieur chargé de l’environnement, d’ailleurs c’est cette entité qui allait représenter le Maroc dans le sommet de la terre de Rio qui s’est déroulé la même année.
En 1995, le sous-secrétariat cède la place à une autorité ministérielle[3] qui se chargea alors de la protection de l’environnement et de la coordination des activités de tous les départements ministériels en relation avec la question environnementale.
Un autre réaménagement est intervenu lors de la deuxième version du gouvernement d’alternance opéré le 13 janvier 2000[4] et l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement s’intitula ‘’secrétariat d’Etat auprès du ministre de l’aménagement du territoire, de l’environnement, de l’urbanisme et de l’habitat chargée de l’environnement’’. En 2002, avec le Gouvernement de Jettou, la structure environnementale garde son statut institutionnel bien que le ministère de l’aménagement du territoire perde deux de ses anciennes attributions qui sont l’urbanisme et l’habitat. Cette décharge a permis au ministère de se concentrer mieux sûr les problèmes environnementaux, y compris l’eau, ce qui explique d’ailleurs le travail important fait au niveau du renforcement du cadre juridique de l’environnement. En 2007, le gouvernement d’Abas El fassi garde la même structure en tant que secrétariat d’Etat mais celui-ci réintègre le ministère de l’énergie et des mines. Le Gouvernement de Benkirane issu des élections du 25 Novembre 2011 n’a introduit aucun changement au niveau de l’aménagement institutionnel en place.
Cette instabilité institutionnelle préalablement exposée n’est pas sans incidence sur l’efficacité des réponses apportées aux questions environnementales. La plus part de temps il s’agit pour les responsables de se focaliser sur les questions de forme en ajustant à l’occasion de chaque remaniement ministériel les aménagements institutionnels et en reformulant les compétences des uns et des autres au lieu de s’occuper des problèmes de fond. C’est un véritable gâchis d’effort et de temps qui, sans doute, retarde le traitement efficace et sérieux des enjeux environnementaux. Il est donc légitime de s’interroger sur l’existence d’une volonté engagée des pouvoirs publics de prendre en charge la problématique de l’environnement en général et plus particulièrement celle relative aux zones côtières.
D’ailleurs, en 2000 le conseil national de l’environnement a mentionné dans un rapport que la structure chargée de l’environnement souffre de beaucoup de contraintes et d’insuffisances dont le manque de crédits suffisants et l’ambigüité dans les attributions. Un constat qui affecte directement la capacité de cette structure à mener une coordination efficace avec les autres départements ministériels concernés par l’environnement. L’autorité chargée de l’environnement est conçue alors comme un bureau d’étude qui réalise des enquêtes, donne des avis sans avoir un pouvoir de décision.
AncreAncreAncreNéanmoins, et vu les contraintes mentionnées ci-dessus, le secrétariat d’Etat a certainement déployé des efforts en matière de promotion de l’environnement en générale et celui du littoral en particulier à une époque où ces questions n’attirent pas suffisamment l’attention des intervenants. D’où, tout d’abord, la nécessité d’un travail de sensibilisation du grand public et des différents acteurs administratifs et socioéconomiques quant à l’acuité des problèmes environnementaux. Cet effort est notamment corroboré par la réalisation, en coopération avec des unités de recherche, de plusieurs études et audits relatives à l’état de l’environnement des zones côtières. Par ailleurs, le département s’est engagé dans un travail de suivi permanent de cet état à travers la mise en place des instruments appropriés de surveillance et d’analyses des indicateurs de l’environnement : le laboratoire national, l’observatoire national de l’environnement[5] du Maroc et la cellule du littoral.
Le ministère de l’équipement et des travaux publics
Le département de l’équipement et travaux publics a des compétences principalement dans la gestion du domaine public maritime, des ports et des carrières. De ce fait, il œuvre, via la direction des ports et du domaine public maritime, à la mise en place d’une politique AncreAncred’exploitation appropriée de ces différents milieux tout en veillant au respect de la mise en œuvre de la réglementation y afférente.
Ancre En outre le département des transports, conformément au décret du 9 septembre 1997 relatif à ses attributions, a la tâche, parmi d’autres, de contribuer à la définition des orientations relatives à la sécurité de la navigation des navires relevant de la marine marchande, il élabore également des programmes d’action en matière de prévention de la pollution de l’environnement marin et il veille à l’application stricte de la réglementation en vigueur.
Le ministère exerce également un droit de regard sur l'Agence Nationale des Ports et la Société D'exploitation des Ports crée en vertu de la loi 15-02 qui a procédé à la dissolution de l’ancien office national des ports (ODEP). Le port fait partie en fait du domaine public portuaire. Qu’il soit destiné à la pêche, au commerce ou à la plaisance, l’infrastructure portuaire a des incidences majeures sur l’environnement, d’où l’obligation d’adopter une approche intégrée inspirée du principe de développement durable lors des constructions de ces ouvrages.
3) Le département des pêches maritimes :
De par ses compétences, ce département relevant du ministère de l’agriculture, se charge principalement d’élaborer une conception de la politique générale en matière des pêches maritimes, de l’aquaculture et de l’environnement marin et côtier.
De ce fait il mène une politique de gestion des richesses halieutiques en instituant une pêche responsable via le contrôle des outils de captures et le respect des repos biologiques dans le but de reconstitution du stock. Pour ce faire, l’action politique du département s’appuie sur le travail technique et scientifique de certains organismes sous sa tutelle notamment l’institut national des recherches halieutiques qui a pour mission notamment l’évaluation des ressources halieutiques, le suivi de leurs exploitation, l’étude du fonctionnement des écosystèmes marins et littoraux ainsi que la surveillance de la qualité et de la salubrité du milieu marin.
4) Le haut commissariat des eaux et forêts et la lutte contre la désertification :
Conformément à ses prérogatives définies par le décret n° 2.04.503 du 1er février 2005, le haut commissariat a notamment une compétence au niveau de la gestion des sites d’intérêt biologique et écologiques (SIBE) à savoir les parcs nationaux et les réserves naturelles. A cet effet, il coordonne l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’aménagement des bassins versants et des parcs et réserves naturelles et en assure le suivi et l’évaluation en concertation avec les différents départements ministériels ou d’autres organismes concernés.
5) La société civile
Il est sans doute que la société civile devient de plus en plus un instrument redoutable qu’utilisent les activistes pour défendre de multiples causes. Dans la plupart des cas, l’action des associations est à l’origine de la mise sur l’agenda gouvernemental d’une préoccupation particulière. Les acteurs civils exploitent dans leur activisme tous les canaux offerts par l’action collective; les médias sont leurs relais préférable mais passent également à l’action directe. Le champ de l’environnement n’échappe pas à cette règle et l’on voit au niveau mondial plusieurs ONG qui s’engagent en faveur de la protection de l’environnement.
A côté des actions des médias et des universitaires, les associations s’activant dans le domaine de l’environnement ont tendance à influencer l’opinion publique et par voie de conséquence imposent aux décideurs de revoir la hiérarchie de leurs priorités et la formulation des politiques publiques.
Le travail de mobilisation entrepris par les ONG, aussi bien internationales que nationales, entraine le plus souvent une attitude conflictuelle avec les pouvoirs publics sur lesquels sont exercés des pressions en vue de mettre dans leurs préoccupations la question environnementale.
Au Maroc, la société civile de protection de l’environnement est relativement jeune et son action reste très limitée dans l’espace, en fait se sont surtout les associations locales qui attirent l’attention des observateurs. Leurs mobilisations se focalisent notamment sur le phénomène de surexploitation du milieu littoral dû aux pillages des sables et une surpêche non contrôlable. Généralement ces acteurs, à défaut de coordination efficace et de manque de moyens, s’activent sur les sites internet en publiant des informations sur les situations de dégradation du cadre environnemental du littoral.
Sur le plan national, c’est surtout la fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement qui monopolisent la défense de l’environnement du littoral. Créée en juin 2001 par le Roi Mohammed VI, la fondation est sous la présidence effective de SAR la Princesse Lala Hasna, elle s’est fixée comme objectifs la préservation du patrimoine environnemental du Maroc à travers des opérations concrètes. Dans ce cadre, prenant compte de l’intérêt écologique du littoral et l’importance du balnéaire en tant que pôle d’attraction pour le loisir, mais en même temps de sa vulnérabilité due à une fréquentation excessive, la fondation a initié en 2005 un programme dit ‘’ plages propres ‘’, ce programme vise à valoriser le balnéaire via la mise à niveau des plages en terme d’infrastructure, d’équipement, d’hygiène et de sécurité. Ce programme est largement soutenu par une sponsorisation de plusieurs entreprises publiques et privées ainsi que les collectivités locales. Tout le long du littoral marocain, prés de 170 plages ont été identifiées comme des espaces de loisir.
En passant en revue les différents organismes ayant des compétences déterminées, directes ou indirectes, dans la gestion du littoral, il est important de signaler qu’ on a pas cherché d’établir une liste exhaustive de ces institutions car il existe d’autres dont les attributions, parfois consultatives, peuvent avoir un regard sur ce milieu. Il s’agit notamment du ministère du tourisme, du département de l’industrie et du commerce, de la commission du littoral instituée depuis 1964 et du conseil national de l’environnement[6] crée le 20 janvier 1995.
II. La nécessité de l’adoption du principe de la gestion intégrée des zones côtières
A. Le fondement juridique de la notion de la gestion intégrée des zones côtières dans le droit international de l’environnement.[7]
La protection de l’environnement et plus particulièrement celui des zones côtières doit beaucoup aux efforts consentis aussi bien par les instances internationales comme l’ONU que par les instances régionales comme l’UE. La gestion intégrée des zones côtières constitue en fait la traduction de développement durable appliquée au littoral. L’introduction de cette notion dans le droit international et régional de l’environnement est relativement récente. Si la convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne l’avait traité que d’une façon indirecte, l’agenda 21 issu de la déclaration de Rio a en faisait une consécration expresse dans son chapitre 17.
a.Définition du concept de la gestion intégrée des zones côtières ;
Malgré que le concept GIZC figure dans de nombreux rapports et dans de plusieurs documents et recommandations, il est rarement défini avec précision. Aux yeux de certains chercheurs, la gestion intégrée est plutôt considérée comme une boite à outils d’un processus interactif en évolution constante et capable de s’adapter à une variété d’instruments stratégiques et gestionnaires. Néanmoins, plusieurs définitions ont été proposées par des auteurs et par des organisations.
Dans le modèle de loi[8] sur la gestion intégrée des zones côtières qu’il a élaboré à la demande du conseil de l’Europe, le Doyen Michel Prieur a proposé une définition de GIZC. Ainsi pour le Conseil de l’Europe, « On entend par la gestion intégrée, l’aménagement et l’utilisation durable des zones côtières prenant en considération le développement économique et social lié à la présence de la mer tout en sauvegardant, pour les générations présentes et futurs, les équilibres biologiques et écologiques fragiles des zones côtières et des paysagers ». Cette définition a l’avantage de mettre en exergue les objectifs et les principaux directeurs de ce concept. Trois objectifs sont visés par cette définition[9] :
1-L’adoption d’une approche globale encadrant toutes les politiques sectorielles au sein du littoral,
2-La préconisation de la mise en place d’un dispositif institutionnel adéquat pour mieux coordonner les interventions des différentes administrations.
3-La prise en compte des interactions existantes entre les ressources côtières et les activités qui y sont installées.
La convention de Montego Bay sur le droit de la mer [10]
Nul ne peut contester aujourd’hui l’apport indéniable de la convention de Montego Bay, adoptée le 10 décembre 1982, en matière de la protection de l’environnement marin. Si ce texte ne contient aucun article consacrant expressément la notion de la gestion intégrée des zones côtières, il n’en demeure pas moins que cette approche était présente dans l’esprit de la convention.
D’ailleurs celle-ci a introduit pour la première fois le concept du « milieu marin » qui peut être interprété comme étant composé de plusieurs éléments formant ce que l’on peut appeler aujourd’hui la zone côtière.
En prévoyant dans sa partie II intitulée « mer territoriale et zone contiguë » certains espaces écologiques, la CMB avait pris en charge, indirectement, le littoral dans son concept large, le texte a notamment procédé à la définition des éléments suivants : les eaux intérieures (art. 8), les embouchures des fleuves (art. 9), les baies (art. 10), les ports (art. 11) et les rades (art. 12).
De même, l’article premier alinéa 4 a définit la pollution du milieu marin comme étant « l'introduction directe ou indirecte, par l'homme, de substances ou d'énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu'elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de l'homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la qualité de l'eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d'agrément ». Cette définition sous entend l’idée d’une approche globale dans le traitement de l’environnement marin
La partie XII de la convention, intitulée« la protection et préservation du milieu marin », est consacrée à la protection et la préservation du milieu marin, ainsi il cite les devoirs et les obligations des Etats quant au respect de cet écosystème via la mise en œuvre d’une panoplie de mesures. De ce fait, l’article 194 alinéa 1 stipule que les Etats prennent, séparément ou conjointement Selon qu’il convient, toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin, quelle qu'en soit la source.
Les Etats mettent en œuvre à cette fin les moyens les mieux adaptés dont ils disposent, en fonction de leurs capacités, et ils s'efforcent d'harmoniser leurs politiques à cet égard.
Si la contribution de la CMB dans la gestion des zones côtières n’est que préliminaire et ne constitue qu’une ébauche pour une affirmation plus nette de cette notion, il est important de signaler que ce texte a admis l’existence des interactions entre toutes les unités géographiques composant le milieu marin. Il en découle des contradictions qu’il faut maitriser et gérer d’une manière globale et écologiquement rationnelle. Son préambule reconnait d’ailleurs que les Etats parties sont « Conscients que les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble…. ».
L’agenda 21 du sommet de Rio
En 1992, la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement[11] tenue à Rion de Janeiro (Brésille) et connue sous le nom du sommet de la Terre, a adopté une déclaration d’une grande importance qui définit les droits et les responsabilités des pays dans le domaine de l’environnement.
La notion de gestion intégrée est mise en exergue d’une façon claire par l’agenda 21[12]qui a prévu dans le chapitre 17 la protection des zones côtières à côté des mers et des océans. Ce chapitre intitulé « protection des océans et de toutes les mers –y compris les mers fermées et semi - fermés – et des zones côtières et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques » déclare dans son article premier que ce ‘’milieu marin’’ forme un tout et constitue un élément essentiel du système permettant la vie sur Terre nécessitant donc l'adoption de nouvelles stratégies de sa gestion et de sa mise en valeur.
Sept activités sont prévues dans le cadre de ce chapitre dont la gestion intégrée et développement durable des zones côtières y compris la zone économique exclusive. Dans ce cadre les Etats sont attachés à la gestion intégrée et la mise en valeur durable des zones côtières et de l’environnement marin relevant de leur juridiction national, par conséquent ils sont tenus de mener les activités suivantes :
Intégrer la politique et le processus décisionnel ;
Recenser les utilisations actuelles et prévues des zones côtières et leurs interactions ;
Concentrer l'attention sur des questions bien précises relatives à la gestion des côtes;
Prendre les mesures préventives et les précautions voulues dans la planification et l'exécution des projets ;
Elaborer les comptes de patrimoine naturel et la comptabilité écologique ;
Permettre l’accès à l’information, la consultation et la participation à la planification et la prise de décision.
De préparer, en coopération, l'adaptation à l'impact des changements climatiques et de concevoir et de mettre au point des plans appropriés et intégrés pour la gestion des zones côtières.
Pour réussir une gestion intégrée des zones côtières, agir au niveau national relève de primordial mais reste insuffisant si la coopération intergouvernementale n’est pas renforcée et élargie et que la coopération entre les organisations internationales concernées n’est pas assurée.
Par ailleurs, les parties à la convention sur la diversité biologique de 1992 ont adopté en 1995 le mandat de Jakarta à l’issue de la 2éme conférence des parties. Il a été convenu que, dans l’objectif de conservation et d’utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière, les Etats sont invités à développer « la gestion intégrée marine et côtière ».
Il est à signaler également que la convention de Rio sur les changements climatiques a souligné dans son préambule l’importance des puits et réservoirs de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres et marins et rappelle les effets néfastes d’une éventuelle élévation du niveau des mers sur les îles et les zones côtières. L’article 4 alinéa1 énumère un certain nombre d’engagements des Etats parties qui sont tenus d’encourager la gestion rationnelle et de soutenir par leur coopération la conservation et, le cas échéant, le renforcement des puits et réservoirs de.
De même des Etats signataires de la convention Ramsar sur la protection des zones Humides sont invité à adopter et appliquer les principes de planification stratégique et de gestion intégrée des zones côtières comme préalable à toute prise de décision concernant la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides
La convention de Barcelone de 1976 :
Faisant partie du programme des mers régionales lancé en 1974 par le PNUE, la convention de Barcelone a instauré un système juridique à deux niveaux qui prend compte des différences de développement entre les pays riverains, cette innovation va servir de référence pour les autres conventions régionales.
Le texte propose donc aux Etats parties une convention – cadre avec des obligations minimales obligatoires et des protocoles additionnels comprenant des dispositifs techniques de lutte contre des formes particulières de pollution ou des règles particulières de protection de l’environnement marin.
La convention prévoit que nul ne peut devenir partie contractante s’il n’adhère pas à au moins un protocole et nul ne peut être partie à un protocole s’il n’est pas en même temps partie à la convention.[13]
S’inspirant du chapitre 17 de l’agenda 21, l’amendement de 1995 apporté à la convention de Barcelone de 1976 a pris en considération l’espace littoral et son interaction avec les autres unités géographiques ;’ l’intitulé nouveau de la convention « la convention sur la protection du milieu marin et le littoral de la méditerranée » traduit le souci de la nécessité de l’adoption de l’approche de la gestion intégrée et du traitement des écosystèmes comme faisant partie d’un ensemble géographiquement homogène.
Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la méditerranée [14]
Tout d’abord il est à noter que l’ensemble des protocoles additionnels de la convention de Barcelone touchent d’une façon ou d’une autre les zones côtières, mais la grande innovation est l’adoption par les parties contractantes à la convention, le 21 janvier 2008 à Madrid, du protocole exclusivement réservé à la gestion intégrée des zones côtières.
En adoptant ce texte, les pays méditerranéens ont honoré leur engagement énoncé dans l’article 4 paragraphes 3 de la convention cadre :« aux fins de protéger l’environnement et de contribuer au développement durable de la zone méditerranéenne, les parties contractantes :e) s’engagent à promouvoir la gestion intégrée du littoral en prenant compte de la protection des zones d’intérêt écologique et paysager et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles.
Le protocole s’est inspiré des travaux et recommandations relatives à la gestion intégrée des zones côtières formulées le 23 septembre 1997 par la commission méditerranéenne du développement durable. Ce texte répond aux préoccupations des parties contractantes quant à l’accroissement des pressions anthropiques sur les zones côtières de la méditerranée considérées comme étant un patrimoine commun naturel et culturel des peuples riverains.
Au vu de ce protocole, la gestion intégrée des zones côtières a pour but :
La facilitation de la planification des activités et l’utilisation durable de cet écosystème en garantissant la conciliation entre l’environnement et le développement.
La préservation des zones côtières pour le bénéfice des générations présentes et futures.
La garantie de la préservation de l’intégrité des écosystèmes côtiers ainsi que les paysages côtiers et la géomorphologie côtière.
Comme cela est stipulé dans l'article 2 du Protocole GIZC, « la Gestion intégrée des zones côtières est un processus dynamique de gestion et d'utilisation durable des zones côtières, prenant en compte simultanément la fragilité des écosystèmes et des paysages côtiers, la diversité des activités et des usages, leurs interactions, la vocation maritime de certains d'entre eux, ainsi que leurs impacts à la fois sur la partie marine et la partie terrestre ».
La loi relative au littoral
Toutes les études et les enquêtes menées par l’autorité chargée de l’environnement ont fait sortir l’importance et l’urgence de la mise en place d’une législation adéquate exclusivement dédiée au littoral. A cette fin, en 2001 il a été procédé à l’élaboration d’un premier projet de loi relative à la mise en valeur du littoral dont le texte s’inspire beaucoup de la loi française sur le littoral.[15] Cette initiative fait partie des efforts louables du département de l’environnement visant la définition d’une vision stratégique de développement harmonieux et d’aménagement durable des espaces littoraux dans une approche intégrée. Le projet de loi est suspendu en 2002. En 2006, un nouveau projet a été élaboré par la cellule de littoral en partenariat avec les différents départements ministériels concernés. Le projet de loi n°31-06 est ainsi approuvé par le conseil des ministres le 19 juin 2010.
La loi[16] à été finalement approuvée par le parlement le é le 23 juin 2015. Elle s’inscrit parfaitement dans le cadre des objectifs de la Loi Cadre portant Charte Nationale de l'Environnement et du Développement Durable. Le texte fixe les principes fondamentaux de gestion intégrée du littoral en tant que processus de gestion transversal impliquant la prise en compte simultanée de différents intérêts dans le littoral dont en particulier la prise en compte systématique de l’environnement pour toutes les décisions affectant ce territoire fragile.
Dans l’article premier, la loi définit la gestion intégrée du littoral comme une « gestion harmonieuse des zones littorales prenant en considération les aspects environnementaux, socio-économiques et institutionnels permettant de garantir l'équilibre et la pérennité des multiples fonctions du littoral »
Malgré que cette loi présente plusieurs dispositions qui peuvent protéger les espaces littoraux, il faut noter qu’elle n’a pas retenu la disposition prévue dans l’avant projet relative à la création d’une Agence Nationale du Littoral largement inspirée de l’agence nationale pour la protection du littoral tunisien. Le projet de loi avait assigné à l’agence, qualifié d’établissement public, des attributions et des prérogatives relativement importantes. L’étude de projet Marchica nous offre un exemple de ce type d’agence disparue dans la loi relative au littoral.
III. Le projet MARCHICA : un exemple de gestion intégrée des zones côtières
Le projet de mise en valeur de la lagune MARCHICA est lancé à Nador en 2009, il consiste à la mise en place de plusieurs projets socioéconomiques et environnementaux d’une façon intégrée. Cette opération sera considérablement renforcée avec la création en 2010 d’une institution spécialement dédié à ce projet : l’agence d’aménagement du site de la lagune de MARCHICA.
Importance environnementale des zones côtières du Nador et les menaces de dégradation.
Les côtes de Nador sont très riches de point de vue écologique, en effet sont identifiés trois sites à Intérêt Biologique et Écologique (SIBE) classés comme sites Ramsar : la Lagune de Nador, le Cap des Trois Fourches et la rive gauche de l’embouchure de la Moulouya. Située entre le Cap des trois Fourches et le Cap de l’Eau, la lagune MARCHICA a une superficie de 115 Km2 la plaçant parmi les lagunes les plus grandes de la rive Sud de la Méditerranée, elle est considérée comme une richesse écologique exceptionnelle vu ses atouts naturels liés à la diversité de ses écosystèmes. Ce cadre écologique et paysager inédit représente un appui sûr pour la promotion du secteur touristique et balnéaire dans la zone. La lagune de Nador peut être donc considérée comme une opportunité et une aubaine pour le Nord oriental qui aspire à la promotion de son développement socioéconomique.
Malgré sa richesse exceptionnelle, cette lagune reste sans doute exposée à plusieurs défis environnementaux tel le rejet anarchique des eaux usées, l’exploitation démesurée et non rationnelle des richesses naturelles, le développement urbanistique rapide, existence des menaces de pollution liée aux activités portuaires (port de Beni Ansar) et à l’agriculture,.…etc.
Dans l’objectif de remédier à cette situation et pallier à ces menaces, une première intervention a été initiée dans le cadre du programme d’Actions Prioritaires à Court et Moyen Terme pour l’Environnement (SMAP)[17]
Ce projet intitulé CAP Nador vise en premier lieu l’intégration des politiques publiques à l’intérieur du territoire choisi dans la perspective de combler le déficit de coordination existant entre les acteurs en compétition, et en deuxième lieu, ce projet compte procéder à l’application d’une méthode de gestion intégrée des zones côtières de Nador. Bref, il s’agit pour les responsables du projet d’adopter le développement durable dans cette zone, y animer la vie socioéconomique sans compromettre ses capacités de protection de l’environnement.
Les composantes de l’aménagement du site la lagune de MARCHICA :
Comme on va le voir, la loi[18] relative à l’aménagement du site de MARCHICA a prévu un ensemble de projets d’aménagements qui laissent présager que le projet MARCHICA va complètement modifier le paysage de la région. Les aménagements s’articulent autour de 7 composantes, à savoir la Cité d’ATALAYOUN, la Cité des Deux mers, la nouvelle ville de Nador, la Baie des flamants, MARCHICA Sport, les Vergers de MARCHICA et le Village des pêcheurs. Ces composantes seront aménagées sur une superficie de 2000 Hectares. Le projet vise le développement socioéconomique de la région de l’oriental à travers la création de la richesse et des opportunités de carrières et d’emploi au profit des jeunes de la région.
C’est un projet qui se veut intégré où la dimension socio-économique est mêlée avec la dimension environnementale et scientifique. Il s’agit d’une illustration d’une mise en place d’une approche GIZC au niveau d’un territoire limitée dans son espace. Si le projet vise le développement du secteur touristique à travers la construction des unités hôtelières et des complexes résidentiels, il n’en demeure pas moins qu’il compte également préserver la biodiversité du site et valoriser la valeur environnementale de l’écosystème de la lagune via la création de centres écologiques comme le parc ornithologique[19] dont l’objectif est de promouvoir la dimension scientifique et pédagogique du site. Ce parc sera construit sur les bassins de la lagune des eaux usées. Celles-ci seront traitées par la création d’une station d’épuration et un recyclage est également prévu pour une réutilisation de ces eaux à des fins agricoles et de jardinage. D’ailleurs, en matière de gestion rationnelle de l’eau, il sera procédé à la mise en place d’une stratégie écologique de gestion optimale des ressources en eau conventionnelles et non conventionnelles de la zone d’aménagement du site.
Les deux cités d’ATALAYOUN et des Deux mers visent la transformation des terrains avoisinants à la lagune au profit d’un tourisme écologique exigent dans la mesure où il sera procédé à l’utilisation généralisé des énergies renouvelables et où la technologie de construction sera très originale en matière du respect de l’environnement. Il s’agit en fait d’un laboratoire modèle de développement durable où la promotion socio-économique se fait en parfaite harmonie avec les exigences environnementales.
L’Agence pour l'aménagement du site de la lagune de MARCHICA
L’agence pour l’aménagement du site de la lagune de MARCHICA est un établissement public [20]doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière placé sous la tutelle de l’Etat. Elle est chargée de :
L’élaboration l’ensemble des études ou plans généraux techniques, économiques et financiers se rapportant à l’aménagement de ladite zone
L’établissement du projet de plan d’aménagement spécial prévu par la loi 25-10.
La contribution à la recherche et à la mobilisation des financements nécessaires à la réalisation du programme d’aménagement de la zone précitée ;
La réalisation des travaux nécessaires au développement et à l’urbanisation de ladite zone ;
D’accorder les autorisations de lotir, de morceler, de créer des groupes d’habitations, ainsi que les permis de construire et d’habiter et les certificats de conformité ;
De veiller au respect des lois et règlements en matière d’urbanisme et d’y contrôler la conformité des lotissements, morcellements, groupes d’habitations et constructions, avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et avec les différentes autorisations accordées.
Pour l’accomplissement de ses missions, l’Agence peut acquérir les terrains qui lui sont nécessaires, par voie d’acquisition à l’amiable ou par voie d’expropriation.[21]
En étudiant les prérogatives attribuées par la loi 25-10 à l’agence pour l’aménagement du site de MARCHICA, on peut en conclure qu’il s’agit en faite des attributions qui sont déjà proposées par le projet de loi sur la mise en valeur du littoral qui prévoit la création d’une agence nationale pour le littoral. Peut-on en déduire donc que les pouvoirs publics comptent expérimenter l’opportunité de la loi sur le littoral dans un espace limité géographiquement?
En outre l’agence se voit attribuer des compétences qui sont normalement l’apanage des communes et des agences urbaines en matière de préparation de documents d’urbanisme, de délivrance de différentes autorisations relatives aux constructions et aux lotissements. Il ne faut pas donc perdre de vue que la loi 25-10 relative à l’aménagement du site de MARCHICA entend donner une large marge de manœuvre à l’agence MARCHICA pour qu’elle puisse accomplir sa mission avec beaucoup de facilité indépendamment des autres acteurs administratifs qui pourraient constituer des entraves à son bon fonctionnement.
Se souci du législateur quant la nécessité d’efficacité du travail de l’agence est également identifié dans les très courts délais données aux enquêtes publiques des plans d’aménagement, en effet l’article 11 stipule que « Le projet de plan d’aménagement donne lieu à une enquête publique d’un mois qui se déroule concomitamment à l’examen dudit projet par le ou les conseils communaux concernés. Cette enquête a pour objet de permettre au public de prendre connaissance du projet et de formuler d’éventuelles observations sur un registre ouvert à cet effet ». Normalement ce type de projet devrait être l’objet d’un débat public suffisant et fructueux, la démarche participative et de concertation étant très souhaitée. D’ailleurs le Maroc est appelé vivement à signer la convention d’Arhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée le 25 juin 1998 à Arhus au Danemark.
De même les observations soulevées par le public, au cours de l’enquête publique, n’ont en principe qu’un effet limité puisque l’article 19 stipule que « Les observations formulées au cours de l’enquête, y compris les propositions formulées par la ou les administrations compétentes et par le ou les conseils communaux concernés, sont étudiées par l’Agence pour l’aménagement du site de la lagune de MARCHICA ».
Conclusion
Malgré les efforts consentis par les pouvoirs publics pour la protection et la préservation du littoral, et hormis l’approbation de textes juridiques dédiés à cet espace, l’environnement côtier souffre encore des agressions multiples auxquelles il est soumis d’une façon perpétuelle. La multiplicité des acteurs publics qui y interviennent en est pour beaucoup. Surtout que la loi relative au littoral n’a pas prévu la création d’une agence pour le littoral. Le Projet MARCHICA offre un exemple type de ce que devrait être la manière des interventions publiques dans les zones côtières. C’est un exemple de l’implémentation du principe de la gestion intégrée des zones côtières tel qu’il a été mentionné par les conventions et protocoles internationaux et régionaux. Nous espérons que ces pratiques et expériences réussies de développement durable appliqué au littoral soient reproduites dans d’autres régions du Royaume.
--------------------------
[1] Voir le rapport « 50 ans de développement humain et perspective 2025 : le Maroc possible » .Abdallah LAOUINA « le littoral marocain, milieu côtier et marin » 2006 P189 à P216. Ce rapport est élaboré par un ensemble de chercheurs et experts marocains parallèlement aux travaux de l’instance équité et réconciliation (IER) dont la mission est de faire tourner la page d’une époque de l’histoire du Maroc connue sous l’appellation des années du plomb marqués par les violations graves des droits de l’homme.
[2] Voir GOURARI (A), l’administration de l’environnement : Atouts et contraintes pour le développement durable au Maroc, Revue de droit et d’économie, N°24,2009, P95.
[3] Décret N°2-95-674 du 22 Novembre 1996 BO n°4444 du 2 janvier 1997.
[4] Décret n°2-99-922 du 13 janvier 2000, BO n° 4770 du 17 février 2000.
[5] Le Laboratoire National est le résultat d’une coopération étroite entre les gouvernements marocain (Sous Secrétariat d’Etat auprès du Ministère d’Etat à l’Intérieur chargé de l’Environnement) et le gouvernement Allemand (GTZ). Il est mis en place le 03 Juin 1994, en tant que premier laboratoire Marocain d’Etudes et de Surveillance de la Pollution et des Nuisances. Depuis sa création le laboratoire a procédé à la réalisation de plusieurs études scientifiques, enquêtes sur le terrain et des analyses in situ et au laboratoire
[6] Le Conseil National de l’Environnement est crée le 20 janvier 1995, in BO n° 4294 du 15 février 1995
[7] ) Voir Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, Etudes internationales, Pedone, 2004. Dans la page 27, les auteurs se sont arrêtés sur la naissance et l’évolution du droit international de l’environnement. Celui-ci est né vers la fin des années 1960 suite au cri d’alarme lancé par les scientifiques après la seconde guerre mondiale quant aux nouveaux problèmes dont soufre la biosphère à cause d’un développement économique anarchique et une raréfaction de plus en plus accrue des ressources naturelles. L’expansion rapide des idéologies écologiques au sein de l’opinion publique a fait que plusieurs instruments juridiques ont été adoptés le plus souvent à l’unanimité. Au début du XXe, antérieurement à cette époque, certaines dispositions d’ordre environnemental ont été prises mais qui restent limitées à la protection de certaines espèces de faune sauvage (convention signée à Paris en 1902 sur la protection des oiseaux utiles à l’agriculture, traité signé en 1911 sur la préservation et la protection des phoques à fourrure). Egalement il y a lieu de signaler la convention signée en 1909 entre les Etats Unies et la Grande Bretagne relative à la protection des eaux frontalières entre les Etats- Unies et le Canada, dominion britannique à l’époque. La lutte contre la pollution de la mer était aussi l’origine de la signature d’une convention de Londres en 1954 pour la prévention de la pollution des mers par les hydrocarbures, cet instrument qualifié de très limité sera modifié et renforcé, et par la suite remplacé en 1973 par la convention MARPOL bien plus détaillée et devant être plus efficace.
[8] Voir le conseil de l’Europe, Modèle de lois sur la gestion durable des zones côtières, sauvegarde de la nature, N°101, éditions de conseil de l’Europe, Strasbourg, 1999, P 13.
[9] Voir O LOZACHMEUR, « Le concept de gestion intégrée des zones côtières » : le point de vue de juriste, Océanis, Volume 30, n°1, 2004. P51-70.
[10] La convention est adoptée le 10 Décembre 1982 à Montego Bay (Jamaïque) et mise en vigueur le 16 Novembre 1994, c’est un instrument juridique d’une extrême importance car il encadre toutes les activités liées à la mer. Le texte s’est consacré à la délimitation des différentes zones maritimes (La mer territoriale, la zone contiguë et la zone économique exclusive), il définit également les droits et les obligations des Etats à l’intérieur de la zone économique exclusive en confirmant le principe de souveraineté des Etats à l’intérieur de celle-ci (200 miles marins) sur les richesses qu’elle recèle de point de vue d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion. La CMB est signée par le Maroc le 10 décembre 1982. Elle n’est pas encore ratifiée mais ses principes fondateurs sont repris par le droit interne et dans la pratique conventionnelle marocaine.
[11] ) la conférence sur l’environnement et la le développement s’est tenue 20 ans après le premier sommet tenu à Stockholm, aux yeux de plusieurs observateurs, le sommet de Rio est une réussite car environ 180 Etats et 1500 ONG y ont assisté. Elle est sanctionnée par l’adoption de la déclaration de Rio qui a, malgré son caractère non contraignant, réussi à donner une définition à la notion de développement durable et à donner naissance à de nouveaux types d’accords multilatéraux de l’environnement. (Convention cadre sur les changements climatiques (CCNUCC), convention sur la diversité biologique CDB), la convention sur la lutte contre la désertification(CLD).
[12] L’agenda 21 est un guide de mise en œuvre de la notion de développement durable pour le 21ème siècle. Les nations qui se sont engagées pour sa mise en place doivent l'appliquer au niveau national, régional et local. C’est un programme structuré en 4 sections et 40 chapitres.
[13] La convention de Barcelone est renforcée par la signature des Etats parties de 7 protocoles qui sont :
Protocole relatif à la coopération en matière de prévention de la pollution par les navires et, en cas de situation critique, de lutte contre la pollution de la méditerranée, il est signé le 25 janvier 2002.
Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer méditerranée par les opérations d’immersion effectuée par les navires et aéronefs, il est signé le 10 juin 1995.
Protocole relatif à la protection de la mer méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre, il est adopté le 7 Mars 1996.
Protocole relatif aux aires spécialement protégées et la diversité biologique, il est adopté le 10 juin 1995.
Protocole sur la protection contre la pollution résultant de l’exploration et l’exploitation du plateau continental, du fond de la mer et de son sous-sol » ‘’ protocole offshore ‘’ : adopté à Madrid le 14 octobre 1994,
Protocole sur la prévention de la pollution par des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination » : adopté à Izmir le 1er octobre 1996 et entré en vigueur le 19 janvier 2008.
Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la méditerranée » ‘’ protocole GIZC ‘’: Signé le21 janvier 2008 à Madrid.
[14]Le Maroc a signé le protocole lors de son adoption le 21 janvier 2008 mais il ne l’a pas encore ratifié.
[15] Voir NAKHLI (S), pressions environnementales et nouvelles stratégies de gestion sur le littoral marocain, Méditerranée N°115, 2010. Accessibilité sur le site : http://mediterranee.revues.org/index4996.html.
[16] La loi 81-12 est publiée au BO n°6404 du 15 octobre 2015.
Ce programme a été adopté suite à de nombreuses consultations, lors de la conférence Ministérielle Euro-méditerranéenne qui s’est tenue à Helsinki le 28 novembre 1997, il est considéré comme un cadre donnant une expression pratique au partenariat Euro Méditerranéen dans le domaine de l’environnement. son objectif est la mise en place d’un programme de gestion intégrée des zones côtières.
Dahir n°1-10-144 du 3 chaabane 1431 (16 juillet 2010) portant promulgation de la loi 25-10 relative à l’aménagement et la mise en valeur du site de MARCHICA, Bulletin Officiel N° 5852 du 5Aout 2010.
[19] Il s’agit d’un parc hautement important aussi bien par sa taille que par sa qualité scientifique, il est d’ailleurs considéré comme le plus grand parc du Sud de la Méditerranée. Ses travaux de construction ont été lancés par le Roi le 3 octobre 2011 ; le coût financier du projet est de estimé à 70 millions de Dirhams.
[20] Selon la loi organique N° 02-12relative à la nomination aux hautes fonctions, l’agence est considérée comme un établissement public stratégique, la nomination de son directeur est faite par le Roi au conseil des ministres.
Il faut noter ici que les prérogatives d’expropriation attribuées par la loi 25-10 à l’agence MARCHICA ont été l’objet de fortes critiques parla société civile rifaine notamment l’association du grand Rif des droits de l’Homme qui invoque l’absence de l’utilité publique qui pourrait justifier le recours à l’expropriation de terrains appartenant aux particuliers.
Une urbanisation linéaire, parfois anarchique et non réglementaire, fait accentuer des conflits déjà existants d’une part entre des différentes activités et d’autre part entre les intérêts privés et collectifs. Le milieu côtier fait ainsi l’objet d’une convoitise acharnée. L’antagonisme entre certains secteurs est tellement important que la survie d’une activité dépend directement de la disparition de l’autre (cas des industries polluantes et un port de plaisance par exemple).
Le Maroc[1] dispose d’une bande littorale d’une grande importance s’étalant sur une distance de 3500 Km environ depuis Saïdia située sur la méditerranée orientale jusqu'à Lagouira située sur l’océan atlantique du sud du pays. Il s’agit d’un écosystème d’une grande richesse biologique de faune et de flore qui prend pour abri des sites naturels caractérisés par des paysages d’une extrême beauté. L’importance écologique de certaines lagunes situées sur des estuaires des fleuves comme le Moulouya sur la méditerranée font de ces sites un refuge incontournable et une hôte privilégiée de plusieurs espèces de faune et flore avec notamment le passage des oiseaux migrateurs.
De par son attractivité, la côte est aussi une aubaine pour les promoteurs touristiques, les grandes établissements hôteliers sont préférentiellement localisés au niveau du littoral, la priorité étant donnée donc au tourisme balnéaire. Si l’industrialisation du littoral marocain prend son origine depuis le protectorat français, il n’en demeure pas moins que le phénomène s’est poursuivi d’une manière accentuée après l’indépendance. Plusieurs unités industrielles chimiques et pétrochimiques se sont successivement implantées tout le long du tronçon côtier entre Kenitra et Safi profitant ainsi des conditions offertes par ce milieu en matière d’hydrographie et de facilité de rejet ainsi que la proximité aux principaux ports du royaume
Par ailleurs, la zone côtière est le territoire par nature de l’édification des ports et l’exercice de toutes les activités en rapport y compris le trafic maritime avec le passages de toute sorte de navires, justement ses derniers, en particulier les pétroliers et les chimiquiers, par ballastage ou en cas d’accident éventuel d’échouement, peuvent compromettre sérieusement la dynamique écologique normale de cet écosystème. Bien entendu, le littoral n’est pas seulement un réservoir biologique et un lieu d’activités touristiques et industrielles, c’est aussi un milieu physique, il s’agit d’une grande carrière naturelle ouverte riche en matériaux fortement sollicités dans le secteur des bâtiments.
Normalement et devant ces énormes atouts du littoral marocain, il serait logique que les pouvoirs publics accordent une priorité exemplaire à cet écosystème en surexploitation. Il est de leur obligation d’appréhender d’une façon sérieuse le problème environnemental et pour cela ils sont tenus d’élaborer un cadre juridique adéquat qui permettrait la meilleure protection du littoral et qui est à même d’endiguer toutes les menaces de dégradation de son milieu naturel, ils prendront par la suite toutes les mesures nécessaires pour la mise en œuvre efficace de la législation en vigueur. Il s’agit aussi pour eux de prévoir des mécanismes pertinents pour suivre de prés l’évolution de l’environnement de la frange côtière tout en donnant une place particulière aux espaces sensibles.
. Cependant, le Maroc n’a pas encore fait du littoral son champ de bataille malgré la prise de conscience qui commence à se faire sentir à plusieurs échelons. Si la gestion actuelle du littoral est plutôt caractérisée par une fragmentation institutionnelle avec l’intervention d’une multiplicité d’acteurs, la préservation de cet important écosystème ne peut se faire que dans le cadre du principe de la gestion intégrée des zones côtières.
I. L’handicap institutionnel
Une simple lecture de l’arsenal institutionnel dédié à l’environnement et par conséquence au littoral est suffisante pour se rendre compte la question de l’environnement ne constituait pas pour les autorités une priorité dans leurs agendas. D’une part l’autorité chargée de l’environnement a subi beaucoup de mutation depuis l’introduction du terme environnement dans le jargon institutionnel marocain. De même, la mise en œuvre des politiques publiques liée directement ou indirectement à l’environnement est assurée par une administration éclatée qui travaille d’une manière sectorielle et cloisonnée. En outre la société civile qui de la défense de l’environnement reste très limitée aussi bien sur le nombre des associations que sur les actions qu’elle essaye d’entreprendre.
L’autorité gouvernementale chargée de l’environnement
D’après les différents décrets définissant les prérogatives de l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement, celle-ci devait assurer notamment un rôle de conception et de coordination des différentes taches confiées à d’autres départements ministériels. A cet effet, cette autorité est chargée d'élaborer et de mettre en œuvre la politique du gouvernement dans le domaine de la gestion de l'environnement et de renforcer le cadre institutionnel et juridique dans ce domaine. Pour se faire le département devrait se charger d’animer, de promouvoir et de coordonner en relation avec les départements ministériels concernés et sous réserve des attributions dévolues à ceux-ci, l'action gouvernementale en matière de gestion de l'environnement.
Depuis la conférence de Stockholm de 1972 relative à l’environnement humain (CNUEH), la prise de conscience des enjeux environnementaux commencent à s’imposer au Maroc et par delà, la nécessité de trouver une structure politico administrative capable de prendre en charge la gestion et la coordination de la question environnementale¸[2] L’importance de cette conférence et son influence sur les gouvernements des différents Etas, était peut-être la cause principale qui a poussé le Maroc à introduire, pour la première fois, dans son arsenal institutionnel une référence à l’environnement, celui-ci est en fait pris en charge par le ministère de l’habitat appelé : ministère de l’habitat, de l’urbanisme, du tourisme et de l’environnement.
Malheureusement, cet enthousiasme allait disparaitre par la suite puisque le gouvernement de 1977 allait faire de l’environnement une simple division relevant de la direction de l’aménagement du territoire. Cette structure sera rattachée en 1986 au ministère de l’intérieur sous l’appellation de la direction de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et de l’environnement. En 1992, est née le sous-secrétariat d’Etat auprès du ministère de l’intérieur chargé de l’environnement, d’ailleurs c’est cette entité qui allait représenter le Maroc dans le sommet de la terre de Rio qui s’est déroulé la même année.
En 1995, le sous-secrétariat cède la place à une autorité ministérielle[3] qui se chargea alors de la protection de l’environnement et de la coordination des activités de tous les départements ministériels en relation avec la question environnementale.
Un autre réaménagement est intervenu lors de la deuxième version du gouvernement d’alternance opéré le 13 janvier 2000[4] et l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement s’intitula ‘’secrétariat d’Etat auprès du ministre de l’aménagement du territoire, de l’environnement, de l’urbanisme et de l’habitat chargée de l’environnement’’. En 2002, avec le Gouvernement de Jettou, la structure environnementale garde son statut institutionnel bien que le ministère de l’aménagement du territoire perde deux de ses anciennes attributions qui sont l’urbanisme et l’habitat. Cette décharge a permis au ministère de se concentrer mieux sûr les problèmes environnementaux, y compris l’eau, ce qui explique d’ailleurs le travail important fait au niveau du renforcement du cadre juridique de l’environnement. En 2007, le gouvernement d’Abas El fassi garde la même structure en tant que secrétariat d’Etat mais celui-ci réintègre le ministère de l’énergie et des mines. Le Gouvernement de Benkirane issu des élections du 25 Novembre 2011 n’a introduit aucun changement au niveau de l’aménagement institutionnel en place.
Cette instabilité institutionnelle préalablement exposée n’est pas sans incidence sur l’efficacité des réponses apportées aux questions environnementales. La plus part de temps il s’agit pour les responsables de se focaliser sur les questions de forme en ajustant à l’occasion de chaque remaniement ministériel les aménagements institutionnels et en reformulant les compétences des uns et des autres au lieu de s’occuper des problèmes de fond. C’est un véritable gâchis d’effort et de temps qui, sans doute, retarde le traitement efficace et sérieux des enjeux environnementaux. Il est donc légitime de s’interroger sur l’existence d’une volonté engagée des pouvoirs publics de prendre en charge la problématique de l’environnement en général et plus particulièrement celle relative aux zones côtières.
D’ailleurs, en 2000 le conseil national de l’environnement a mentionné dans un rapport que la structure chargée de l’environnement souffre de beaucoup de contraintes et d’insuffisances dont le manque de crédits suffisants et l’ambigüité dans les attributions. Un constat qui affecte directement la capacité de cette structure à mener une coordination efficace avec les autres départements ministériels concernés par l’environnement. L’autorité chargée de l’environnement est conçue alors comme un bureau d’étude qui réalise des enquêtes, donne des avis sans avoir un pouvoir de décision.
AncreAncreAncreNéanmoins, et vu les contraintes mentionnées ci-dessus, le secrétariat d’Etat a certainement déployé des efforts en matière de promotion de l’environnement en générale et celui du littoral en particulier à une époque où ces questions n’attirent pas suffisamment l’attention des intervenants. D’où, tout d’abord, la nécessité d’un travail de sensibilisation du grand public et des différents acteurs administratifs et socioéconomiques quant à l’acuité des problèmes environnementaux. Cet effort est notamment corroboré par la réalisation, en coopération avec des unités de recherche, de plusieurs études et audits relatives à l’état de l’environnement des zones côtières. Par ailleurs, le département s’est engagé dans un travail de suivi permanent de cet état à travers la mise en place des instruments appropriés de surveillance et d’analyses des indicateurs de l’environnement : le laboratoire national, l’observatoire national de l’environnement[5] du Maroc et la cellule du littoral.
Le ministère de l’équipement et des travaux publics
Le département de l’équipement et travaux publics a des compétences principalement dans la gestion du domaine public maritime, des ports et des carrières. De ce fait, il œuvre, via la direction des ports et du domaine public maritime, à la mise en place d’une politique AncreAncred’exploitation appropriée de ces différents milieux tout en veillant au respect de la mise en œuvre de la réglementation y afférente.
Ancre En outre le département des transports, conformément au décret du 9 septembre 1997 relatif à ses attributions, a la tâche, parmi d’autres, de contribuer à la définition des orientations relatives à la sécurité de la navigation des navires relevant de la marine marchande, il élabore également des programmes d’action en matière de prévention de la pollution de l’environnement marin et il veille à l’application stricte de la réglementation en vigueur.
Le ministère exerce également un droit de regard sur l'Agence Nationale des Ports et la Société D'exploitation des Ports crée en vertu de la loi 15-02 qui a procédé à la dissolution de l’ancien office national des ports (ODEP). Le port fait partie en fait du domaine public portuaire. Qu’il soit destiné à la pêche, au commerce ou à la plaisance, l’infrastructure portuaire a des incidences majeures sur l’environnement, d’où l’obligation d’adopter une approche intégrée inspirée du principe de développement durable lors des constructions de ces ouvrages.
3) Le département des pêches maritimes :
De par ses compétences, ce département relevant du ministère de l’agriculture, se charge principalement d’élaborer une conception de la politique générale en matière des pêches maritimes, de l’aquaculture et de l’environnement marin et côtier.
De ce fait il mène une politique de gestion des richesses halieutiques en instituant une pêche responsable via le contrôle des outils de captures et le respect des repos biologiques dans le but de reconstitution du stock. Pour ce faire, l’action politique du département s’appuie sur le travail technique et scientifique de certains organismes sous sa tutelle notamment l’institut national des recherches halieutiques qui a pour mission notamment l’évaluation des ressources halieutiques, le suivi de leurs exploitation, l’étude du fonctionnement des écosystèmes marins et littoraux ainsi que la surveillance de la qualité et de la salubrité du milieu marin.
4) Le haut commissariat des eaux et forêts et la lutte contre la désertification :
Conformément à ses prérogatives définies par le décret n° 2.04.503 du 1er février 2005, le haut commissariat a notamment une compétence au niveau de la gestion des sites d’intérêt biologique et écologiques (SIBE) à savoir les parcs nationaux et les réserves naturelles. A cet effet, il coordonne l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’aménagement des bassins versants et des parcs et réserves naturelles et en assure le suivi et l’évaluation en concertation avec les différents départements ministériels ou d’autres organismes concernés.
5) La société civile
Il est sans doute que la société civile devient de plus en plus un instrument redoutable qu’utilisent les activistes pour défendre de multiples causes. Dans la plupart des cas, l’action des associations est à l’origine de la mise sur l’agenda gouvernemental d’une préoccupation particulière. Les acteurs civils exploitent dans leur activisme tous les canaux offerts par l’action collective; les médias sont leurs relais préférable mais passent également à l’action directe. Le champ de l’environnement n’échappe pas à cette règle et l’on voit au niveau mondial plusieurs ONG qui s’engagent en faveur de la protection de l’environnement.
A côté des actions des médias et des universitaires, les associations s’activant dans le domaine de l’environnement ont tendance à influencer l’opinion publique et par voie de conséquence imposent aux décideurs de revoir la hiérarchie de leurs priorités et la formulation des politiques publiques.
Le travail de mobilisation entrepris par les ONG, aussi bien internationales que nationales, entraine le plus souvent une attitude conflictuelle avec les pouvoirs publics sur lesquels sont exercés des pressions en vue de mettre dans leurs préoccupations la question environnementale.
Au Maroc, la société civile de protection de l’environnement est relativement jeune et son action reste très limitée dans l’espace, en fait se sont surtout les associations locales qui attirent l’attention des observateurs. Leurs mobilisations se focalisent notamment sur le phénomène de surexploitation du milieu littoral dû aux pillages des sables et une surpêche non contrôlable. Généralement ces acteurs, à défaut de coordination efficace et de manque de moyens, s’activent sur les sites internet en publiant des informations sur les situations de dégradation du cadre environnemental du littoral.
Sur le plan national, c’est surtout la fondation Mohamed VI pour la protection de l’environnement qui monopolisent la défense de l’environnement du littoral. Créée en juin 2001 par le Roi Mohammed VI, la fondation est sous la présidence effective de SAR la Princesse Lala Hasna, elle s’est fixée comme objectifs la préservation du patrimoine environnemental du Maroc à travers des opérations concrètes. Dans ce cadre, prenant compte de l’intérêt écologique du littoral et l’importance du balnéaire en tant que pôle d’attraction pour le loisir, mais en même temps de sa vulnérabilité due à une fréquentation excessive, la fondation a initié en 2005 un programme dit ‘’ plages propres ‘’, ce programme vise à valoriser le balnéaire via la mise à niveau des plages en terme d’infrastructure, d’équipement, d’hygiène et de sécurité. Ce programme est largement soutenu par une sponsorisation de plusieurs entreprises publiques et privées ainsi que les collectivités locales. Tout le long du littoral marocain, prés de 170 plages ont été identifiées comme des espaces de loisir.
En passant en revue les différents organismes ayant des compétences déterminées, directes ou indirectes, dans la gestion du littoral, il est important de signaler qu’ on a pas cherché d’établir une liste exhaustive de ces institutions car il existe d’autres dont les attributions, parfois consultatives, peuvent avoir un regard sur ce milieu. Il s’agit notamment du ministère du tourisme, du département de l’industrie et du commerce, de la commission du littoral instituée depuis 1964 et du conseil national de l’environnement[6] crée le 20 janvier 1995.
II. La nécessité de l’adoption du principe de la gestion intégrée des zones côtières
A. Le fondement juridique de la notion de la gestion intégrée des zones côtières dans le droit international de l’environnement.[7]
La protection de l’environnement et plus particulièrement celui des zones côtières doit beaucoup aux efforts consentis aussi bien par les instances internationales comme l’ONU que par les instances régionales comme l’UE. La gestion intégrée des zones côtières constitue en fait la traduction de développement durable appliquée au littoral. L’introduction de cette notion dans le droit international et régional de l’environnement est relativement récente. Si la convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne l’avait traité que d’une façon indirecte, l’agenda 21 issu de la déclaration de Rio a en faisait une consécration expresse dans son chapitre 17.
a.Définition du concept de la gestion intégrée des zones côtières ;
Malgré que le concept GIZC figure dans de nombreux rapports et dans de plusieurs documents et recommandations, il est rarement défini avec précision. Aux yeux de certains chercheurs, la gestion intégrée est plutôt considérée comme une boite à outils d’un processus interactif en évolution constante et capable de s’adapter à une variété d’instruments stratégiques et gestionnaires. Néanmoins, plusieurs définitions ont été proposées par des auteurs et par des organisations.
Dans le modèle de loi[8] sur la gestion intégrée des zones côtières qu’il a élaboré à la demande du conseil de l’Europe, le Doyen Michel Prieur a proposé une définition de GIZC. Ainsi pour le Conseil de l’Europe, « On entend par la gestion intégrée, l’aménagement et l’utilisation durable des zones côtières prenant en considération le développement économique et social lié à la présence de la mer tout en sauvegardant, pour les générations présentes et futurs, les équilibres biologiques et écologiques fragiles des zones côtières et des paysagers ». Cette définition a l’avantage de mettre en exergue les objectifs et les principaux directeurs de ce concept. Trois objectifs sont visés par cette définition[9] :
1-L’adoption d’une approche globale encadrant toutes les politiques sectorielles au sein du littoral,
2-La préconisation de la mise en place d’un dispositif institutionnel adéquat pour mieux coordonner les interventions des différentes administrations.
3-La prise en compte des interactions existantes entre les ressources côtières et les activités qui y sont installées.
La convention de Montego Bay sur le droit de la mer [10]
Nul ne peut contester aujourd’hui l’apport indéniable de la convention de Montego Bay, adoptée le 10 décembre 1982, en matière de la protection de l’environnement marin. Si ce texte ne contient aucun article consacrant expressément la notion de la gestion intégrée des zones côtières, il n’en demeure pas moins que cette approche était présente dans l’esprit de la convention.
D’ailleurs celle-ci a introduit pour la première fois le concept du « milieu marin » qui peut être interprété comme étant composé de plusieurs éléments formant ce que l’on peut appeler aujourd’hui la zone côtière.
En prévoyant dans sa partie II intitulée « mer territoriale et zone contiguë » certains espaces écologiques, la CMB avait pris en charge, indirectement, le littoral dans son concept large, le texte a notamment procédé à la définition des éléments suivants : les eaux intérieures (art. 8), les embouchures des fleuves (art. 9), les baies (art. 10), les ports (art. 11) et les rades (art. 12).
De même, l’article premier alinéa 4 a définit la pollution du milieu marin comme étant « l'introduction directe ou indirecte, par l'homme, de substances ou d'énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu'elle a ou peut avoir des effets nuisibles tels que dommages aux ressources biologiques et à la faune et la flore marines, risques pour la santé de l'homme, entrave aux activités maritimes, y compris la pêche et les autres utilisations légitimes de la mer, altération de la qualité de l'eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d'agrément ». Cette définition sous entend l’idée d’une approche globale dans le traitement de l’environnement marin
La partie XII de la convention, intitulée« la protection et préservation du milieu marin », est consacrée à la protection et la préservation du milieu marin, ainsi il cite les devoirs et les obligations des Etats quant au respect de cet écosystème via la mise en œuvre d’une panoplie de mesures. De ce fait, l’article 194 alinéa 1 stipule que les Etats prennent, séparément ou conjointement Selon qu’il convient, toutes les mesures nécessaires pour prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin, quelle qu'en soit la source.
Les Etats mettent en œuvre à cette fin les moyens les mieux adaptés dont ils disposent, en fonction de leurs capacités, et ils s'efforcent d'harmoniser leurs politiques à cet égard.
Si la contribution de la CMB dans la gestion des zones côtières n’est que préliminaire et ne constitue qu’une ébauche pour une affirmation plus nette de cette notion, il est important de signaler que ce texte a admis l’existence des interactions entre toutes les unités géographiques composant le milieu marin. Il en découle des contradictions qu’il faut maitriser et gérer d’une manière globale et écologiquement rationnelle. Son préambule reconnait d’ailleurs que les Etats parties sont « Conscients que les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble…. ».
L’agenda 21 du sommet de Rio
En 1992, la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement[11] tenue à Rion de Janeiro (Brésille) et connue sous le nom du sommet de la Terre, a adopté une déclaration d’une grande importance qui définit les droits et les responsabilités des pays dans le domaine de l’environnement.
La notion de gestion intégrée est mise en exergue d’une façon claire par l’agenda 21[12]qui a prévu dans le chapitre 17 la protection des zones côtières à côté des mers et des océans. Ce chapitre intitulé « protection des océans et de toutes les mers –y compris les mers fermées et semi - fermés – et des zones côtières et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques » déclare dans son article premier que ce ‘’milieu marin’’ forme un tout et constitue un élément essentiel du système permettant la vie sur Terre nécessitant donc l'adoption de nouvelles stratégies de sa gestion et de sa mise en valeur.
Sept activités sont prévues dans le cadre de ce chapitre dont la gestion intégrée et développement durable des zones côtières y compris la zone économique exclusive. Dans ce cadre les Etats sont attachés à la gestion intégrée et la mise en valeur durable des zones côtières et de l’environnement marin relevant de leur juridiction national, par conséquent ils sont tenus de mener les activités suivantes :
Intégrer la politique et le processus décisionnel ;
Recenser les utilisations actuelles et prévues des zones côtières et leurs interactions ;
Concentrer l'attention sur des questions bien précises relatives à la gestion des côtes;
Prendre les mesures préventives et les précautions voulues dans la planification et l'exécution des projets ;
Elaborer les comptes de patrimoine naturel et la comptabilité écologique ;
Permettre l’accès à l’information, la consultation et la participation à la planification et la prise de décision.
De préparer, en coopération, l'adaptation à l'impact des changements climatiques et de concevoir et de mettre au point des plans appropriés et intégrés pour la gestion des zones côtières.
Pour réussir une gestion intégrée des zones côtières, agir au niveau national relève de primordial mais reste insuffisant si la coopération intergouvernementale n’est pas renforcée et élargie et que la coopération entre les organisations internationales concernées n’est pas assurée.
Par ailleurs, les parties à la convention sur la diversité biologique de 1992 ont adopté en 1995 le mandat de Jakarta à l’issue de la 2éme conférence des parties. Il a été convenu que, dans l’objectif de conservation et d’utilisation durable de la diversité biologique marine et côtière, les Etats sont invités à développer « la gestion intégrée marine et côtière ».
Il est à signaler également que la convention de Rio sur les changements climatiques a souligné dans son préambule l’importance des puits et réservoirs de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres et marins et rappelle les effets néfastes d’une éventuelle élévation du niveau des mers sur les îles et les zones côtières. L’article 4 alinéa1 énumère un certain nombre d’engagements des Etats parties qui sont tenus d’encourager la gestion rationnelle et de soutenir par leur coopération la conservation et, le cas échéant, le renforcement des puits et réservoirs de.
De même des Etats signataires de la convention Ramsar sur la protection des zones Humides sont invité à adopter et appliquer les principes de planification stratégique et de gestion intégrée des zones côtières comme préalable à toute prise de décision concernant la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides
La convention de Barcelone de 1976 :
Faisant partie du programme des mers régionales lancé en 1974 par le PNUE, la convention de Barcelone a instauré un système juridique à deux niveaux qui prend compte des différences de développement entre les pays riverains, cette innovation va servir de référence pour les autres conventions régionales.
Le texte propose donc aux Etats parties une convention – cadre avec des obligations minimales obligatoires et des protocoles additionnels comprenant des dispositifs techniques de lutte contre des formes particulières de pollution ou des règles particulières de protection de l’environnement marin.
La convention prévoit que nul ne peut devenir partie contractante s’il n’adhère pas à au moins un protocole et nul ne peut être partie à un protocole s’il n’est pas en même temps partie à la convention.[13]
S’inspirant du chapitre 17 de l’agenda 21, l’amendement de 1995 apporté à la convention de Barcelone de 1976 a pris en considération l’espace littoral et son interaction avec les autres unités géographiques ;’ l’intitulé nouveau de la convention « la convention sur la protection du milieu marin et le littoral de la méditerranée » traduit le souci de la nécessité de l’adoption de l’approche de la gestion intégrée et du traitement des écosystèmes comme faisant partie d’un ensemble géographiquement homogène.
Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la méditerranée [14]
Tout d’abord il est à noter que l’ensemble des protocoles additionnels de la convention de Barcelone touchent d’une façon ou d’une autre les zones côtières, mais la grande innovation est l’adoption par les parties contractantes à la convention, le 21 janvier 2008 à Madrid, du protocole exclusivement réservé à la gestion intégrée des zones côtières.
En adoptant ce texte, les pays méditerranéens ont honoré leur engagement énoncé dans l’article 4 paragraphes 3 de la convention cadre :« aux fins de protéger l’environnement et de contribuer au développement durable de la zone méditerranéenne, les parties contractantes :e) s’engagent à promouvoir la gestion intégrée du littoral en prenant compte de la protection des zones d’intérêt écologique et paysager et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles.
Le protocole s’est inspiré des travaux et recommandations relatives à la gestion intégrée des zones côtières formulées le 23 septembre 1997 par la commission méditerranéenne du développement durable. Ce texte répond aux préoccupations des parties contractantes quant à l’accroissement des pressions anthropiques sur les zones côtières de la méditerranée considérées comme étant un patrimoine commun naturel et culturel des peuples riverains.
Au vu de ce protocole, la gestion intégrée des zones côtières a pour but :
La facilitation de la planification des activités et l’utilisation durable de cet écosystème en garantissant la conciliation entre l’environnement et le développement.
La préservation des zones côtières pour le bénéfice des générations présentes et futures.
La garantie de la préservation de l’intégrité des écosystèmes côtiers ainsi que les paysages côtiers et la géomorphologie côtière.
Comme cela est stipulé dans l'article 2 du Protocole GIZC, « la Gestion intégrée des zones côtières est un processus dynamique de gestion et d'utilisation durable des zones côtières, prenant en compte simultanément la fragilité des écosystèmes et des paysages côtiers, la diversité des activités et des usages, leurs interactions, la vocation maritime de certains d'entre eux, ainsi que leurs impacts à la fois sur la partie marine et la partie terrestre ».
La loi relative au littoral
Toutes les études et les enquêtes menées par l’autorité chargée de l’environnement ont fait sortir l’importance et l’urgence de la mise en place d’une législation adéquate exclusivement dédiée au littoral. A cette fin, en 2001 il a été procédé à l’élaboration d’un premier projet de loi relative à la mise en valeur du littoral dont le texte s’inspire beaucoup de la loi française sur le littoral.[15] Cette initiative fait partie des efforts louables du département de l’environnement visant la définition d’une vision stratégique de développement harmonieux et d’aménagement durable des espaces littoraux dans une approche intégrée. Le projet de loi est suspendu en 2002. En 2006, un nouveau projet a été élaboré par la cellule de littoral en partenariat avec les différents départements ministériels concernés. Le projet de loi n°31-06 est ainsi approuvé par le conseil des ministres le 19 juin 2010.
La loi[16] à été finalement approuvée par le parlement le é le 23 juin 2015. Elle s’inscrit parfaitement dans le cadre des objectifs de la Loi Cadre portant Charte Nationale de l'Environnement et du Développement Durable. Le texte fixe les principes fondamentaux de gestion intégrée du littoral en tant que processus de gestion transversal impliquant la prise en compte simultanée de différents intérêts dans le littoral dont en particulier la prise en compte systématique de l’environnement pour toutes les décisions affectant ce territoire fragile.
Dans l’article premier, la loi définit la gestion intégrée du littoral comme une « gestion harmonieuse des zones littorales prenant en considération les aspects environnementaux, socio-économiques et institutionnels permettant de garantir l'équilibre et la pérennité des multiples fonctions du littoral »
Malgré que cette loi présente plusieurs dispositions qui peuvent protéger les espaces littoraux, il faut noter qu’elle n’a pas retenu la disposition prévue dans l’avant projet relative à la création d’une Agence Nationale du Littoral largement inspirée de l’agence nationale pour la protection du littoral tunisien. Le projet de loi avait assigné à l’agence, qualifié d’établissement public, des attributions et des prérogatives relativement importantes. L’étude de projet Marchica nous offre un exemple de ce type d’agence disparue dans la loi relative au littoral.
III. Le projet MARCHICA : un exemple de gestion intégrée des zones côtières
Le projet de mise en valeur de la lagune MARCHICA est lancé à Nador en 2009, il consiste à la mise en place de plusieurs projets socioéconomiques et environnementaux d’une façon intégrée. Cette opération sera considérablement renforcée avec la création en 2010 d’une institution spécialement dédié à ce projet : l’agence d’aménagement du site de la lagune de MARCHICA.
Importance environnementale des zones côtières du Nador et les menaces de dégradation.
Les côtes de Nador sont très riches de point de vue écologique, en effet sont identifiés trois sites à Intérêt Biologique et Écologique (SIBE) classés comme sites Ramsar : la Lagune de Nador, le Cap des Trois Fourches et la rive gauche de l’embouchure de la Moulouya. Située entre le Cap des trois Fourches et le Cap de l’Eau, la lagune MARCHICA a une superficie de 115 Km2 la plaçant parmi les lagunes les plus grandes de la rive Sud de la Méditerranée, elle est considérée comme une richesse écologique exceptionnelle vu ses atouts naturels liés à la diversité de ses écosystèmes. Ce cadre écologique et paysager inédit représente un appui sûr pour la promotion du secteur touristique et balnéaire dans la zone. La lagune de Nador peut être donc considérée comme une opportunité et une aubaine pour le Nord oriental qui aspire à la promotion de son développement socioéconomique.
Malgré sa richesse exceptionnelle, cette lagune reste sans doute exposée à plusieurs défis environnementaux tel le rejet anarchique des eaux usées, l’exploitation démesurée et non rationnelle des richesses naturelles, le développement urbanistique rapide, existence des menaces de pollution liée aux activités portuaires (port de Beni Ansar) et à l’agriculture,.…etc.
Dans l’objectif de remédier à cette situation et pallier à ces menaces, une première intervention a été initiée dans le cadre du programme d’Actions Prioritaires à Court et Moyen Terme pour l’Environnement (SMAP)[17]
Ce projet intitulé CAP Nador vise en premier lieu l’intégration des politiques publiques à l’intérieur du territoire choisi dans la perspective de combler le déficit de coordination existant entre les acteurs en compétition, et en deuxième lieu, ce projet compte procéder à l’application d’une méthode de gestion intégrée des zones côtières de Nador. Bref, il s’agit pour les responsables du projet d’adopter le développement durable dans cette zone, y animer la vie socioéconomique sans compromettre ses capacités de protection de l’environnement.
Les composantes de l’aménagement du site la lagune de MARCHICA :
Comme on va le voir, la loi[18] relative à l’aménagement du site de MARCHICA a prévu un ensemble de projets d’aménagements qui laissent présager que le projet MARCHICA va complètement modifier le paysage de la région. Les aménagements s’articulent autour de 7 composantes, à savoir la Cité d’ATALAYOUN, la Cité des Deux mers, la nouvelle ville de Nador, la Baie des flamants, MARCHICA Sport, les Vergers de MARCHICA et le Village des pêcheurs. Ces composantes seront aménagées sur une superficie de 2000 Hectares. Le projet vise le développement socioéconomique de la région de l’oriental à travers la création de la richesse et des opportunités de carrières et d’emploi au profit des jeunes de la région.
C’est un projet qui se veut intégré où la dimension socio-économique est mêlée avec la dimension environnementale et scientifique. Il s’agit d’une illustration d’une mise en place d’une approche GIZC au niveau d’un territoire limitée dans son espace. Si le projet vise le développement du secteur touristique à travers la construction des unités hôtelières et des complexes résidentiels, il n’en demeure pas moins qu’il compte également préserver la biodiversité du site et valoriser la valeur environnementale de l’écosystème de la lagune via la création de centres écologiques comme le parc ornithologique[19] dont l’objectif est de promouvoir la dimension scientifique et pédagogique du site. Ce parc sera construit sur les bassins de la lagune des eaux usées. Celles-ci seront traitées par la création d’une station d’épuration et un recyclage est également prévu pour une réutilisation de ces eaux à des fins agricoles et de jardinage. D’ailleurs, en matière de gestion rationnelle de l’eau, il sera procédé à la mise en place d’une stratégie écologique de gestion optimale des ressources en eau conventionnelles et non conventionnelles de la zone d’aménagement du site.
Les deux cités d’ATALAYOUN et des Deux mers visent la transformation des terrains avoisinants à la lagune au profit d’un tourisme écologique exigent dans la mesure où il sera procédé à l’utilisation généralisé des énergies renouvelables et où la technologie de construction sera très originale en matière du respect de l’environnement. Il s’agit en fait d’un laboratoire modèle de développement durable où la promotion socio-économique se fait en parfaite harmonie avec les exigences environnementales.
L’Agence pour l'aménagement du site de la lagune de MARCHICA
L’agence pour l’aménagement du site de la lagune de MARCHICA est un établissement public [20]doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière placé sous la tutelle de l’Etat. Elle est chargée de :
L’élaboration l’ensemble des études ou plans généraux techniques, économiques et financiers se rapportant à l’aménagement de ladite zone
L’établissement du projet de plan d’aménagement spécial prévu par la loi 25-10.
La contribution à la recherche et à la mobilisation des financements nécessaires à la réalisation du programme d’aménagement de la zone précitée ;
La réalisation des travaux nécessaires au développement et à l’urbanisation de ladite zone ;
D’accorder les autorisations de lotir, de morceler, de créer des groupes d’habitations, ainsi que les permis de construire et d’habiter et les certificats de conformité ;
De veiller au respect des lois et règlements en matière d’urbanisme et d’y contrôler la conformité des lotissements, morcellements, groupes d’habitations et constructions, avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et avec les différentes autorisations accordées.
Pour l’accomplissement de ses missions, l’Agence peut acquérir les terrains qui lui sont nécessaires, par voie d’acquisition à l’amiable ou par voie d’expropriation.[21]
En étudiant les prérogatives attribuées par la loi 25-10 à l’agence pour l’aménagement du site de MARCHICA, on peut en conclure qu’il s’agit en faite des attributions qui sont déjà proposées par le projet de loi sur la mise en valeur du littoral qui prévoit la création d’une agence nationale pour le littoral. Peut-on en déduire donc que les pouvoirs publics comptent expérimenter l’opportunité de la loi sur le littoral dans un espace limité géographiquement?
En outre l’agence se voit attribuer des compétences qui sont normalement l’apanage des communes et des agences urbaines en matière de préparation de documents d’urbanisme, de délivrance de différentes autorisations relatives aux constructions et aux lotissements. Il ne faut pas donc perdre de vue que la loi 25-10 relative à l’aménagement du site de MARCHICA entend donner une large marge de manœuvre à l’agence MARCHICA pour qu’elle puisse accomplir sa mission avec beaucoup de facilité indépendamment des autres acteurs administratifs qui pourraient constituer des entraves à son bon fonctionnement.
Se souci du législateur quant la nécessité d’efficacité du travail de l’agence est également identifié dans les très courts délais données aux enquêtes publiques des plans d’aménagement, en effet l’article 11 stipule que « Le projet de plan d’aménagement donne lieu à une enquête publique d’un mois qui se déroule concomitamment à l’examen dudit projet par le ou les conseils communaux concernés. Cette enquête a pour objet de permettre au public de prendre connaissance du projet et de formuler d’éventuelles observations sur un registre ouvert à cet effet ». Normalement ce type de projet devrait être l’objet d’un débat public suffisant et fructueux, la démarche participative et de concertation étant très souhaitée. D’ailleurs le Maroc est appelé vivement à signer la convention d’Arhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée le 25 juin 1998 à Arhus au Danemark.
De même les observations soulevées par le public, au cours de l’enquête publique, n’ont en principe qu’un effet limité puisque l’article 19 stipule que « Les observations formulées au cours de l’enquête, y compris les propositions formulées par la ou les administrations compétentes et par le ou les conseils communaux concernés, sont étudiées par l’Agence pour l’aménagement du site de la lagune de MARCHICA ».
Conclusion
Malgré les efforts consentis par les pouvoirs publics pour la protection et la préservation du littoral, et hormis l’approbation de textes juridiques dédiés à cet espace, l’environnement côtier souffre encore des agressions multiples auxquelles il est soumis d’une façon perpétuelle. La multiplicité des acteurs publics qui y interviennent en est pour beaucoup. Surtout que la loi relative au littoral n’a pas prévu la création d’une agence pour le littoral. Le Projet MARCHICA offre un exemple type de ce que devrait être la manière des interventions publiques dans les zones côtières. C’est un exemple de l’implémentation du principe de la gestion intégrée des zones côtières tel qu’il a été mentionné par les conventions et protocoles internationaux et régionaux. Nous espérons que ces pratiques et expériences réussies de développement durable appliqué au littoral soient reproduites dans d’autres régions du Royaume.
--------------------------
[1] Voir le rapport « 50 ans de développement humain et perspective 2025 : le Maroc possible » .Abdallah LAOUINA « le littoral marocain, milieu côtier et marin » 2006 P189 à P216. Ce rapport est élaboré par un ensemble de chercheurs et experts marocains parallèlement aux travaux de l’instance équité et réconciliation (IER) dont la mission est de faire tourner la page d’une époque de l’histoire du Maroc connue sous l’appellation des années du plomb marqués par les violations graves des droits de l’homme.
[2] Voir GOURARI (A), l’administration de l’environnement : Atouts et contraintes pour le développement durable au Maroc, Revue de droit et d’économie, N°24,2009, P95.
[3] Décret N°2-95-674 du 22 Novembre 1996 BO n°4444 du 2 janvier 1997.
[4] Décret n°2-99-922 du 13 janvier 2000, BO n° 4770 du 17 février 2000.
[5] Le Laboratoire National est le résultat d’une coopération étroite entre les gouvernements marocain (Sous Secrétariat d’Etat auprès du Ministère d’Etat à l’Intérieur chargé de l’Environnement) et le gouvernement Allemand (GTZ). Il est mis en place le 03 Juin 1994, en tant que premier laboratoire Marocain d’Etudes et de Surveillance de la Pollution et des Nuisances. Depuis sa création le laboratoire a procédé à la réalisation de plusieurs études scientifiques, enquêtes sur le terrain et des analyses in situ et au laboratoire
[6] Le Conseil National de l’Environnement est crée le 20 janvier 1995, in BO n° 4294 du 15 février 1995
[7] ) Voir Alexandre Kiss et Jean-Pierre Beurier, Droit international de l’environnement, Etudes internationales, Pedone, 2004. Dans la page 27, les auteurs se sont arrêtés sur la naissance et l’évolution du droit international de l’environnement. Celui-ci est né vers la fin des années 1960 suite au cri d’alarme lancé par les scientifiques après la seconde guerre mondiale quant aux nouveaux problèmes dont soufre la biosphère à cause d’un développement économique anarchique et une raréfaction de plus en plus accrue des ressources naturelles. L’expansion rapide des idéologies écologiques au sein de l’opinion publique a fait que plusieurs instruments juridiques ont été adoptés le plus souvent à l’unanimité. Au début du XXe, antérieurement à cette époque, certaines dispositions d’ordre environnemental ont été prises mais qui restent limitées à la protection de certaines espèces de faune sauvage (convention signée à Paris en 1902 sur la protection des oiseaux utiles à l’agriculture, traité signé en 1911 sur la préservation et la protection des phoques à fourrure). Egalement il y a lieu de signaler la convention signée en 1909 entre les Etats Unies et la Grande Bretagne relative à la protection des eaux frontalières entre les Etats- Unies et le Canada, dominion britannique à l’époque. La lutte contre la pollution de la mer était aussi l’origine de la signature d’une convention de Londres en 1954 pour la prévention de la pollution des mers par les hydrocarbures, cet instrument qualifié de très limité sera modifié et renforcé, et par la suite remplacé en 1973 par la convention MARPOL bien plus détaillée et devant être plus efficace.
[8] Voir le conseil de l’Europe, Modèle de lois sur la gestion durable des zones côtières, sauvegarde de la nature, N°101, éditions de conseil de l’Europe, Strasbourg, 1999, P 13.
[9] Voir O LOZACHMEUR, « Le concept de gestion intégrée des zones côtières » : le point de vue de juriste, Océanis, Volume 30, n°1, 2004. P51-70.
[10] La convention est adoptée le 10 Décembre 1982 à Montego Bay (Jamaïque) et mise en vigueur le 16 Novembre 1994, c’est un instrument juridique d’une extrême importance car il encadre toutes les activités liées à la mer. Le texte s’est consacré à la délimitation des différentes zones maritimes (La mer territoriale, la zone contiguë et la zone économique exclusive), il définit également les droits et les obligations des Etats à l’intérieur de la zone économique exclusive en confirmant le principe de souveraineté des Etats à l’intérieur de celle-ci (200 miles marins) sur les richesses qu’elle recèle de point de vue d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion. La CMB est signée par le Maroc le 10 décembre 1982. Elle n’est pas encore ratifiée mais ses principes fondateurs sont repris par le droit interne et dans la pratique conventionnelle marocaine.
[11] ) la conférence sur l’environnement et la le développement s’est tenue 20 ans après le premier sommet tenu à Stockholm, aux yeux de plusieurs observateurs, le sommet de Rio est une réussite car environ 180 Etats et 1500 ONG y ont assisté. Elle est sanctionnée par l’adoption de la déclaration de Rio qui a, malgré son caractère non contraignant, réussi à donner une définition à la notion de développement durable et à donner naissance à de nouveaux types d’accords multilatéraux de l’environnement. (Convention cadre sur les changements climatiques (CCNUCC), convention sur la diversité biologique CDB), la convention sur la lutte contre la désertification(CLD).
[12] L’agenda 21 est un guide de mise en œuvre de la notion de développement durable pour le 21ème siècle. Les nations qui se sont engagées pour sa mise en place doivent l'appliquer au niveau national, régional et local. C’est un programme structuré en 4 sections et 40 chapitres.
[13] La convention de Barcelone est renforcée par la signature des Etats parties de 7 protocoles qui sont :
Protocole relatif à la coopération en matière de prévention de la pollution par les navires et, en cas de situation critique, de lutte contre la pollution de la méditerranée, il est signé le 25 janvier 2002.
Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer méditerranée par les opérations d’immersion effectuée par les navires et aéronefs, il est signé le 10 juin 1995.
Protocole relatif à la protection de la mer méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre, il est adopté le 7 Mars 1996.
Protocole relatif aux aires spécialement protégées et la diversité biologique, il est adopté le 10 juin 1995.
Protocole sur la protection contre la pollution résultant de l’exploration et l’exploitation du plateau continental, du fond de la mer et de son sous-sol » ‘’ protocole offshore ‘’ : adopté à Madrid le 14 octobre 1994,
Protocole sur la prévention de la pollution par des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination » : adopté à Izmir le 1er octobre 1996 et entré en vigueur le 19 janvier 2008.
Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la méditerranée » ‘’ protocole GIZC ‘’: Signé le21 janvier 2008 à Madrid.
[14]Le Maroc a signé le protocole lors de son adoption le 21 janvier 2008 mais il ne l’a pas encore ratifié.
[15] Voir NAKHLI (S), pressions environnementales et nouvelles stratégies de gestion sur le littoral marocain, Méditerranée N°115, 2010. Accessibilité sur le site : http://mediterranee.revues.org/index4996.html.
[16] La loi 81-12 est publiée au BO n°6404 du 15 octobre 2015.
Ce programme a été adopté suite à de nombreuses consultations, lors de la conférence Ministérielle Euro-méditerranéenne qui s’est tenue à Helsinki le 28 novembre 1997, il est considéré comme un cadre donnant une expression pratique au partenariat Euro Méditerranéen dans le domaine de l’environnement. son objectif est la mise en place d’un programme de gestion intégrée des zones côtières.
Dahir n°1-10-144 du 3 chaabane 1431 (16 juillet 2010) portant promulgation de la loi 25-10 relative à l’aménagement et la mise en valeur du site de MARCHICA, Bulletin Officiel N° 5852 du 5Aout 2010.
[19] Il s’agit d’un parc hautement important aussi bien par sa taille que par sa qualité scientifique, il est d’ailleurs considéré comme le plus grand parc du Sud de la Méditerranée. Ses travaux de construction ont été lancés par le Roi le 3 octobre 2011 ; le coût financier du projet est de estimé à 70 millions de Dirhams.
[20] Selon la loi organique N° 02-12relative à la nomination aux hautes fonctions, l’agence est considérée comme un établissement public stratégique, la nomination de son directeur est faite par le Roi au conseil des ministres.
Il faut noter ici que les prérogatives d’expropriation attribuées par la loi 25-10 à l’agence MARCHICA ont été l’objet de fortes critiques parla société civile rifaine notamment l’association du grand Rif des droits de l’Homme qui invoque l’absence de l’utilité publique qui pourrait justifier le recours à l’expropriation de terrains appartenant aux particuliers.