Les enjeux islamistes de défense des critères identitaires de la nation
Abdellatif BENBOUNOU, professeur de sciences politiques à l’Université Hassan premier -Settat
Introduction
Par sa racine latine, le mot « nation » désigne une communauté dont les membres ont une même origine [[1]] . « Sieyès l’envisage comme un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par le même législateur. Pour, lui, la nation est donc le « Tiers état», c’est-à dire tous ceux qui n’ont pas de privilèges et qui forment, de ce fait, une communauté d’égaux. Mais il ajoute que la nation constitue aussi un ensemble d’hommes libres qui décident eux-mêmes, en toute indépendance, de leur vie commune. Enfin, la nation est une seule entité, elle est indivisible, c’est la volonté collective d’exister comme peuple souverain[[2]] ». La liberté et l’égalité de citoyens sont des critères fondamentaux qui caractérisent la nation. « Mais il faut aussitôt ajouter que, d’emblée, la « liberté » pour une nation, signifie qu’elle dispose du pouvoir d’état. C’est en ce sens qu’elle constitue un « peuple souverain », expression qui illustre parfaitement les liens entre nation et citoyenneté [[3] ».
La conceptualisation du mot s’inscrit dans le registre du vocable revendicatif. Le combat de la souveraineté de peuple marque le débat de l’ère des mobilisations politiques modernes. Les militants doivent avancer des arguments légitimant la souveraineté du peuple au nom duquel ils parlent. « Ce qui suppose des critères pour distinguer ceux qui font partie du « peuple » national et ceux qui en sont exclus. La dimension identitaire est donc inhérente au concept de nation…[[4]] ».
Il reste alors une stratégie fondée sur l’irréductibilité de l’identité, mais celle-ci est pour le moment, imprécise et les groupes islamistes se sont approprié cette question, en se contentant de soutenir qu’il suffit d’appliquer les vertus coraniques de justice et d’équité[[5]] .
Les masses visent l’égalité et la justice qu’elles ont cru trouver dans le nationalisme arabe surtout à l’époque de Nasser. Aujourd’hui, l’Islam leur paraît la meilleure façon de défendre leurs intérêts de classe et leur existence même[[6]] .
Les islamistes qualifiés de « réformistes » ne sont pas totalement opposés au développement et aux valeurs progressistes. Ils militent pour que les valeurs islamistes soient vraiment respectées car elles donnent un sens à ce qui fait l’identité de la nation. Leur action tend à sélectionner ce qui est conforme à l’Islam sur le plan social et à condamner ce qui ne l’est pas.
La nation est un concept qui occupe une place importante dans le discours des leaders des mouvements islamiques car l’Islam est un élément essentiel d’encadrement de la nation et de préservation de son identité. La nation est un cadre de solidarité, de fraternité et de piété pour les individus. Ce concept revêt une valeur extrêmement importante dans le discours politique des militants islamistes. Il est fondé sur les intérêts communs des individus. Quels sont donc les critères d’appartenance à la nation que les islamistes marocains défendent ? Avant de répondre à cette question, nous nous devons de chercher comment les premiers fondateurs du mouvement islamique dans le monde arabo-musulman ont forgé le concept de la nation musulmane.
A-La croyance, critère essentiel de la formation de la nation chez les premiers leaders du mouvement islamique dans le monde arabo-musulman
Lors de la première période d’apparition du mouvement islamique dans le monde arabo-musulman, ses théoriciens ont développé une conception spécifique de la nation musulmane en se basant principalement sur le critère religieux. Contrairement aux anthropologues qui définissent la nation au travers de son identité culturelle, que ce soit au niveau de la langue parlée, de la religion, de l’histoire et des coutumes[[7]] , les leaders religieux du Mouvement islamique dans le monde musulman font exclusivement référence à l’élément religieux pour qualifier la nation comme un tout organique qui transcende les membres qui la composent.
En effet, Sayed Qotb et Hassan Al-Banna ont fait un compromis au niveau de la conception de l’État et de la nation. La croyance est le pilier de la formation de l’État et de la nation. Pour Sayed Qotb, la nation musulmane est l'ensemble des êtres humains dont la conception du monde, les modes de vie et les valeurs sont fondés sur l'Islam. Les prescriptions islamiques orientent le comportement du musulman. La vie d'un groupe d'individus formant une communauté est encadrée par les principes religieux émanant de l’Islam.
Les critères de la nation dépassent les limites du sol, de la région et de la géographie ou de la communauté ethnique. La nation musulmane n’émane pas d’une évolution historique normale, imposée par des données géographiques et naturelles. L’existence de la nation musulmane est liée à l’Islam destiné à la formation de l’umma, directrice de l’humanité, pour éviter tout égarement possible[[8] . Ces théoriciens ont été désespérés du rôle médiocre que joue la nation arabo-musulmane. Elle a abandonné sa mission de diriger pour se contenter d'imiter et de suivre les autres nations, dites égarées.
Pour Sayed Qotb, la référence religieuse est toute nécessaire pour fonder une nation. Ce lien joue un rôle de cohésion et de solidarité entre les membres de la nation. Le sol, l’appartenance ethnique, la langue, la filiation et les intérêts matériels, aussi intéressants soient-ils, ne peuvent suffire pour former une nation. Ainsi donc, la croyance est la condition primordiale pour fonder une nation[[9]] . La nation dans la conception imaginaire de Sayed Qotb, est un groupe formé d'individus liés entre eux par le lien de croyance divine. Le lien de croyance chez Qotb est supérieur aux autres liens ; ceux du sang, de la couleur de peau, du sexe, de la langue et de l’appartenance ethnique. La conception de la nation n’a rien à voir avec le nationalisme et le patriotisme tels qu’ils sont définis en Europe. Pour lui l’Islam est la patrie, son territoire est Dar Al-Islam.
La patrie que le musulman défend n’est pas une partie du territoire. La nationalité du musulman au travers de laquelle il se reconnaît n’est pas la nationalité d’un pouvoir. L’identité du musulman n’est déterminée ni par le lien du sang ni par le lien national[[10]] . Le nationalisme islamique voulu, est basé sur des idées communes de référence islamique.
Sayed Qotb qualifie la nation musulmane de meilleure nation. Elle est la nation du Prophète Mohamed. Elle est en ce sens la meilleure des nations, car elle se rapproche du bon. Sa vocation est de mener les gens vers le chemin de l’Islam, tel qu’affirmé dans ce verset coranique « Vous étiez la meilleure nation surgie à l’humanité[[11]] ».
Puisque le critère de la nation musulmane est d'être la meilleure des nations, elle se doit d'assumer sa responsabilité de diriger les autres nations. Le rôle de l’Islam est clair et préétabli. Il prône l’émergence d’une nation, laquelle selon les références de l’Islam, assume la direction de l’humanité. La nation musulmane doit être consciente de sa mission avant-gardiste. Etant la meilleure, il lui incombe de diriger la nation. Sayed Qotb constate qu'il y a bien des entraves empêchant la nation musulmane de mener à bien sa mission de faire avancer l'humanité. Pour qu'elle reprenne son rôle historique, Sayed Qotb met en valeur la croyance et la méthodologie, deux éléments favorisant la vraie orientation que doit prendre l'humanité au-delà du progrès technique qu’elle vit.
La nation musulmane a subi, depuis plusieurs siècles, une rupture fonctionnelle au niveau de son rôle[[12]]. Par conséquent, une résurrection islamique devient obligatoire afin de pouvoir lui rendre sa mission qui est de diriger les nations. Pour réaliser cet objectif, un groupe avant-gardiste musulman doit se former et peut trouver, pour cela, son inspiration à travers le livre Ma’alim Fi al- Attariq (Jalons sur le chemin).
Les principes de formation et d’encadrement de ce groupe islamique sont puisés dans une référence propre, celle de la croyance inspirée du Coran et de la Sunna. La nation musulmane n’est pas un idéal mais une réalité encadrée par la croyance religieuse. Elle est concrétisée par les compagnons du prophète qui ont reçu et appliqué le message coranique. C’est une génération unique bien distinguée dans l’histoire toute entière de l’Islam et de l’humanité. La nation n’a plus jamais été capable de former un groupe tel que celui de la première génération.
Le concept de la nation a une place très importante dans les théories philosophiques et politiques. Pour Baker Assadr le théologien et philosophe chiite, le concept de la nation est structuré à travers sa lecture du Coran. Selon lui, la nation est la réunion du groupe sur l’idée de la croyance en Dieu. La nation est donc l’ensemble des gens qui croient à Dieu et au prophète en acceptant la soumission aux lois révélées. Selon l’interprétation qu'a Baker Assadr du Coran, la nation, au tout début de l'humanité était unique. Les individus, à cette époque, ne sont préoccupés que par les besoins simples de la vie et forment une unité sur la base de concepts primitifs. Cette conception de la nation qui est fondée sur la croyance religieuse et sur la foi, semble commune avec la vision qu’en ont Sayed Qotb et Hassan Al-Bana. Chacun s'accorde pour dire l'importance qu'a l'élément religieux pour former une nation ayant pour objectif de diriger et d'orienter l'humanité. Ceux qui suivent les messagers de Dieu sont les alliés d’une religion unique et forment une seule nation qui peut diriger l’humanité vers une vérité absolue[[13]] .
D’après ces auteurs, il apparaît que la nation fonde sa renaissance sur la base religieuse et sur des principes n’ayant aucun rapport avec la civilisation moderne ou occidentale[[14]] . Selon Baqer Assadr, la nation musulmane englobe tous les peuples de confession musulmane comme une croyance qui lui octroie une originalité civilisationnelle la distinguant des peuples d’autres civilisations mondiales. Selon ses capacités, la nation musulmane est capable d’assumer son rôle historique[[15]] . Cette même référence religieuse agit comme un ciment pour assurer l’unification des peuples de la communauté musulmane.
B-Référence à l’Islam : cadre de l’unicité de la nation et de la consolidation de l’identité
Il y a lieu de clarifier la notion de nation dans l’imaginaire des leaders des mouvements islamiques au Maroc. Quelle est leur conception politique de la nation et quels sont les critères fondamentaux sur lesquels ils se basent pour déterminer une conception générale de la nation? Se réfèrent-ils à la religion islamique ou à la langue ? Au territoire national ou à celui du monde musulman ?
Le groupe de « Réforme et Renouveau » a fait recours à la description coranique de la nation pour mobiliser la société marocaine. En vue de réformer la société, le groupe a publié un communiqué dans lequel il demande aux croyants de se mobiliser et de faire un effort de prédication générale, conformément à la parole de Dieu qui déclare ce qui suit «Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes : vous ordonnez le convenable et vous interdisez le blâmable[[16]] ». Ce communiqué a été considéré comme une lettre ouverte aux individus, aux familles et aux institutions qui revendiquent la pénitence totale (tawba) et la réforme urgente de toutes les déviations qui menacent la religion.
La référence islamique a une place très importante dans le discours du mouvement islamique, tant l’Islam joue un rôle fondamental d’orientation (Moqawim) de la nation. Il est la condition principale de l’identité et de l’alliance. La nation est le cadre d’organisation des individus qui croient en Dieu, elle devient une conception supérieure mota’âli. Par contre en Occident, la nation est fondée sur l’alliance pour défendre les intérêts temporels communs[[17]] des individus dans la société.
La vision du parti du PJD, à l'origine, est basée sur l'idée que les peuples ne peuvent pas se développer en dehors du contexte culturel et de la référence civilisationnelle historique. Les pro-modernistes ont considéré cette dernière comme un ensemble de techniques et d’idées importées. Une patrie indépendante est un peuple qui compte sur lui-même tout en conservant son identité. Cette vision dite moderne a séparé l’élite moderniste de son peuple car elle a opté pour une modernité qui met en cause l’identité et maintient la dépendance[[18]] . L’islamiste veut être à la fois indépendant et attaché à son identité tout en s'ouvrant sur des domaines qu'il ne juge pas contraires à l'Islam.
Le rôle et la référence religieuse sont constamment discutés et les relations avec les traditions, la langue arabe (ou les autres langues nationales) font l’objet de débats passionnés qui opposent les élites au pouvoir autant que les intellectuels. L’observation et l’étude de ces phénomènes nous mènent à la seule conclusion possible : le mouvement islamique est en face d’un malaise complexe et profond. Ce dernier étant multidimensionnel : culturel, religieux, linguistique, il est donc, a fortiori, identitaire[[19]] .
Signalons, par ailleurs, que les islamistes tentent d'agir et de mobiliser les masses autour du sentiment religieux, car au delà de sa vocation identitaire due à ses ressources symboliques, il a une fonction idéologique éminente circonscrite avec un double objectif. L'objectif est, d’une part de dissoudre les disparités du corps social pour le rendre homogène et unifié et d'autre part, la mission que les islamistes se donnent est de servir en priorité le processus de formation de la communauté politique marocaine[[20]] .
Aussi, les islamistes reprochent-ils aux élites occidentalisées de vouloir ôter à la religion sa fonction identitaire et de remettre en cause l’Islam politique comme source de toute autorité[[21]] . Le mouvement islamique considère que le monde laïc lutte contre la prédominance de l’Islam. Afin de promouvoir l’expansion de l’Islam, les islamistes déploient de gros efforts pour mettre en valeur l’Islam dans la société. Le mouvement participe à la consolidation et à la conservation de l’identité en incitant la société à renouer avec les principes fondamentaux de la religion en luttant contre les comportements qui s'opposent aux valeurs de l’Islam.
Le MUR s’investit pour le triomphe des valeurs de l’Islam. Autant que la renaissance, l'identité a une place primordiale dans la pensée islamiste. Il est infondé de croire à un quelconque désintéressement de ce mouvement pour la renaissance et le développement à tous les niveaux de la vie humaine. Il accorde cependant plus d'importance au retour à la religion et à l’attachement du peuple marocain à l’identité musulmane.
L’application de la religion au niveau de l’État et au niveau de la nation constitue le pilier fondamental de l’action du mouvement de « l’Unicité et Réforme[[22]] ». De plus, la loi fondamentale du mouvement considère que la réforme des aspects de la société ne peut être réalisée que conformément aux valeurs de l’Islam et de la charia. Ceci est considéré comme l’un des objectifs de l’unification du mouvement[[23]] .
Les dirigeants du MUR soulignent qu’ils sont en présence d'un conflit entre deux partis qui s'opposent sur la question de l'identité. L'un revendique une identité rigide et restreinte qui n’accepte pas l’Ijtihad et l'autre, une identité laïque. Concernant les membres de ce deuxième parti, certains refusent farouchement la civilisation musulmane alors que d'autres optent pour une identité du juste milieu.
Le MUR a pour objectif l’application de la religion musulmane à tous les niveaux, que ce soit au niveau individuel, familial, sociétal étatique et national, et voudrait coordonner cette ambition avec d’autres mouvements et courants politiques. Il désire aussi collaborer dans le cadre de la défense des affaires communes, comme par exemple, concernant le soutien au peuple palestinien et au peuple irakien.
Le MUR et le PJD recourent à la référence religieuse pour sauvegarder l’identité islamique de la société marocaine. En effet, le MUR lutte contre toute menace de l’identité islamique du Maroc. Dans un communiqué, le bureau exécutif du Mouvement de l’Unicité et de la Réforme a affirmé ce qui suit « La référence islamique compte parmi les principes fondamentaux de l’État marocain. Elle en constitue une caractéristique spécifique, ce qui nécessite de la renforcer et non de la marginaliser ». Le communiqué soutient que « la révision constitutionnelle doit maintenir clairement l’appartenance du Maroc à la nation arabo-musulmane comme caractéristique historique et stratégique ». Le bureau exécutif souligne que toute tentative d’affaiblir cette dimension d’appartenance à la nation musulmane ne rend service qu’aux ennemis de la nation. En outre, les membres de ce bureau incitent les oulémas, les savants et les instances politiques et civiles qui estiment le rôle de l’identité islamique dans la lutte contre toute menace potentielle à cette identité nationale.
Le bureau exécutif du MUR s'est réuni le 11/06/11 pour étudier l’orientation idéologique de certaines composantes de la commission de révision de la constitution. Il rappelle avec insistance les points suivants :
La codification de l’aspect islamique de l’État marocain dans la constitution. Cette dimension demeure l'une des principales constantes sur lesquelles les marocains ont toujours été en accord au cours de l'histoire. La référence islamique fait partie des principes fondateurs de l’État marocain qui nécessitent d'être consolidés.
La révision constitutionnelle doit conserver clairement l’appartenance du Maroc à la nation arabo-musulmane, qui en est une caractéristique historique et stratégique. Toute tentative d'affaiblir cette dimension d'appartenance à la nation musulmane ne fait que servir les intérêts des ennemis de la nation.
Le Maroc a toujours été un pays de tolérance qui garantit la liberté de culte. Le MUR appelle à lutter contre ceux qu'ils nomment les mouvements intégristes laïcs qui défendent le droit à l'homosexualité. Les leaders du Mouvement considèrent cette liberté sexuelle comme une dérive ayant pour effet d’ouvrir les frontières aux mouvements libéraux occidentalisés qui menacent l’unité du Maroc et des marocains et l’identité nationale. Les questions de référence et d’identité sont des questions qui intéressent tous les marocains.
C-Protection des critères identitaires diversifiés de la nation et respects des droits des minorités
a-Protection de l’identité de la nation
Quel type d’identité défend le mouvement islamique au Maroc ? On ne peut nier le caractère religieux de l’identité marocaine que le MUR prétend défendre. Il considère que la religion a pour rôle la consolidation de la solidarité des tribus qui composent le peuple marocain. Comme nous l'avons signalé ci-dessus, les islamistes souhaitent l'épanouissement de la société marocaine dans le cadre de la référence à l’Islam. Ceci n'est cependant pas la seule condition d'appartenance à la nation. D’autres conditions doivent être prises en considération selon un ordre de priorité que chaque mouvement s'est donné.
Au-delà du monde arabe par contre, l’islamisme s’est construit en décalage par rapport à une identité de la reconstruction politique du lien national par l’islam et non par la référence ethnique et dans le sens d’une ethnico-linguistique[[24]] .
Le MUR a exigé lors de la préparation de la nouvelle constitution, la disposition d’un article constitutionnel qui stipule que la langue arabe est une langue officielle du pays. Par ailleurs, il recommande que des mesures soient prises afin de renforcer l'usage de l'arabe dans l’administration marocaine et le système éducatif national. C’est pourquoi, il accorde une importance privilégiée à l’éducation qui doit être un instrument politique contribuant à injecter l’esprit d’une identité nationale[[25]] .
Notons qu’en 2007, le PJD a mené sa propagande électorale sous le slogan : « consolidation de l’identité islamique du Maroc » comme étant le fondement de ses priorités concernant la religion au lieu de mentionner la charia comme cadre de référence islamique.
De plus de l’élément religieux composant l’identité du peuple marocain, on constate que le groupe islamique étudié a concédé qu’il y avait accepté d’autres aspects qui forgeaient l’identité de la société marocaine. Ainsi, il est désormais en accord avec le choix identitaire officiel de l’Etat marocain. En effet, le Maroc a opté pour la consolidation d’une identité culturelle diversifiée. La nouvelle Constitution de 2011 stipule que le Maroc est un État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale. Le royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale qui est indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazigh et saharo-hassani, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen[[26]] .
La nouvelle constitution a mis fin à la discussion autour de l’adoption officielle de la langue arabe et amazigh en stipulant dans son article 5 que l’arabe demeure la langue officielle de l’État. L’État œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son usage. De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun propre à tous les marocains sans exception.
Pour que la langue amazighe obtienne un aspect officiel au niveau national, il faudrait élaborer une politique publique pour sa diffusion. Pour cette raison, on prévoit qu’une loi organique définisse le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue, ainsi que les modalités de son intégration dans l’enseignement et dans les domaines prioritaires de la vie publique, et ce, afin de lui permettre de remplir à terme sa fonction de langue officielle.
Mustapha Rammid, constatant que la langue amazigh, n’est pas encore maîtrisée par la majorité des marocains, elle ne peut pas, selon lui, devenir la langue officielle, en tous les cas, pas dans l'immédiat. Pour cela, il faudra attendre sa plus large diffusion au sein de la société. La nouvelle constitution a considéré que la langue amazigh était officielle, cependant, elle a mentionné, en guise de rattrapage, dans l'article 5, qu’un décret va déterminer les étapes de sa mise en œuvre, en commençant par l'intégrer dans l'enseignement afin qu'elle obtienne le véritable statut de langue officielle.
Puisque l’État marocain a pour but d'unifier toutes les composantes culturelles de la société marocaine, sa nouvelle constitution a confirmé cette volonté en soulignant que l’État doit veiller à la préservation du Hassani, qui doit faire partie intégrante de l’identité culturelle marocaine unie, ainsi qu’à la protection des expressions culturelles et des parlers pratiqués au Maroc. De même, il veille à la cohérence de la politique linguistique et culturelle nationale et à l’apprentissage et la maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde. Elles doivent devenir des outils de communication, d’intégration et d’interaction avec la société du savoir. Ainsi que d’ouverture sur les différentes cultures et sur les civilisations contemporaines.
Pour ne pas laisser régner de divergence entre les acteurs culturels représentant les différents types d'ethnies culturelles et linguistiques, la constitution a déclaré la création d’un Conseil national des langues et de la culture marocaine, chargé notamment de la protection et du développement des langues arabe et amazighe et des diverses expressions culturelles marocaines, qui constituent un patrimoine authentique et une source d’inspiration contemporaine. Il regroupe l’ensemble des institutions concernées par ces domaines. Une loi organique en détermine les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement[[27]] .
Pour réaliser les objectifs mentionnés ci-dessus, il faut tenter de convaincre et collaborer avec tous les acteurs et les institutions détenant un pouvoir politique. C'est la raison pour laquelle le mouvement doit avoir une vision politique claire pour déterminer les types de rapports avec les acteurs et les éléments qui composent le champ politique[[28]] . Cette orientation politique du mouvement a pour but de déterminer les principes généraux du chemin politique qui mène à la consolidation d’une identité islamique car il s’agit d’un mouvement prédicateur globalisant[[29]] . Il considère, aujourd’hui, que l’identité marocaine s’expose à une résistance considérable à toute politique qui vaudrait :
Exclure la charia de la vie publique et réduire son application au seul domaine du statut personnel.
Favoriser la tendance laïque.
Favoriser le bilinguisme pour le compte de la culture francophone qui menace notre identité.
Remettre en cause notre patrimoine, notamment l’originalité du patrimoine arabe ».
Une vraie libération, une marche vers la dignité et la démocratie exigent un « soulèvement culturel », avec toutes les dimensions de ses expressions populaires, artistiques, intellectuelles et religieuses[[30]] .
La culture est un horizon de sens. Il s’agit donc de célébrer tout ce qui fait sens dans le patrimoine culturel et traditionnel[[31]] .
Affirmer sa culture, sa mémoire et son identité, c’est affirmer qu’elles font sens et qu'elles s’octroient les moyens de répondre aux défis de l’époque moderne. S’affirmer, c’est devenir un sujet, responsable de son cœur, de son corps et de son esprit autant que de ses semblables, de sa société ou de la nature. L’impératif de cohérence est sans appel. Il est la condition sine qua non de bien-être et de vraie liberté. Les sociétés occidentales font aujourd’hui le compte des déficits qui les habitent et qui minent les principes de la démocratie par l’entretien d’une culture de l’insécurité et de la peur. L’insécurité de l’esprit est le miroir négatif de la paix du cœur. Les sociétés arabes vivent ces mêmes crises, certes différemment, mais avec la même intensité.
Il s’agit ici du malaise de l’incohérence, et toutes les réformes et libertés politiques imaginables ne régleront pas ce mal-être qui mine l’Orient comme l’Occident[[32]] .
Les islamistes du PJD défendent l'idée selon laquelle qu’il ne faut pas remettre en cause l’identité du peuple marocain. Selon eux, les revendications du printemps arabe ne concernent pas la référence identitaire des marocains. Cette question d'identité doit rester en dehors des débats. Les efforts doivent être consacrés à la démocratisation des pays en vue de fonder un État démocratique. Il ne faut pas s’étendre sur ces questions d'identité qui pourraient déclencher des controverses inutiles. Certains ont voulu exploiter le printemps arabe pour faire émerger d'une nouvelle identité marocaine. La réplique des courants de référence islamique s’est clairement manifestée à travers leur opposition partagée par d'autres mouvances aux réactions plus ou moins similaires.
En effet, lors des manifestations, les revendications ne portaient pas sur la religion. Les gens tenaient juste à voir leur société évoluer en accord avec les défis des temps modernes, tout en préservant les liens avec la tradition.
« La référence islamique leur paraît être ce qui va lier les peuples musulmans et leur permettre de se libérer du joug des colons : il s’agit de revenir au Coran et à la tradition islamique riche et ouverte, avec l’usage du raisonnement légal indépendant (ijtihâd) ; de se réapproprier les langues nationales (turque, arabe ou autres) ; d’éduquer les peuples à partir de leurs références en y mêlant le savoir scientifique et la philosophie ; de refuser la division des nations musulmanes ; et enfin, de lutter contre la colonisation culturelle autant que politique[[33]] ».
On parle de la nation marocaine et non pas de la nation arabo-musulmane ; cette nation qui choisit ses représentants, qui doit s’exprimer soit par le biais de référendums, soit par ses représentants. Celle qui pourrait entretenir de bonnes relations avec les pays de l’Occident et de l’Afrique. Le Maroc a suivi une politique d’ouverture envers tout le monde. Chaque pays du monde a un rapport avec le Maroc par le biais des institutions internationales régionales comme l’Organisation du Congrès Islamique. Il n’y a pas une priorité du rapport étatique en faveur d’un État du monde arabo-musulman. « Notre sympathie avec l’Egypte n’est pas liée au fait que les Frères Musulmans étaient au pouvoir mais parce que la légalité institutionnelle a été menacée. Nous aurions adopté la même attitude s'il s’agissait d'un élu gauchiste ou libéral[[34]] ».
La priorité du mouvement islamique est de défendre les principes universels. Nous exprimons notre réserve à l’égard de ce qui contredit la religion, c'est, par ailleurs, ce qu'a fait l’État marocain lors de sa ratification des traités internationaux. Le Maroc a son identité historique que nous sommes tenus de respecter et de sauvegarder tout en restant ouverts aux autres cultures.
b-Droits des minorités et différence culturelle
Le courant islamiste réformiste soutient l’idée selon laquelle la nation musulmane englobe tous les citoyens sans prendre en considération leurs croyances religieuses. Cette tendance est basée sur la civilisation et non sur la conviction religieuse. Cela permet au citoyen non musulman d’adhérer à la nation et de participer à l’élaboration de la culture et de la civilisation nationale. Ainsi la discrimination sociale n’existe pas en Islam depuis que les Arabes ont reconnu les non-arabes comme étant leurs égaux, même si la littérature arabe médiévale a parfois évoqué la couleur de la peau dans certains écrits.
Le mouvement islamique marocain croit en un Islam unique, une diversité d’interprétations et une pluralité de cultures : c’est exactement ce que l’on entend par le concept de « civilisation islamique ». Une diversité d’interprétations, d’expressions culturelles et artistiques nourries et influencées par le même corps de références et de valeurs. La « civilisation islamique » est donc cette unité de la référence religieuse fondamentale exprimée de façon diverse à travers les âges, les intelligences et les cultures[[35]] .
L’orientation d’égalité et d’éthique offerte par l’Islam aspire au respect de la dignité de l’homme : « Nous avons certes octroyé une dignité à l’être humain[[36]] ». Il s’agit de tous les êtres humains, femmes ou hommes, riches ou pauvres, noirs ou blancs, musulmans ou non. C’est le principe fondamental premier de la justice sociale qui repose, en pratique, sur deux exigences : l’égalité des droits et l’égalité des chances. Ces deux types d’égalité ne sont pas identiques et la première n’est rien si la seconde n’est point considérée et assurée. Il faut commencer par l’éducation, l’égalité sociale entre femmes et hommes (mêmes droits, mêmes opportunités, mêmes salaires pour les mêmes compétences, etc.), la protection des libertés (religieuses ou philosophiques, d’expression et/ ou de critiques). Cela vaut pour tous les citoyens, qu’ils soient de confession musulmane, d’une autre confession ou sans confession religieuse : le principe de la « non-contrainte en matière de religion[[37]] » doit inspirer l’État, comme le doivent les droits humains[[38]] , et s’appliquer à tous, sans distinction. Au cœur des réalités sociales, la gestion du pluralisme religieux se nourrit des dynamiques internes des religions elles- mêmes, et celles-ci ne peuvent être et s’épanouir, voire se répondre, dans un espace libre et sans contrainte que par la force de la cohérence et de la persuasion ; jamais par l’imposition rigoriste ou l’interdit [[39]] ».
Les islamistes sont unanimes sur le fait qu'un non musulman a le droit de croire en sa religion ou d'en changer, si cela ne porte pas atteinte à l’ordre public. Cependant, ils ne sont pas tous d'accord concernant la liberté de conscience pour les musulmans. Beaucoup d'islamistes estiment que le musulman n'a pas le droit de changer de religion (Haq rida). Ils jugent cet acte passible de la peine de mort, en référence aux textes religieux. Pourtant, parmi eux, des voix réclament l'annulation de la peine de mort dans ce cas précis. Pour ces islamistes, le crime de « ridda » dans les sociétés musulmanes n’est pas un crime lié à la conscience mais comme un délit politique. Par ailleurs, le Prophète a appliqué cette sanction non en tant que Prophète prédicateur mais en tant que chef politique jugeant un acte politique.
La référence islamique joue un rôle quant à l’orientation éthique (au nom de la fidélité aux objectifs de justice, d’égalité, de liberté et de dignité). « Si la référence à l’Islam a un sens, c’est justement qu’elle doit être une invitation à se réapproprier le sens et à ne pas transformer l’Islam en une expression formaliste fondée sur le rituel ou en un instrument de culpabilisation et d’oppression (réel ou symbolique), voire d’infantilisation mystique. L’Islam doit être pensé au cœur de la richesse des cultures qui, en tant que systèmes de valeurs, façonnent des identités collectives, des goûts, de l’imaginaire, de l’art et des finalités éthiques que les peuples doivent explorer à nouveau, exploiter et développer davantage. Le monde arabe et majoritairement musulman sera le premier responsable du succès ou de l’échec de cette aventure. Il a les moyens de ses rêves et, en main, les rênes de son destin[[40]] ».
« La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde[[41]] ».
La définition de l’identité marocaine dans la nouvelle constitution rappelle les principes et valeurs africaines hébraïques andalouses, sahariennes et méditerranéennes avec une adhésion aux valeurs universelles qui ont consolidé la culture des droits de l’homme au niveau mondial.
Les cultures, tout comme les religions qui les façonnent et les nourrissent, sont des systèmes de valeurs, un ensemble de traditions et d’usages qui, autour d’une ou de plusieurs langues, offrent du sens : à soi, à la présence, à la collectivité, à la vie. Les cultures ne sont jamais uniquement des constructions intellectuelles : elles se façonnent à travers les intelligences et les mémoires collectives, la psychologie et les émotions communes, les communions spirituelles et/ou artistiques. Les soulèvements arabes ne doivent pas ignorer ces dimensions fondamentales de la liberté et de la libération des individus et des sociétés[[42]] .
d-Rapport entre les nations
Dans son livre, Moqria Abouzaid a mentionné l'espoir qu'il avait de voir se réaliser le grand projet islamique qui réaffirme la place importante de la religion dans la société, par l’application de la charia et par la lutte contre la corruption en faisant régner la khilafa[[43]] . Il espère l’unification des mouvements islamiques afin, qu'ensemble, ils deviennent un seul mouvement dirigé par un leader unique sur le plan national. Enfin, et en attendant que les conditions soient propices, il espère l’unification des mouvements islamiques au niveau de la nation « umma »dans le but d’instaurer un califat de Tanger à Jakarta.
La valeur de la nation arabo-musulmane est basée sur le rôle qu’elle pourrait jouer entre les nations. La mission de la nation est de veiller au rayonnement de la religion tout en la protégeant. Elle a, de surcroît, le rôle de lutter contre la diffusion du mal et de maintenir le bon. Ce n’est pas le rôle principal de l’État, mais cela relève de la mission de la nation (Umma). Cependant, Ahmed Raissouni souligne l’idée d’ouverture de l’Islam sur la culture de l’autre. Cela n'est pas impossible, car l'Islam peut s'adapter aux autres cultures et civilisations. L'Islam est une grande religion, qui reconnait les différences existantes ou celles susceptibles d’apparaître. Avec la Charia, elle peut s'ouvrir à tous les peuples et à toutes les cultures, et à toute initiative intellectuelle et philosophique de l’homme telle que les courants de pensée connus dans l’histoire du monde arabe.
La création des mouvements islamiques a pour but de réaliser des objectifs nationaux. Il est justifié que la préoccupation des islamistes soit de rendre service au pays auquel ils appartiennent. En effet, la nature humaine « al fitra » incite les hommes à aimer et faire le bien en priorité envers leur patrie et envers le peuple auquel ils appartiennent. Les premiers à bénéficier des dons sont les proches, car de par sa disposition naturelle, l'humain pense d'abord à sa famille, à ses amis et à ses voisins, quand il s'agit d'actes de générosité et de bienfaisance. Ceci est conçu en Islam comme un principe naturel.
L’attitude du mouvement islamique envers l’Occident, se subdivise en deux courants. Le premier adopte une vision simpliste qui considère que l’Occident n’est qu’une invasion militaire et l’exploitation économique du monde musulman, l’impérialisme et l’occidentalisation sont des maux[[44]]. Cependant, le deuxième courant considère qu’il est important de comprendre l’Occident et d’assimiler sa civilisation, ses techniques et son développement. Blâmer l’Occident est inutile et contre-productif.
Puisqu’il conteste l’impérialisme politique et économique, le mouvement islamique conteste également l’invasion culturelle qui tend à imposer des modes de vie, des habitudes, des perceptions et des valeurs qui respectaient rarement les sociétés dominées et se permettaient une main mise sur les esprits telle une véritable colonisation des intelligences.
Les États-Unis comme l’Europe continuent, par la voie de leurs gouvernements et de leurs intellectuels, de penser le monde arabe et les sociétés majoritairement musulmanes soit comme d’anciennes colonies, soit comme des nations historiquement (et financièrement) endettées, soit enfin comme des pays vis-à- vis desquels il importe de maintenir un rapport de dépendance idéologique et économique protégeant les besoins du Nord. On peut bien parler d’un monde multipolaire, du pluralisme des civilisations, des cultures et des religions, ou encore célébrer l’égalité et la paix, force est de constater que les termes de l’échange-non point seulement du point de vue économique, mais également idéologique et symbolique sont inégaux, inéquitables et maintiennent l’Orient et le Sud dans un rapport de dépendance et de domination. La remise en cause des rapports de domination et de pouvoir ne se fera pas au gré des États occidentaux dominants; c’est surtout le déplacement du centre de gravité de l’ordre économique mondial qui pourrait imposer à l’Occident de reconsidérer sa relation au monde arabo-musulman[[45]] .
L’islamisme politique milite pour une reconnaissance aux peuples du sud la capacité de produire, à partir de leurs référents, de nouveaux modèles de démocratie et de gestion du pluralisme, un nouveau type de relations internationales dans l’ordre politique et économique global des rapports Sud-Sud et Sud-Nord qui pourraient mettre fin aux monopoles présents de l’Occident en essayant d’instaurer les finalités de l’éthique sociale, politique et économique. Reconnaître ce capital collectif, implique de cesser de projeter et d’imposer un système de rapports qui glorifie l’Occident et ampute les autres civilisations de leur potentiel créatif. En d’autres termes, il faut accepter d’être bousculés, interpellés, voire défiés quant à la marche vers l’avenir et au sens de l’Histoire[[46]] .
Le PJD revendique tout d’abord l’unité nationale puis l’unité maghrébine. Actuellement, il est nécessaire d’établir des liens de collaboration économique avec les pays voisins et notamment ceux du Maghreb Arabe car l’époque contemporaine est propice à la formation des unions étatiques de solidarités régionales[[47]] .
Des contraintes au niveau international perdurent et chaque État a des engagements précis envers des autres organismes mondiaux. Prenons l’exemple de l’Egypte : comment peut-on réaliser l’unification si certains pays du Golf soutiennent le coup d’État militaire en Egypte et que d’autres le contestent, comme le Qatar et la Turquie? Les attitudes politiques des États diffèrent. Au Maroc, le problème de l'unité territoriale n'est toujours pas résolu, malgré les efforts, au travers d'échange d'aimables courriers, des deux chefs d’États du Maroc et de l’Algérie. Il y a des traités, des conventions internationales à respecter. La question des rapports entre les États n’est pas soumise au principe de la priorité. Elle est gérée par les intérêts réciproques dans les domaines économiques, politiques et culturels entre les États. On ne peut marginaliser notre rapport historique avec la France.
Les visites des présidents français et du Roi d’Espagne au Maroc sont des messages politiques. L’histoire est bien présente dans la motivation et la consolidation de ces rapports étatiques. La question essentielle est de savoir comment le Maroc pourrait bénéficier de ces rapports avec ces États pour améliorer le développement du pays. Nous avons un bon rapport économique avec les États-Unis, un statut avancé avec l’Union européenne, de même qu'avec les États arabes, cependant, cela ne se reflète pas de manière positive sur la situation économique. Pourtant, les militants du PJD déploient de gros efforts pour que le Maroc devienne un pays souverain économiquement et politiquement. Prenons l’exemple de la Turquie : quand les États européens ont refusé sa demande d'adhésion à l’Union européenne, elle a développé ses rapports d’échange économique avec les États du monde arabo-musulman, ce qui lui permit par la suite, d'en engranger les bénéfices au niveau économique.
Concernant l’action politique du mouvement islamique et ses rapports avec les nations voisines, Mohamed Al-Hamdaoui affirme que la plupart des mouvements marocains sont créés dans le cadre de l’expérience nationale. Il a déclaré que son mouvement n’était lié à aucune organisation, qu'il était disposé à s’enrichir des expériences d'autres mouvements islamiques du monde, comme par exemple celle des Frères Musulmans ou celle des islamistes salafistes. Le MUR n'est pas une organisation mondiale, son territoire d’action est le territoire marocain.
Quand des membres du Mouvement partent en Europe pour faire des études, leurs actions associatives restent encadrées par la loi des pays de résidence habituelle. Ainsi, ils peuvent collaborer avec d’autres ressortissants de pays arabo-musulmans dans des centres islamiques. Le Mouvement refuse d'être une organisation mondiale qui ait des ramifications dans les pays d’Europe[[48]] .
Bibliographie :
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Qotb Sayed, Ma’âlim fi tariq (Jalons sur le chemin), éd Dar Achourouk, Beyrouth, 1979.
-Suntucci Jean Claude, Etat, légitimité, identité au Maghreb : les dilemmes de la modernité, In Confluences, N°6, Printemps 1993.
[[1]] . Gérard Noiriel, Etat, nation et immigration, éd Gallimard, 2005, p. 133
[[2]] . Ibid, p. 134.
[[3]] . Ibid, p. 135.
[[4]] . Ibid, p. 135.
[[5]] . Bruno Etienne, L’islamisme radical, éd Hachette 1987, p. 113
[[6]] . Ibid, p. 163.
[[7]] . Hassan Rachik, Symboliser la nation, Essai sur l’usage des identités collectives au Maroc, Editions le Fennec, Casablanca (Maroc), Mai 2003, p. 22.
[[8]] . Sayed Qotb, Critères de l’imagination islamique, p.117, In Hossein Saad, Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et la réalité changeante, Centre des Etudes de l’Unité Arabe, Beyrouth, 2005.
[[9]]url:#_ftnref9 . Hossein Saad, Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et la réalité changeante (en arabe), Centre des Etudes de l’Unité Arabe, p. 248.
[[10]] . Sayed Qotb, Ma’âlim fi tariq (Jalons sur le chemin), p. 158.
[[11] . Sourate Al-Baqara, Verset coranique 110.
[[12]] . Sayed Qotb, Ibid, p. 8.
[[13]] . Hossein Saad, Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et le réel, (en arabe) Centre des études de l’unité arabe, p.343.
[[14]] . Hossein Saad, Le fondamentalisme islamique arabe moderne entre le texte constant et le réel, Op.cit., p. 344.
[[15]] . Baker Assadr, L’Islam mode de vie (en arabe), p. 344.
[[16]] . Sourate Al-Baqara (La vache), verset 110.
[[17]] . M’hamed Malki, Les islamistes et le champ politique au Maroc et dans les pays arabes, Ouvrage collectif, travaux d’une table ronde organisée en 21-22 Juin 2007, par le Centre des Etudes constitutionnelles et Politiques en collaboration avec Konrad Adenauer, éd 2008. p. 7.
[[18]] . Saad Eddine Al-Othmani, Religion et politique, distinction sans séparation, Op.cit, p. 43.
[[19]] . Tariq Ramadan, L’Islam et le réveil arabe, Presses du Châtelet, 2011, p. 200-201.
[[20]] . Jean Claude Suntucci, Etat, légitimité, identité au Maghreb : les dilemmes de la modernité, In Confluences, N°6, Printemps 1993, p. 66.
[[21]] . Abderrahim Lamchichi, Pouvoir et religion selon l’Islam, in Le pouvoir des rapports individuels aux relations internationales, Editions, sciences sociales/ouvrage collectif cordonné par : Jean-clause, Ruano Borbalan et Bruno Choc, p. 274.
[[22]] . Charte du Mouvement de l’Unicité et de Réforme : vue politique, 1998, p. 3.
[[23]] . Ibid, p. 3.
[[24]] . Olivier Roy, Islamisme et nationalisme, le Seuil, Pouvoirs, 2003/1, N° 104.
[[25]] . Hassan Rachik, Symboliser la nation, Essai sur l’usage des identités collectives au Maroc, Editions le Fennec, Casablanca (Maroc), Mai 2003, p. 22.
[[26]] . Préambule de la nouvelle Constitution du Royaume du Maroc, promulguée par dahir N° 1.11.91 du 29 Juillet 2011.
[[27]] . Art 5 de la nouvelle Constitution du Royaume du Maroc, promulguée par dahir N° 1.11.91 du 29 Juillet 2011.
[[28]] . Charte du Mouvement de l’Unicité et de Réforme : vue politique, Ed, Top Press, Rabat, 1998, p. 3.
[[29]] . Ibid, p. 3.
[[30]] . Tariq Ramadan, L’Islam et le réveil arabe, Presses du Châtelet, 2011, p. 200.
[[31]] . Ibid, p. 207.
[[32]] . Ibid, p. 208.
[[33]] . Tariq Ramadan, L’Islam et le réveil arabe, Op.cit, p. 113.
[[34]] . Entretien avec Nordine Karbal, Ancien parlementaire du PJD, 8 Août 2013.
[[35]] . Tariq Ramadan, L’Islam et le réveil arabe, Op.cit., p. 112.
[[36]] . Coran, Sourate 17, Verset 70.
[[37]] . Coran, Sourate 2, verset 256.
[[38]] . Nous préférons cette formule proche de l’anglais qui ne distingue pas sémantiquement les genres : elle est, en ce sens, plus explicite que la formule « droits de l’homme ».
[[39]] . Tariq Ramadan, L’Islam et le réveil arabe, Presses du Châtelet, 2011, pp. 182-183.
[[40]] . Ibid, pp. 230-231.
[[41]] . La nouvelle Constitution du Royaume du Maroc, promulguée par dahir N° 1.11.91 du 29 Juillet 20011.
[[42]] . Tariq Ramadan, L’Islam et le réveil arabe, Op.cit., p. 202.
[[43]] . Abouzaid Al-Moqria Al-Idrissi, Le mouvement islamique entre la pensée et le réel, (En arabe) éd An-Najah Al-Jadida, Casablanca, 2002, p. 49.
[[44]] . Bruno Etienne, L’islamisme radical, éd Hachette 1987, p. 117.
[[45]] . Tariq Ramadan, L’Islam et le réveil arabe, Op.cit., pp. 214-215.
[[46]]. Tariq Ramadan, Op.cit., pp. 37-38.
[[47]] . Entretien avec Nordine Karbal, Ancien parlementaire du PJD, 8 Août 2013.
-Entretien avec Mohamed Al-Hamdaoui, (ancien président de MUR), Juillet 2012.