Le travail intérimaire est par essence une activité liée à un recours provisoire aux salariés des entreprises de travail temporaire, pour effectuer des tâches non durables.
Plusieurs pays européens qui ont réglementé l’activité de travail intérimaire ont instauré un principe général de recours au travail temporaire. De plus, certains pays ont limité le recours aux salariés temporaires dans certains secteurs déterminés.
Nous examinerons les limitations de recours au travail temporaire (section I), puis nous étudierons le régime juridique de ce principe général (section II).
section I : les limitations de recours :
Les limitations de recours au travail temporaire sont les plus strictes, même si elles freinent le développement du travail temporaire. En effet, il nous apparaît que tous les partenaires sont conscients de l’utilité du travail temporaire dans l’économie mondiale.
Les partisans de telles limitations avancent qu’elles sont les plus sûres en ce qui concerne la protection des intérêts des salariés temporaires : en interdisant de recourir au travail temporaire dans certains secteurs dangereux, on pourra éviter les fraudes et les abus, ainsi que les accidents du travail.
Pour nuancer ces limitations, on se penchera sur l’identification de l’entreprise utilisatrice (paragraphe I), puis sur le champ de ces restrictions (paragraphe II).
Paragraphe I : identification de l’entreprise utilisatrice :
La nature de l’entreprise utilisatrice ne pose pas trop de problème, c’est pourquoi son étude sera limitée.
Mais, la question qui se pose est de savoir si toute personne physique ou morale peut conclure un contrat de mise à disposition avec l’entreprise de travail temporaire, c’est-à-dire un contrat entre particulier, d’une part (I), et une administration publique d’autre part (II).
-I : un particulier :
On pourrait imaginer qu’un simple particulier ait la possibilité de s’adresser à une agence de travail temporaire pour se pourvoir d’un travailleur.
On peut remarquer que la notion de travail temporaire pourrait le permettre, et les textes le régissant au Maroc ont été promulgués dans cet esprit, dans le but d’assouplir la gestion des entreprises, et ce dans le contexte juridique actuel visant la flexibilité de l’emploi. Or, cette notion ne s’applique pas dans le cadre d’un emploi domestique, proche de la personne de l’utilisateur.
Aussi, on pourrait concevoir qu’un particulier pourra faire appel à un intérimaire, mais seulement dans le cadre d’une entreprise commerciale individuelle.
En outre, la législation sur le travail temporaire élaborée par certains pays pose des conditions que les entreprises seules peuvent remplir. Par exemple, au Maroc, la loi prévoit le contrôle de l’inspection du travail chez l’utilisateur, ce qui est incompatible avec le domicile d’un particulier, dans lequel un inspecteur du travail ne peut pénétrer qu’avec l’autorisation de ce dernier, ce qui rend en pratique les contrôles inefficaces.
Il semble donc évident que le travail temporaire ne concerne pas les particuliers mais uniquement les entreprises. Cette mesure constitue un élément pour limiter le recours au travail temporaire, et en même temps protéger les travailleurs temporaires contre une utilisation abusive.
II : une administration publique :
La question est de savoir si une administration publique peut ou ne peut pas utiliser le travail temporaire, et ceci ne peut pas être envisagé de la même façon selon le pays et les systèmes juridiques. Cependant, on peut dégager un point commun à tous les États développés : dans le contexte actuel, de plus en plus d’administrations publiques ressentent le besoin d’une gestion similaire à celle des entreprises commerciales.
En outre, les administrations sont aujourd’hui continuellement impliquées dans le monde des affaires, soit pour assister, aider les entreprises, par des études et des recherches économiques et juridiques, à la promotion d’un secteur ou d’une région, soit pour participer dans un contrat, à un chantier, une création d’entreprise mixte ou semi-publique, etc.
S’agissant d’une entreprise commerciale dans laquelle l’État n’est qu’un des participants, aucun obstacle ne s’oppose à l’utilisation de travail temporaire. Mais, s’il s’agit d’une administration publique à part entière, un véritable problème peut apparaître.
Au Maroc, cette possibilité n’est pas envisagée au regard du caractère très strict du droit administratif.
Par conséquent, dans les cas difficiles exigeant le recours à un personnel d’appoint, les administrations publiques doivent utiliser les règles du droit administratif et recruter des agents auxiliaires.
Pour ce qui est des pays anglo-saxons, et plus spécialement des U.S.A, cette difficulté présente moins d’acuité, leurs régimes administratifs étant parfois moins rigides que dans les pays d’Europe même si les fonctionnaires ont souvent un statut assez spécifique.
Mais en ce qui concerne plus particulièrement la France, cette question ne soulève pas des difficultés. Auparavant, la question de l’utilisation du travail temporaire par l’administration publique a été envisagée officiellement par le droit français. Le Conseil d’État a donné une solution précise à ce problème : l’administration, s’agissant d’un service public doit recruter que des agents publics.
Mais aujourd’hui, pour faire face à une pénurie de personnel, dont la présence est parfois indispensable à la survie de certains services publics, il est devenu relativement courant d'avoir recours temporairement à des vacataires et même à l'intérim, notamment dans la fonction publique hospitalière.
Donc, il est vrai que le problème ne se pose guère, en pratique, aux administrations qui n’ont certainement pas besoin, d’ailleurs, de la grande souplesse et de l’efficacité du travail temporaire. Il apparaît donc clairement, que quelque soit le système juridique dans lequel on se trouve, tout du moins en pratique, le travail temporaire concerne seulement les entreprises privées.
Paragraphe II : le champ de ces restrictions :
Nous allons essayer de traiter en premier lieu les restrictions dans certains secteurs (I), ensuite les principaux fondements de telles limitations (II).
-I : les restrictions dans certains secteurs :
On rencontre peu ou pas de limitations géographiques justifiées par des causes profondes et durables.
Au Maroc, le législateur n’a imposé aucune limitation géographique de recours au travail temporaire. En effet, il se peut que, dans un pays, une région soit touchée par une crise sociale, et que l’État craigne que le travail temporaire ne fasse qu’amplifier la situation précaire des travailleurs. De plus, il peut penser à protéger ses régions frontalières du risque de marchandage international.
La réglementation des Pays-Bas est une exception en Europe, elle interdit le recours au travail temporaire dans le port de Rotterdam et de Dorrech. Une telle limitation des secteurs géographiques de recours à l’intérim est absurde. En effet, d’une part, « son objectif, qui est de protéger les intérêts des intérimaires, n’est pas atteint, puisque les travailleurs ne peuvent plus travailler. D’autre part, ce n’est pas en interdisant les missions de secrétariat et de ménage… que l’on peut réduire les risques d’accidents, mais en axant l’interdiction sur les activités dangereuses » . C’est, d’ailleurs, pour ces raisons que les Pays-Bas ont changé la réglementation des secteurs géographiques de recours au travail temporaire, en interdisant le recours à l’intérim dans les deux ports de Rotterdam et de Dorrech uniquement pour les emplois dans la métallurgie.
Il existe aussi des pays qui ont réglementé des secteurs d’activités dans lesquels le travail temporaire est autorisé. Il ne s’agit pas d’une réglementation, mais plutôt d’une politique limitant l’utilisation de l’intérim dans certains secteurs professionnels.
Ainsi, en Irlande, tous les travailleurs recrutés dans le secteur de l’imprimerie doivent être présentés par des syndicats .
En Belgique, certaines conventions collectives peuvent limiter le recours à l’intérim dans d’autres secteurs, ainsi la législation Belge interdit le recours au travail temporaire dans les secteurs de la construction et du transport . De même, aux Pays-Bas, le recours à l’intérim est interdit par la loi dans les secteurs de la construction, du bâtiment, et du transport de marchandises.
En Allemagne, le recours à l’intérim est interdit dans le bâtiment. Le législateur a frappé d’interdiction la seule cession professionnelle, à l’exclusion de la cession occasionnelle ou bénévole ou de toute autre forme d’intervention d’un tiers dans des entreprises du bâtiment. Les entreprises visées ne sont pas seulement celles du secteur de la construction, mais aussi des départements chargés de travaux de construction au sein d’autres entreprises. Dans la mesure où l’interdiction de l’intérim dans le bâtiment était perçue comme une preuve de la volonté du gouvernement d’aller dans le sens d’une restriction croissante du travail temporaire, les réactions pour ou contre étaient d’une rare vigueur.
La Finlande interdit le recours au travail temporaire uniquement dans le secteur de la métallurgie, pour les emplois de tôliers, chaudronniers, soudeurs, et électriciens….
Quant à la Norvège, elle n’admet l’opération de travail temporaire que dans les secteurs du détail et des emplois de bureaux. Les mêmes interdictions existaient au Danemark, avant la loi du 1er juillet 1991, qui a réglementé le travail temporaire.
Bref, une telle limitation des secteurs de recours au travail temporaire peut aider à éviter les abus et fraudes dans certains secteurs dangereux, et aussi limiter la multiplication des recours aux services des entreprises de travail temporaire dans des secteurs interdits.
- II : Les principaux fondements de telles limitations :
Les pays qui ont instauré chez eux ce principe de limiter le recours au travail temporaire dans certains secteurs précis avaient la volonté de faire face à des inégalités commises dans ces secteurs.
Le souci de protection de la sécurité et de la situation générale des travailleurs intérimaires, afin de faire face aux abus et aux fraudes à la réglementation de travail temporaire, est le principal fondement d’une telle limitation des secteurs d’activités dans lesquels on peut recourir au travail temporaire.
En effet, l’interdiction de recourir aux travailleurs temporaires dans les secteurs du bâtiment, de la construction, du transport, de la métallurgie, est justifiée par l’exposition des travailleurs au plus grand nombre d’accidents. Aussi, cette interdiction se trouve dans d’autres secteurs, où il y a beaucoup d’abus et de fraudes, par exemple : les secteurs de gestion ou les secteurs commerciaux.
En conclusion, cette méthode consistant à limiter le recours aux travailleurs temporaires dans des secteurs précis dépend de l’image du droit du travail de chaque pays.
Le cas du Maroc est à part ; aucune limitation concernant les secteurs de recours au travail temporaire n’apparaît, le législateur Marocain a bien fait de ne pas limiter le recours au travail temporaire dans des secteurs d’activités, pour encourager le recrutement dans tous secteurs. Mais il faut signaler que, dans les pays qui limitent le recours au travail temporaire dans certains secteurs, on ne laisse pas cette activité se développer.
Section II : Le régime du principe général de recours au travail intérimaire :
Il existe un certain nombre de cas ou de situations dans lesquelles le recours à un travailleur intérimaire est strictement interdit. Ces interdictions sont sans exception dans la mesure où elles sont prévues par la LOI et codifiées dans le code du travail.
Ainsi, la mise en œuvre de ce principe général de limitations des cas de recours passera par une détermination claire de la conception du travail temporaire, et aussi par une définition claire de son régime juridique.
Avant de parler du régime juridique de ce principe général de limitation des cas de recours (paragraphe II), on va essayer de cerner la conception de ce principe général (paragraphe I).
Paragraphe I : Pour une conception déterminée du principe général de recours au travail temporaire:
Les pays qui définissent le travail temporaire se classent en deux groupes : les législations des pays Anglo-Saxons et les législations des pays Européens.
-I : les pays Anglo-saxons :
Dans les pays Anglo-Saxons, on ne trouve pas de code du travail qui réglemente les relations sociales entre les salariés et les employeurs , ces relations étant laissées à la négociation entre les partenaires sociaux, cela laisse comprendre que ce n’est pas la protection des travailleurs en général qui est organisée, mais surtout celle des salariés qui vont négocier avec l’employeur. Cette pratique trouve son origine dans l’Union State of American, et aussi au Royaume uni, et dans tous les pays du Commonwealth.
Depuis la fin du XIXe siècle, les relations d’emploi dans les secteurs non-syndiqués de l’économie Américaine étaient régies par le principe dit de l’« employment at will » , selon lequel la relation d’emploi peut être rompue à tout moment unilatéralement et sans préjudice par l’une des deux parties, « pour une bonne raison, une mauvaise raison, ou pas de raison du tout », à moins que le contraire ne soit précisé dans un contrat de travail ou une convention d’entreprise.
L’exception la plus importante qui lui fut associée est celle dite du « quasi-contrat » qui permet au salarié de contester son licenciement dès lors qu’est démontrée l’existence d’indications concrètes suggérant que l’emploi avait vocation à la durée. Aussi, grâce à l’existence de documents internes, de manuels d’entreprise, de stipulations indirectes, ou d’une ancienneté dans la firme, la preuve d’une histoire de promotion interne, la politique générale de l’entreprise observée dans son traitement des autres salariés, ou même la pratique majoritaire de la branche : tous ces éléments peuvent être considérés, à des degrés divers, comme un engagement implicite de la part de l’employeur à ne pas rompre la relation d’emploi sans justification.
Mais les agences de travail temporaire ne sont pas soumises à cette présomption de quasi-contrat : par définition, la relation d’emploi n’y est pas supposée, même implicitement, comme durable .
Ainsi, il arrive que les travailleurs intérimaires occupent des postes de travail permanents. L’employeur désigne certains de ses salariés comme temporaires pour les prévenir que les postes qu’ils occupent sont provisoires, c’est à dire pour leur signifier qu’ils ne bénéficient pas des avantages accordés aux salariés permanents, leur poste de travail étant considéré pourtant comme permanent.
Donc, dans les pays anglo-saxons, on ne peut pas parler d’un principe de recours au travail temporaire dans la mesure où ces pays n’ont pas une réglementation précise des relations du travail, on peut donc utiliser des travailleurs intérimaires dans les mêmes conditions que les permanents.
-II : les pays européens :
De l’autre côté, on trouve la famille « européenne » qui dispose d’une législation réglementant les relations du travail et qui organise la protection de l’emploi et celle des salariés.
On pourra définir travail temporaire comme : Une activité de prestation qui consiste en la mise à la disposition provisoire des utilisateurs de travailleurs chargés d’exécuter des tâches temporaires pour le compte de l’employeur.
À partir de cette conception, et dans le but d’aligner la situation des travailleurs intérimaires sur celles des travailleurs permanents, les travailleurs temporaires sont différenciés des salariés permanents. Sur la base de cette définition, la plupart des pays européens ont réglementé les cas de recours aux services des entreprises de travail temporaire, afin d’éviter les abus et les fraudes.
Ainsi, ils imposent à ces entreprises de n’utiliser le travail temporaire que dans certains cas bien déterminés, et sur des postes provisoires, et pour des durées courtes et déterminées.
Enfin, le législateur marocain a opté pour une conception simple et claire, en s’inspirant de la famille Européenne, selon laquelle on a recours au travail temporaire pour faire face à un besoin de main-d’œuvre à caractère non permanent, et en prévoyant un régime juridique de ce principe général de recours au travail temporaire.
- Paragraphe II- le régime de ce principe :
Afin de protéger les intérêts des salariés et de défendre l’emploi permanent, la majorité des pays ont instauré un principe de recours au travail temporaire.
-I : le régime marocain :
Le législateur marocain a posé le principe général de recours au travail temporaire. Le code du travail Marocain prévoit que : « L’utilisateur peut recourir aux salariés de l’entreprise d’emploi temporaire après consultation des organisations représentatives des salariés dans l’entreprise , en vue d’effectuer des travaux non permanents appelés « tâches ».
Cela signifie que ce principe révèle deux exigences, l’entreprise utilisatrice ne peut pas faire appel aux services des entreprises de travail temporaire pour faire face à un besoin de main-d’œuvre à caractère permanent, et que la tache du salarié temporaire est limitée et passagère.
Pourtant, une question se pose : Où se situe le seuil au-delà duquel le caractère durable de la tâche interdit le recours au travail temporaire ?
Sans définir le seuil, les législateurs contemporains ont employé des garde-fous pour limiter l’utilisation du travail temporaire.
Le premier élément de la réponse se trouve dans la loi elle-même qui dispose que : « La durée du contrat, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement, ne peut excéder six mois », mais la situation se complique en présence d’un emploi saisonnier ou en cas de remplacement d’un salarié absent quand le contrat ne comporte pas de terme précis. Quand la relation de travail se prolonge, les juges du fond doivent vérifier que le contrat n’a pas pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise .
Autre délai prévu par la loi pour éviter le recours à des travailleurs intérimaires en lieu et place des salariés de l’entreprise : Ceux qui sont applicables après un licenciement économique , pendant une année, pour les postes concernés par le licenciement.
Au-delà de ces dispositions, la vocation première du législateur marocain est d’empêcher que le recours au travail temporaire ne devienne un mode normal de gestion des emplois.
-II : le régime des pays européens :
Le régime Français est le plus sophistiqué. L’article L.1251-5, alinéa premier du code du travail Français pose un principe général de recours : « Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ».
Différents critères ont été dégagés par les juges Français pour apprécier le caractère durable ou non durable de la relation de travail : Le premier procède de la succession de contrats du même type sur le même emploi . L’emploi occupé n’est plus temporaire lorsqu’il « se prolonge et survit au départ du salarié temporaire » . Ainsi, le caractère durable des tâches peut se dégager du recrutement prolongé d’une même personne ou de recrutement successif de plusieurs personnes, et aussi celui qui tient dans le rapport volume/fréquence d’un tel recrutement. Des juges du fond ont relevé que « pour un constructeur de véhicules automobiles, la fabrication et l’offre au marché de nouveaux modèles s’inscrivent dans l’activité habituelle et ne constituent pas une situation occasionnelle précisément et temporairement limitée » .
Ainsi, quand, durant toute l’année, le pourcentage moyen de l’effectif intérimaire dépasse 30 % de l’effectif total, il est difficile de qualifier de temporaire le surcroît de travail.
Un autre critère se dégage du caractère durable et constant de l’activité. Le caractère durable de la tâche est directement lié au caractère durable de l’accroissement d’activité. C’est pourquoi les juges du fond doivent « rechercher quelle a été l’évolution du volume de production de l’entreprise et les modifications éventuelles de conditions de cette production » . Le recours au contrat précaire est une solution provisoire qui doit continuer à répondre au « principe de subsidiarité » .
En outre, la loi Autrichienne de 1988 régissant l’intérim prévoit « qu’en aucun cas, il ne peut être recouru à l’emploi temporaire pour réduire l’effectif du personnel permanent de l’utilisateur ».
Ainsi, la loi Luxembourgeoise sur le travail temporaire prohibe de recourir à l’intérim pour répondre à des demandes de main-d’œuvre permanente.
Pour conclure, on déduit de ces réglementations européennes de principe général de recours au travail temporaire, la méfiance de ces pays à l’encontre de l’utilisation de cette activité pour des tâches durables. L’interprétation et l’appréciation de ce principe général de recours au travail temporaire, pour des tâches non permanentes, est difficile. On souhaite que le législateur Marocain élucide bien ce principe, et que les agents du contrôle de l’inspection du travail soient vigilants.
Le respect de ce principe d’interdiction de recours au travail temporaire pour pouvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise doit être vérifié en cas d’accroissement temporaire de l’activité comme dans tous les autres cas de recours, et doit être aussi protégé par des sanctions en cas d’abus et de fraudes, à l’encontre des entreprises utilisatrices déloyales.
Au Maroc, les infractions aux dispositions concernant le travail temporaire sont punies d’une amende de 2.000 DH à 5.000 DH .
Mais les sanctions qu’encourent les utilisateurs malhonnêtes, au Maroc, ne permettent pas à notre avis, d’atteindre les objectifs recherchés compte tenu du montant peu élevé de ces amandes.
En France, toute infraction aux dispositions de l’article L.1251-2 est punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30.000 euros .
De plus, d’autres législations des pays européens, qui réglementent les cas de recours au travail temporaire prévoient des sanctions pour le non-respect de ces cas . Les sanctions applicables au cas de recours général au travail temporaire sont les mêmes que celles qui sont relatives aux cas de recours particuliers pour lesquels l’intérim est autorisé.
Enfin, le législateur marocain devrait intervenir en accentuant les sanctions à l’égard des utilisateurs frauduleux, et surtout par des sanctions financières qui peuvent être très importantes pour freiner l’exploitation des travailleurs temporaire.
En plus de ce principe général de recours aux services des entreprises de travail temporaire, le législateur Marocain a établi une liste autorisant le recours au travail temporaire dans des cas bien déterminés.
Plusieurs pays européens qui ont réglementé l’activité de travail intérimaire ont instauré un principe général de recours au travail temporaire. De plus, certains pays ont limité le recours aux salariés temporaires dans certains secteurs déterminés.
Nous examinerons les limitations de recours au travail temporaire (section I), puis nous étudierons le régime juridique de ce principe général (section II).
section I : les limitations de recours :
Les limitations de recours au travail temporaire sont les plus strictes, même si elles freinent le développement du travail temporaire. En effet, il nous apparaît que tous les partenaires sont conscients de l’utilité du travail temporaire dans l’économie mondiale.
Les partisans de telles limitations avancent qu’elles sont les plus sûres en ce qui concerne la protection des intérêts des salariés temporaires : en interdisant de recourir au travail temporaire dans certains secteurs dangereux, on pourra éviter les fraudes et les abus, ainsi que les accidents du travail.
Pour nuancer ces limitations, on se penchera sur l’identification de l’entreprise utilisatrice (paragraphe I), puis sur le champ de ces restrictions (paragraphe II).
Paragraphe I : identification de l’entreprise utilisatrice :
La nature de l’entreprise utilisatrice ne pose pas trop de problème, c’est pourquoi son étude sera limitée.
Mais, la question qui se pose est de savoir si toute personne physique ou morale peut conclure un contrat de mise à disposition avec l’entreprise de travail temporaire, c’est-à-dire un contrat entre particulier, d’une part (I), et une administration publique d’autre part (II).
-I : un particulier :
On pourrait imaginer qu’un simple particulier ait la possibilité de s’adresser à une agence de travail temporaire pour se pourvoir d’un travailleur.
On peut remarquer que la notion de travail temporaire pourrait le permettre, et les textes le régissant au Maroc ont été promulgués dans cet esprit, dans le but d’assouplir la gestion des entreprises, et ce dans le contexte juridique actuel visant la flexibilité de l’emploi. Or, cette notion ne s’applique pas dans le cadre d’un emploi domestique, proche de la personne de l’utilisateur.
Aussi, on pourrait concevoir qu’un particulier pourra faire appel à un intérimaire, mais seulement dans le cadre d’une entreprise commerciale individuelle.
En outre, la législation sur le travail temporaire élaborée par certains pays pose des conditions que les entreprises seules peuvent remplir. Par exemple, au Maroc, la loi prévoit le contrôle de l’inspection du travail chez l’utilisateur, ce qui est incompatible avec le domicile d’un particulier, dans lequel un inspecteur du travail ne peut pénétrer qu’avec l’autorisation de ce dernier, ce qui rend en pratique les contrôles inefficaces.
Il semble donc évident que le travail temporaire ne concerne pas les particuliers mais uniquement les entreprises. Cette mesure constitue un élément pour limiter le recours au travail temporaire, et en même temps protéger les travailleurs temporaires contre une utilisation abusive.
II : une administration publique :
La question est de savoir si une administration publique peut ou ne peut pas utiliser le travail temporaire, et ceci ne peut pas être envisagé de la même façon selon le pays et les systèmes juridiques. Cependant, on peut dégager un point commun à tous les États développés : dans le contexte actuel, de plus en plus d’administrations publiques ressentent le besoin d’une gestion similaire à celle des entreprises commerciales.
En outre, les administrations sont aujourd’hui continuellement impliquées dans le monde des affaires, soit pour assister, aider les entreprises, par des études et des recherches économiques et juridiques, à la promotion d’un secteur ou d’une région, soit pour participer dans un contrat, à un chantier, une création d’entreprise mixte ou semi-publique, etc.
S’agissant d’une entreprise commerciale dans laquelle l’État n’est qu’un des participants, aucun obstacle ne s’oppose à l’utilisation de travail temporaire. Mais, s’il s’agit d’une administration publique à part entière, un véritable problème peut apparaître.
Au Maroc, cette possibilité n’est pas envisagée au regard du caractère très strict du droit administratif.
Par conséquent, dans les cas difficiles exigeant le recours à un personnel d’appoint, les administrations publiques doivent utiliser les règles du droit administratif et recruter des agents auxiliaires.
Pour ce qui est des pays anglo-saxons, et plus spécialement des U.S.A, cette difficulté présente moins d’acuité, leurs régimes administratifs étant parfois moins rigides que dans les pays d’Europe même si les fonctionnaires ont souvent un statut assez spécifique.
Mais en ce qui concerne plus particulièrement la France, cette question ne soulève pas des difficultés. Auparavant, la question de l’utilisation du travail temporaire par l’administration publique a été envisagée officiellement par le droit français. Le Conseil d’État a donné une solution précise à ce problème : l’administration, s’agissant d’un service public doit recruter que des agents publics.
Mais aujourd’hui, pour faire face à une pénurie de personnel, dont la présence est parfois indispensable à la survie de certains services publics, il est devenu relativement courant d'avoir recours temporairement à des vacataires et même à l'intérim, notamment dans la fonction publique hospitalière.
Donc, il est vrai que le problème ne se pose guère, en pratique, aux administrations qui n’ont certainement pas besoin, d’ailleurs, de la grande souplesse et de l’efficacité du travail temporaire. Il apparaît donc clairement, que quelque soit le système juridique dans lequel on se trouve, tout du moins en pratique, le travail temporaire concerne seulement les entreprises privées.
Paragraphe II : le champ de ces restrictions :
Nous allons essayer de traiter en premier lieu les restrictions dans certains secteurs (I), ensuite les principaux fondements de telles limitations (II).
-I : les restrictions dans certains secteurs :
On rencontre peu ou pas de limitations géographiques justifiées par des causes profondes et durables.
Au Maroc, le législateur n’a imposé aucune limitation géographique de recours au travail temporaire. En effet, il se peut que, dans un pays, une région soit touchée par une crise sociale, et que l’État craigne que le travail temporaire ne fasse qu’amplifier la situation précaire des travailleurs. De plus, il peut penser à protéger ses régions frontalières du risque de marchandage international.
La réglementation des Pays-Bas est une exception en Europe, elle interdit le recours au travail temporaire dans le port de Rotterdam et de Dorrech. Une telle limitation des secteurs géographiques de recours à l’intérim est absurde. En effet, d’une part, « son objectif, qui est de protéger les intérêts des intérimaires, n’est pas atteint, puisque les travailleurs ne peuvent plus travailler. D’autre part, ce n’est pas en interdisant les missions de secrétariat et de ménage… que l’on peut réduire les risques d’accidents, mais en axant l’interdiction sur les activités dangereuses » . C’est, d’ailleurs, pour ces raisons que les Pays-Bas ont changé la réglementation des secteurs géographiques de recours au travail temporaire, en interdisant le recours à l’intérim dans les deux ports de Rotterdam et de Dorrech uniquement pour les emplois dans la métallurgie.
Il existe aussi des pays qui ont réglementé des secteurs d’activités dans lesquels le travail temporaire est autorisé. Il ne s’agit pas d’une réglementation, mais plutôt d’une politique limitant l’utilisation de l’intérim dans certains secteurs professionnels.
Ainsi, en Irlande, tous les travailleurs recrutés dans le secteur de l’imprimerie doivent être présentés par des syndicats .
En Belgique, certaines conventions collectives peuvent limiter le recours à l’intérim dans d’autres secteurs, ainsi la législation Belge interdit le recours au travail temporaire dans les secteurs de la construction et du transport . De même, aux Pays-Bas, le recours à l’intérim est interdit par la loi dans les secteurs de la construction, du bâtiment, et du transport de marchandises.
En Allemagne, le recours à l’intérim est interdit dans le bâtiment. Le législateur a frappé d’interdiction la seule cession professionnelle, à l’exclusion de la cession occasionnelle ou bénévole ou de toute autre forme d’intervention d’un tiers dans des entreprises du bâtiment. Les entreprises visées ne sont pas seulement celles du secteur de la construction, mais aussi des départements chargés de travaux de construction au sein d’autres entreprises. Dans la mesure où l’interdiction de l’intérim dans le bâtiment était perçue comme une preuve de la volonté du gouvernement d’aller dans le sens d’une restriction croissante du travail temporaire, les réactions pour ou contre étaient d’une rare vigueur.
La Finlande interdit le recours au travail temporaire uniquement dans le secteur de la métallurgie, pour les emplois de tôliers, chaudronniers, soudeurs, et électriciens….
Quant à la Norvège, elle n’admet l’opération de travail temporaire que dans les secteurs du détail et des emplois de bureaux. Les mêmes interdictions existaient au Danemark, avant la loi du 1er juillet 1991, qui a réglementé le travail temporaire.
Bref, une telle limitation des secteurs de recours au travail temporaire peut aider à éviter les abus et fraudes dans certains secteurs dangereux, et aussi limiter la multiplication des recours aux services des entreprises de travail temporaire dans des secteurs interdits.
- II : Les principaux fondements de telles limitations :
Les pays qui ont instauré chez eux ce principe de limiter le recours au travail temporaire dans certains secteurs précis avaient la volonté de faire face à des inégalités commises dans ces secteurs.
Le souci de protection de la sécurité et de la situation générale des travailleurs intérimaires, afin de faire face aux abus et aux fraudes à la réglementation de travail temporaire, est le principal fondement d’une telle limitation des secteurs d’activités dans lesquels on peut recourir au travail temporaire.
En effet, l’interdiction de recourir aux travailleurs temporaires dans les secteurs du bâtiment, de la construction, du transport, de la métallurgie, est justifiée par l’exposition des travailleurs au plus grand nombre d’accidents. Aussi, cette interdiction se trouve dans d’autres secteurs, où il y a beaucoup d’abus et de fraudes, par exemple : les secteurs de gestion ou les secteurs commerciaux.
En conclusion, cette méthode consistant à limiter le recours aux travailleurs temporaires dans des secteurs précis dépend de l’image du droit du travail de chaque pays.
Le cas du Maroc est à part ; aucune limitation concernant les secteurs de recours au travail temporaire n’apparaît, le législateur Marocain a bien fait de ne pas limiter le recours au travail temporaire dans des secteurs d’activités, pour encourager le recrutement dans tous secteurs. Mais il faut signaler que, dans les pays qui limitent le recours au travail temporaire dans certains secteurs, on ne laisse pas cette activité se développer.
Section II : Le régime du principe général de recours au travail intérimaire :
Il existe un certain nombre de cas ou de situations dans lesquelles le recours à un travailleur intérimaire est strictement interdit. Ces interdictions sont sans exception dans la mesure où elles sont prévues par la LOI et codifiées dans le code du travail.
Ainsi, la mise en œuvre de ce principe général de limitations des cas de recours passera par une détermination claire de la conception du travail temporaire, et aussi par une définition claire de son régime juridique.
Avant de parler du régime juridique de ce principe général de limitation des cas de recours (paragraphe II), on va essayer de cerner la conception de ce principe général (paragraphe I).
Paragraphe I : Pour une conception déterminée du principe général de recours au travail temporaire:
Les pays qui définissent le travail temporaire se classent en deux groupes : les législations des pays Anglo-Saxons et les législations des pays Européens.
-I : les pays Anglo-saxons :
Dans les pays Anglo-Saxons, on ne trouve pas de code du travail qui réglemente les relations sociales entre les salariés et les employeurs , ces relations étant laissées à la négociation entre les partenaires sociaux, cela laisse comprendre que ce n’est pas la protection des travailleurs en général qui est organisée, mais surtout celle des salariés qui vont négocier avec l’employeur. Cette pratique trouve son origine dans l’Union State of American, et aussi au Royaume uni, et dans tous les pays du Commonwealth.
Depuis la fin du XIXe siècle, les relations d’emploi dans les secteurs non-syndiqués de l’économie Américaine étaient régies par le principe dit de l’« employment at will » , selon lequel la relation d’emploi peut être rompue à tout moment unilatéralement et sans préjudice par l’une des deux parties, « pour une bonne raison, une mauvaise raison, ou pas de raison du tout », à moins que le contraire ne soit précisé dans un contrat de travail ou une convention d’entreprise.
L’exception la plus importante qui lui fut associée est celle dite du « quasi-contrat » qui permet au salarié de contester son licenciement dès lors qu’est démontrée l’existence d’indications concrètes suggérant que l’emploi avait vocation à la durée. Aussi, grâce à l’existence de documents internes, de manuels d’entreprise, de stipulations indirectes, ou d’une ancienneté dans la firme, la preuve d’une histoire de promotion interne, la politique générale de l’entreprise observée dans son traitement des autres salariés, ou même la pratique majoritaire de la branche : tous ces éléments peuvent être considérés, à des degrés divers, comme un engagement implicite de la part de l’employeur à ne pas rompre la relation d’emploi sans justification.
Mais les agences de travail temporaire ne sont pas soumises à cette présomption de quasi-contrat : par définition, la relation d’emploi n’y est pas supposée, même implicitement, comme durable .
Ainsi, il arrive que les travailleurs intérimaires occupent des postes de travail permanents. L’employeur désigne certains de ses salariés comme temporaires pour les prévenir que les postes qu’ils occupent sont provisoires, c’est à dire pour leur signifier qu’ils ne bénéficient pas des avantages accordés aux salariés permanents, leur poste de travail étant considéré pourtant comme permanent.
Donc, dans les pays anglo-saxons, on ne peut pas parler d’un principe de recours au travail temporaire dans la mesure où ces pays n’ont pas une réglementation précise des relations du travail, on peut donc utiliser des travailleurs intérimaires dans les mêmes conditions que les permanents.
-II : les pays européens :
De l’autre côté, on trouve la famille « européenne » qui dispose d’une législation réglementant les relations du travail et qui organise la protection de l’emploi et celle des salariés.
On pourra définir travail temporaire comme : Une activité de prestation qui consiste en la mise à la disposition provisoire des utilisateurs de travailleurs chargés d’exécuter des tâches temporaires pour le compte de l’employeur.
À partir de cette conception, et dans le but d’aligner la situation des travailleurs intérimaires sur celles des travailleurs permanents, les travailleurs temporaires sont différenciés des salariés permanents. Sur la base de cette définition, la plupart des pays européens ont réglementé les cas de recours aux services des entreprises de travail temporaire, afin d’éviter les abus et les fraudes.
Ainsi, ils imposent à ces entreprises de n’utiliser le travail temporaire que dans certains cas bien déterminés, et sur des postes provisoires, et pour des durées courtes et déterminées.
Enfin, le législateur marocain a opté pour une conception simple et claire, en s’inspirant de la famille Européenne, selon laquelle on a recours au travail temporaire pour faire face à un besoin de main-d’œuvre à caractère non permanent, et en prévoyant un régime juridique de ce principe général de recours au travail temporaire.
- Paragraphe II- le régime de ce principe :
Afin de protéger les intérêts des salariés et de défendre l’emploi permanent, la majorité des pays ont instauré un principe de recours au travail temporaire.
-I : le régime marocain :
Le législateur marocain a posé le principe général de recours au travail temporaire. Le code du travail Marocain prévoit que : « L’utilisateur peut recourir aux salariés de l’entreprise d’emploi temporaire après consultation des organisations représentatives des salariés dans l’entreprise , en vue d’effectuer des travaux non permanents appelés « tâches ».
Cela signifie que ce principe révèle deux exigences, l’entreprise utilisatrice ne peut pas faire appel aux services des entreprises de travail temporaire pour faire face à un besoin de main-d’œuvre à caractère permanent, et que la tache du salarié temporaire est limitée et passagère.
Pourtant, une question se pose : Où se situe le seuil au-delà duquel le caractère durable de la tâche interdit le recours au travail temporaire ?
Sans définir le seuil, les législateurs contemporains ont employé des garde-fous pour limiter l’utilisation du travail temporaire.
Le premier élément de la réponse se trouve dans la loi elle-même qui dispose que : « La durée du contrat, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement, ne peut excéder six mois », mais la situation se complique en présence d’un emploi saisonnier ou en cas de remplacement d’un salarié absent quand le contrat ne comporte pas de terme précis. Quand la relation de travail se prolonge, les juges du fond doivent vérifier que le contrat n’a pas pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise .
Autre délai prévu par la loi pour éviter le recours à des travailleurs intérimaires en lieu et place des salariés de l’entreprise : Ceux qui sont applicables après un licenciement économique , pendant une année, pour les postes concernés par le licenciement.
Au-delà de ces dispositions, la vocation première du législateur marocain est d’empêcher que le recours au travail temporaire ne devienne un mode normal de gestion des emplois.
-II : le régime des pays européens :
Le régime Français est le plus sophistiqué. L’article L.1251-5, alinéa premier du code du travail Français pose un principe général de recours : « Le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ».
Différents critères ont été dégagés par les juges Français pour apprécier le caractère durable ou non durable de la relation de travail : Le premier procède de la succession de contrats du même type sur le même emploi . L’emploi occupé n’est plus temporaire lorsqu’il « se prolonge et survit au départ du salarié temporaire » . Ainsi, le caractère durable des tâches peut se dégager du recrutement prolongé d’une même personne ou de recrutement successif de plusieurs personnes, et aussi celui qui tient dans le rapport volume/fréquence d’un tel recrutement. Des juges du fond ont relevé que « pour un constructeur de véhicules automobiles, la fabrication et l’offre au marché de nouveaux modèles s’inscrivent dans l’activité habituelle et ne constituent pas une situation occasionnelle précisément et temporairement limitée » .
Ainsi, quand, durant toute l’année, le pourcentage moyen de l’effectif intérimaire dépasse 30 % de l’effectif total, il est difficile de qualifier de temporaire le surcroît de travail.
Un autre critère se dégage du caractère durable et constant de l’activité. Le caractère durable de la tâche est directement lié au caractère durable de l’accroissement d’activité. C’est pourquoi les juges du fond doivent « rechercher quelle a été l’évolution du volume de production de l’entreprise et les modifications éventuelles de conditions de cette production » . Le recours au contrat précaire est une solution provisoire qui doit continuer à répondre au « principe de subsidiarité » .
En outre, la loi Autrichienne de 1988 régissant l’intérim prévoit « qu’en aucun cas, il ne peut être recouru à l’emploi temporaire pour réduire l’effectif du personnel permanent de l’utilisateur ».
Ainsi, la loi Luxembourgeoise sur le travail temporaire prohibe de recourir à l’intérim pour répondre à des demandes de main-d’œuvre permanente.
Pour conclure, on déduit de ces réglementations européennes de principe général de recours au travail temporaire, la méfiance de ces pays à l’encontre de l’utilisation de cette activité pour des tâches durables. L’interprétation et l’appréciation de ce principe général de recours au travail temporaire, pour des tâches non permanentes, est difficile. On souhaite que le législateur Marocain élucide bien ce principe, et que les agents du contrôle de l’inspection du travail soient vigilants.
Le respect de ce principe d’interdiction de recours au travail temporaire pour pouvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise doit être vérifié en cas d’accroissement temporaire de l’activité comme dans tous les autres cas de recours, et doit être aussi protégé par des sanctions en cas d’abus et de fraudes, à l’encontre des entreprises utilisatrices déloyales.
Au Maroc, les infractions aux dispositions concernant le travail temporaire sont punies d’une amende de 2.000 DH à 5.000 DH .
Mais les sanctions qu’encourent les utilisateurs malhonnêtes, au Maroc, ne permettent pas à notre avis, d’atteindre les objectifs recherchés compte tenu du montant peu élevé de ces amandes.
En France, toute infraction aux dispositions de l’article L.1251-2 est punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30.000 euros .
De plus, d’autres législations des pays européens, qui réglementent les cas de recours au travail temporaire prévoient des sanctions pour le non-respect de ces cas . Les sanctions applicables au cas de recours général au travail temporaire sont les mêmes que celles qui sont relatives aux cas de recours particuliers pour lesquels l’intérim est autorisé.
Enfin, le législateur marocain devrait intervenir en accentuant les sanctions à l’égard des utilisateurs frauduleux, et surtout par des sanctions financières qui peuvent être très importantes pour freiner l’exploitation des travailleurs temporaire.
En plus de ce principe général de recours aux services des entreprises de travail temporaire, le législateur Marocain a établi une liste autorisant le recours au travail temporaire dans des cas bien déterminés.