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Règlement transactionnel des litiges douaniers : Selon le code des douanes et des impôts indirects marocain.

     

Docteur EL MENOUALI Fathallah : Doctorat en Droit Privé (droit des affaires) Université de Perpignan – France



Règlement transactionnel des litiges douaniers : Selon le code des douanes et des impôts indirects marocain.

 
Il est sans doute utile de rappeler que le règlement des litiges de dédouanement par voie de justice est d’une extrême austérité, d’une part de la lenteur et de la complexité des procédures judicaires, d’autre par, par le nombre très élevé des infractions douanières déférées devant la justice.

Il est certain que si tous les litiges de dédouanement étaient déférés en justice, les tribunaux seraient vite encombrés et en résulterait des retards importants dans le règlement des affaires sans parler des inconvénients imposés aux prévenus.

Pour pallier tous ces inconvénients, tant moraux que matériels le législateur propose le règlement des litiges de dédouanement par voie de transaction[1] d’une manière rapide et en essayant de tenir compte des circonstances. Cependant, le recours à cette technique amiable n’est pas souvent rentable pour les prévenus puisqu’il est monopolisé dans tous ces aspects par une administration douanière très puissante.


A- Aspects contractuels de la transaction de dédouanement.

Il est admis par une doctrine et une jurisprudence[2] constate que la transaction en matière de dédouanement est soumise en principe aux articles 1098 à 1116 DOC[3]. Suivant la définition de ces articles la transaction douanière se présente comme le contrat par lequel l’administration des douanes et l’auteur de l’infraction conviennent de déterminer une contestation née ou de prévenir une contestation à naître. Tant en ce qui concerne sa conclusion que son exécution cette technique obéit selon la réglementation douanière par des particularités sévères monopolisées par la douane.
Selon les règles générales suscitées par les articles 1098 à 1116 COD, la transaction douanière présente un certain nombre des spécificités relatives aux parties et l’objet.

a- Les parties de la transaction.

Sans conteste, l’administration des douanes[4] a le droit de transiger avec les personnes poursuivies pour infraction de dédouanement soit avant, soit après un jugement devenu définitif avec le jeu des recours ordinaires et/ou extraordinaires, voire à l’expiration des délais de ces recours. Ce droit, ou plutôt ce pouvoir, lui permet d’imposer à des auteurs des infractions douanières, sa loi par des conditions draconiennes. On peut estimer qu’à l’égard à son pouvoir de coercition multiforme et à la menace pénale constituée par le recours immodéré à la contrainte par corps d’obédience judicaire, elle n’hésite pas de le faire comme cela montre des statistiques livrées par elle. [5]
On peut facilement envisager qu’un opérateur économique individuel ou le responsable d’une personne morale fraudeurs occasionnels ou par inadvertance, contrairement à des contrebandiers chevronnés, soient aux abois lorsqu’ils sont menacés d’emprisonnement. Aussi ne pourront-ils que se soumettre aux exigences des agents douaniers et leurs supérieurs fort imbus de la puissance publique bien marquée que leur attribue un législateur déterminé par une conception makhzenienne quasiment aveugle. Si une clémence est parfois indispensable, ce son des fraudeurs corrupteurs qui cherchent à en tirer partie lorsqu’ils ont devant eux des agents et des dirigeants douaniers qui ont minable idée de l’intérêt général. Leurs intérêts propres passent avant celui du public. Dans tous cas, et malgré son abus de pouvoir l’administration douanière reste l’autorité principale compétente pour transiger en matière des litiges liés au dédouanement.
Du côté des personnes poursuivies, la situation est sensiblement plus complexe. Car la détermination des personnes qui prouvent conclure une transaction dépend en effet de considérations juridiques et de considérations de fait.
Du point de vue juridique, en effet, l’article 237 CD, comme nous avons vu auparavant, autorisant « l’administration à transiger avec les personnes poursuivies pour infractions de douane et impôts indirects… », il est admis que cette expression vise aussi bien les auteurs, complices ou intéressées à la fraude que les personnes civilement responsables tels que les cautions et propriétaires de marchandises de fraude ou de moyens de transport dont la confiscation est encourue[6]. Cette règle générale étant posée, il convient dans chaque cas d’espèce de  s’assurer que la personne en question a bien la capacité de transiger, selon les lois du droit commun.
Ainsi le législateur a élargi le cercle de transaction aux commissionnaires, transitaires, et les représentants légaux de société responsables des infractions de dédouanement, ainsi que des personnes frappées de diverses incapacités[7].
Cependant, certaines considérations de fait tendent à limiter le cercle des personnes qui peuvent bénéficier des transactions. En effet, l’administration des douanes n’en réserve la faveur qu’à certaines catégories d’auteurs des infractions de dédouanement, et encoure qu’il s’agisse là de règles qui relèvent plutôt de la coutume administrative que de la loi, il importe de préciser, au moins dans leurs grandes lignes, qu’ils sont les faits qui s’opposent à l’octroi d’une transaction. C’est ainsi que la qualité de récidiviste d’entrepreneur de fraude ou de repris de justice interdit d’espérer une modération des peines encourues. De même, la gravité de l’infraction et les circonstances dans lesquelles a été commise permettent de juger de l’opportunité d’accorder une remise[8]. A cet égard, il va de soi que l’administration des douanes domine le pouvoir de réduire ou d’élargir le cercle des personnes habilitées à conclure une transaction avec elle et selon ses conditions.
D’un autre côté, l’intervention de l’autorité judicaire à la conclusion des transactions reste timide ; puisque le rôle de juge d’instruction et dans le cas où la justice est saisie, et que le bénéficie d’une transaction est sollicité, se limite dans le rôle de donner son avis à l’administration des douanes sur l’opportunité de la transaction. Certes, la douane demeure en toute hypothèse maîtresse de sa décision.
En France, le code des douanes était un peut plus raisonnable quant il a prévu dans son article 350 b, qu’après mise en mouvement par l’administration des douanes ou le ministre public d’une action judicaire, l’administration des douanes ne peut transiger que si l’autorité judicaire admet le principe d’une transaction. En plus, le même article précise que l’accord de principe est donné par le ministre public lorsque l’infraction de dédouanement est passible à la fois de sanctions fiscales et de peines, par le président de la juridiction saisie lorsque l’infraction est passible seulement de sanctions fiscales[9].
En effet, cette disposition, qui vise à associer les autorités judicaires à l’octroi des transactions, soulève sans doute des avantages appréciables aux prévenus puisqu’elle réduite le monopole de la douane sur cette technique. On voit mal en tout cas pourquoi le code des douanes a négligé l’importance de cette disposition et n’as pas pris le chemin de son homologue français, en adoptant l’esprit de collaboration entre l’administration des douanes et les autorités judicaires.   
De toute façon, la décision de cette administration d’imposer aux auteurs de l’infraction de dédouanement un contrat d’adhésion à sa mesure mettre fin à des poursuites judicaires longues et coûteux, malgré que cette transaction ne parait pas répondre exactement aux exigences habituelles posées en matière de dédouanement.

b- L’objet de la transaction.

On n’a pas manqué de relever effectivement que d’un point de vue des principes classiques du droit civil, la transaction en matière de dédouanement ne semble pas répondre précisément aux obligations normalement installées en ce domaine ; particulièrement, il est possible de contester que l’auteur de l’infraction de dédouanement, en acceptant les propositions de l’administration renonce véritablement à un droit, car on ne voit guère quel droit l’infraction a pu faire naître au profit de son auteur[10].
Sans doute serait-il plus exact de voir dans la transaction en matière de dédouanement une institution spécifique par son objet,  Qui est une renonciation à l’exercice de l’action publique. Par ailleurs, la jurisprudence a déclaré fort justement que la transaction est avant tout « une mesure administrative »[11], même si son régime juridique est fixé par les articles 1098 à 1116 DOC.
On peut prévoir, d’un point de vue plus pratique, l’objet de la transaction et pour l’essentiel l’engagement de payer une certaine somme à l’administration des douanes par l’auteur d’une infraction, engagement qui est parfois assorti de certaines clauses particulières.
Cette somme qui peut porter sur des remises partielles ou totales des amendes, confiscations et autres sommes dues, dépend d’une appréciation souveraine de l’administration des douanes dont les critères échappent par nature à une analyse objective. Afin de répondre à l’accusation d’arbitraire, l’administration des douanes s’est toutefois donnée certaines règles flexibles qui peuvent de fait supporter des dispenses dont les raisons restent du domaine du secret de l’administration. Ainsi doit-il être tenu le plus grand compte de la réalité et de la gravité de l’infraction de dédouanement, de la personnalité des auteurs et de ses situations patrimoniales, etc. la seul règle juridique en la matière est que le montant fixé par l’administration des douanes comme somme prévu à payer en cas de transaction ne peut pas jamais dépasser celui de pénalités encourues, ni descendre du droit douanière éludés[12], ceux-ci ayant le caractère d’une imposition publique, à la quelle l’administration des douanes n’a pas le droit de renoncer.
Par ailleurs, et selon l’article 277 du code des douanes, les frais éventuels de la justice (frais d’expertises, transport et escorte des prévenu, etc.) doivent être mis à la charge des prévenus, à l’exception des frais d’avocat. Sans doute ces clauses concernant l’objet de la transaction augmentent les coûts de cette opération pour les prévenus qui sont tenu de verser les sommes portées au contrat, et cela sans délai, à moins de stipulation contraire.
On ne saurait oublier en effet qu’en dehors des problèmes concernant l’objet de la transaction, cette technique peut causer des conséquences plus ou moins fâcheuses envers les auteurs des infractions de dédouanement.

B- Les effets de la transaction.

Quant à ces effets, La transaction s’apparente bien davantage à une décision judicaire qu’à un contrat. D’abord en se référant à la jurisprudence rendue en la matière, deux premiers cas de figure peuvent survenir.
En cas d’une transaction conclue par la douane mais avec ses réserves, la portée de ce règlement amiable est limitée[13]. Cette administration peut encore demander d’autre comptes au redevable insoumis ou impénitent, voire à d’autres personnes qui seront inquiétés.
Par contre, en cas de transaction sans réserve, sa portée s’étend même aux tiers, tels les complices et participants à l’infraction douanière du fait de leur rôle actif, voir passif, dans sa réalisation.
De même, les effets de ce règlement ne se limitent pas seulement à l’action publique, mais la transaction entraîne également la déchéance de l’action civile de la douane faisant logiquement suite à l’action publique conjointe de cette administration et du ministre public[14].
Cependant, selon le second cas de figure, lorsque la transaction intervient après jugement définitif, la transaction laisse subsister la sanction d’emprisonnement et certaines mesures de sûreté personnelles (art 220 CD)[15]. De ce fait, un tel règlement non juridictionnel avec la douane n’annule pas une condamnation prononcée par un jugement devenu définitif[16].
En tout cas, et selon l‘article 274 CD, la transaction devient définitive[17] qu’après ratification par le ministre chargé des finances, ou seulement, comme c’est le cas le plus courant, par le directeur de la douane[18]. Elle lie alors définitivement les parties et n’est susceptible d’aucun recours. Cette situation intervient, sans aucun doute, lorsqu’elle a lieu sans réserve et ce, en ce qui concerne l’action civile et non en cas de sanction carcérale. Ceci peut s’interpréter au préjudice de l’autre partie contractante puisqu’elle ne peut engendrer par la suite un quelconque vice du consentement[19] ou condamner une convention imposé abusivement par la douane du fait de son pouvoir de coercition. La protection du cocontractant de cette administration puissante n’est donc nullement acquise, en s’appuyant notamment sur les articles 1098 à 1116 COC.
D’un autre côté, il faut aussi signaler que si l’article 276 dans son première alinéa reprend formellement les disposition de l’article 274 des mêmes textes, l’interprétation même stricte, sur le plan pénal, des dispositions suivantes de cet article risque de provoquer des confusions aux autres effets de la transaction. Ainsi, selon la suite de l’article 276, al. 1er, cette technique de règlement des litiges crée effet part rapport aux seules parties contractantes tout en tenant compte de la possibilité de déduire la part des co-auteurs et complices, avec lesquels les transactions ont eu lieu, du montant intégral des condamnations pécuniaires encourues en cas de recouvrement des dettes douanières par la douane, laissant ainsi une marge de manœuvre utilisée à bon ou mal escient par cette administration[20]
Or, on le sait déjà, la transaction ne devient définitive que lorsqu’elle se produite avant le jugement définitif et non pas en cas de condamnation à l’emprisonnement et à l’interdiction de séjour dans les rayons des douanes. En fait, peut-on souligner que tant répétition des dispositions de l’article 247 CD que la place réservée à celles de l’article 276 CD sont pour le moins incorrectes. En outre, le 2e alinéa de ce texte prescrivant que la transaction « doit être constaté par écrit, sur papier timbré, en autant d’originaux qu’il y a des parties ayant un intérêt distinct », aurait pu devenir un 3e alinéa de l’article 274.
Quant aux actes délictueux couverts par la transaction, le problème se révèle à l’examen relativement complexe. En effet, il ne fait pas de doute que l’action publique est éteinte à l’égard des infractions de dédouanement reconnues dans l’acte transactionnel. Cependant, le code des douanes ainsi que la jurisprudence exigent que cette action demeure possible si l’administration des douanes venait à découvrir de nouveaux éléments conduisant à rejeter aux souscripteurs une infraction distincte de celle qui fondait la transaction. Par contre, La jurisprudence française a eu l’occasion de décider au contraire que, si postérieurement à la transaction, le service des douanes venait à découvrir que seule l’étendu de la fraude était plus large qu’on ne l’avait cru initialement, de nouvelles poursuites seraient interdites.
De toute façon, et malgré ce biais, la plupart des litiges en matières de dédouanement se terminent par un arrangement amiable afin d’éviter aux prévenus la lenteur des procédures judicaires, ainsi que la publicité d’une décision judicaire généralement nuisible à l’image des activités des opérateurs économiques en douane. Toutefois, l’opportunité sinon la pertinence, d’une telle technique de règlement des litiges en matière de dédouanement reste discutable, car non seulement elle est l’expression du pouvoir de coercition, toujours discrétionnaire ou aveugle de la douane, mais encore parce qu’elle est insuffisamment traitée par le code des douanes.
 



Les Renvois

[1] Art. 273 code des douanes et des impôts indirects marocain.
[2] Arrêt de la cour suprême (chambre administrative) n° 1140 du 20/07/2000 dossier administratif, dossier n° 97/M/28, Agadir- ville.
[3] BERRADA  (ahmed rziwel), le dédouanement des marchandises au Maroc, 2eme édition najah el jadid Casablanca, 1994 p. 257.
[4] Selon l’article 1er du décret 8 janvier 1960 relatifs à l’exercice du droit de transaction en matière de douane et impôts indirects « le droit de transiger en matière d’infractions de douane et impôts indirects est assimilés est exercé par le chef de l’administration des douanes et impôts indirects dans les cas ci-après :
  • infraction constatée à la charge des voyageurs et n’ayant pas donné lieu à des poursuites judicaires ;
  • infractions sanctionnées par des amendes de principe ;
  • toutes autres infractions lorsque le montant du compris ne dépasse pas 2 millions de dirhams,ou, s’il n’existe pas de droit compromis, lorsque la valeur des marchandises litigieuses, à l’exclusion des moyennes de transport, n’excède pas 8 millions de dirhams. Article 2 « il est statué en tout autre cas par le ministre des finances ».
[5] Ainsi, les affaires contentieuses à fin décembre 2008 ont atteint le chiffre de 23 225, dont plus de la moitié, soit 12440 affaires, ont été réglées par voie de transaction. Cf. bilan 2201. Brochure de l’ADII, année 2008, p. 14.
[6] ALAOUI (Moulay Larbi), le droit douanier au Maroc,Ibn Sina, Rabat p. 298.
[7] Ces personnes sont :
  • les mineurs mais à conditions que la transaction passe avec son père au avec l’assistance d’un tuteur.
  • La femme mariée sans l’autorisation de son mari.
  • Le syndic de la personne en faillite. BOUDAHRAIN (Abdellah), le droit douanier marocain, dar assalam, 2007  p. 443.
[8] HAFID (Chekri) « la nature des procès verbaux en droit pénal douanier », thèse de droit (en arabe) Université de droit à Rabat, p. 259.
[9] FIDIDA (Jean Marc), «  le contentieux douaniers », PUF, 2000, p. 34.
[10] CORNU (Julie), «  la transaction en matière administrative », mémoire de master recherche en droit, préparé sous la direction de Mr PETIT Jacques, université Panthéons- Assas- Paris II, 2008, p. 28. 
[11] Cf. cass. crim. A n° 1041 du 29-02-1992. RACS, tome 3, p. 134.
[12] Art. 275 CDII.
[13] Cf. Cass. Crim. A n° 1041 du 29/02/1962. RACS, tome 3. p .134.
[14]Cass. Crim. A n° 163-164 du 22/10/1964. RMD, n° 8, 1965, p. 36.
[15] Mais la transaction lève les trois mesures de sûreté personnelle prévues par le même article 220 CD, à savoir :- l’interdiction d’accès aux bureaux, magasins et terre-plein soumis à la surveillance de la douane ; - le retrait de l’agrément du transitaire en douane ou l’autorisation de dédouaner ; - l’exclusion du bénéfice des régimes économiques en douane.    
[16] Cf. dans ce sens : CAC. Ch. De conseil. A. N° 52/02 du 03/05/2000. GTM, n° 95, Juillet- août 2002, p. 177.
[17] Le caractère définitif et sans appel de la transaction était d’ailleurs repris dans le dahir du 16 décembre 1918 qui, en son article 28 paragraphes 2, disait « la transaction lie irrévocablement les parties et n’est susceptible d’aucun recours, pour quelque cause que ce soit ». Cette disposition fut reprise à l’article 274 du CD. Cf. EL ALAOUI (Moulay Larbi), ouvr. Cité, p. 297.
[18] EL ALAOUI (Moulay Larbi), ouvr. Cité, p. 296.
[19] Tels que prévus par les articles 39 à 59 COC, par exemple en cas d’erreur, de dol, de consentement extorque par violence.
[20] Il s’agit de l’article 217, al. 2 CD auquel renvoie l’article 276, al. 2 des mêmes textes.
   



الخميس 3 يناير 2013
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