Décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024
Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, sous le n° 2023-863 DC, le 26 décembre 2023, par le Président de la République.
Il a également été saisi, le même jour, par la présidente de l’Assemblée nationale.
Il a en outre été saisi, le même jour, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, Boris VALLAUD, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Mmes Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Bertrand PETIT, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mmes Valérie RABAULT, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, Mmes Mélanie THOMIN, Cécile UNTERMAIER, MM. Roger VICOT, André CHASSAIGNE, Mme Soumya BOUROUAHA, MM. Jean-Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Pierre DHARRÉVILLE, Mme Elsa FAUCILLON, M. Sébastien JUMEL, Mme Émeline K BIDI, M. Tematai LE GAYIC, Mme Karine LEBON, MM. Jean-Paul LECOQ, Frédéric MAILLOT, Yannick MONNET, Marcellin NADEAU, Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, MM. Davy RIMANE, Fabien ROUSSEL, Nicolas SANSU, Jean-Marc TELLIER, Jiovanny WILLIAM, Hubert WULFRANC, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN et M. Nicolas THIERRY, députés.
Il a enfin été saisi, le 27 décembre 2023, par M. Patrick KANNER, Mmes Viviane ARTIGALAS, Audrey BÉLIM, Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, MM. Denis BOUAD, Hussein BOURGI, Mmes Isabelle BRIQUET, Colombe BROSSEL, Marion CANALÈS, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Christophe CHAILLOU, Yan CHANTREL, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mme Karine DANIEL, MM. Jérôme DARRAS, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Mme Frédérique ESPAGNAC, MM. Sébastien FAGNEN, Rémi FÉRAUD, Mme Corinne FÉRET, MM. Jean-Luc FICHET, Hervé GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Olivier JACQUIN, Éric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, M. Éric KERROUCHE, Mmes Marie-Pierre de LA GONTRIE, Annie LE HOUEROU, Audrey LINKENHELD, M. Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, M. Franck MONTAUGÉ, Mme Corinne NARASSIGUIN, MM. Alexandre OUIZILLE, Sébastien PLA, Mme Émilienne POUMIROL, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. Pierre-Alain ROIRON, David ROS, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Simon UZENAT, Mickaël VALLET, Jean-Marc VAYSSOUZE-FAURE, Michaël WEBER, Adel ZIANE, Mmes Cécile CUKIERMAN, Cathy APOURCEAU-POLY, MM. Jérémy BACCHI, Pierre BARROS, Éric BOCQUET, Ian BROSSAT, Mmes Céline BRULIN, Evelyne CORBIÈRE NAMINZO, MM. Jean-Pierre CORBISEZ, Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, M. Gérard LAHELLEC, Mme Marianne MARGATÉ, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI, Mmes Silvana SILVANI, Marie-Claude VARAILLAS, MM. Robert Wienie XOWIE, Guillaume GONTARD, Guy BENARROCHE, Grégory BLANC, Ronan DANTEC, Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Mme Antoinette GUHL, M. Yannick JADOT, Mme Monique de MARCO, M. Akli MELLOULI, Mmes Mathilde OLLIVIER, Raymonde PONCET MONGE, M. Daniel SALMON, Mmes Ghislaine SENÉE, Anne SOUYRIS et Mélanie VOGEL, sénateurs.
Au vu des textes suivants :
la Constitution ;
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;
le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale ;
le code de l’action sociale et des familles ;
le code civil ;
le code de la construction et de l’habitation ;
le code de l’éducation ;
le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
le code de justice administrative ;
le code monétaire et financier ;
le code de la sécurité intérieure ;
le code de la sécurité sociale ;
le code des transports ;
la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ;
le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des pièces suivantes :
les observations produites par le président de la commission des lois du Sénat, Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE, sénateurs, enregistrées le 8 janvier 2024 ;
les observations du Gouvernement, enregistrées le 18 janvier 2024 ;
les observations produites par M. Olivier MARLEIX et plusieurs députés autres que les auteurs de la troisième saisine, enregistrées le 19 janvier 2024 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la troisième saisine ;
Et après avoir entendu les rapporteurs ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Le Président de la République, la présidente de l’Assemblée nationale, les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
2. Le Président de la République n’invoque aucun grief particulier à l’encontre de la loi déférée. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la place dans cette loi de ses articles 11 et 19 ainsi que sur la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 3 et 19. Les députés et sénateurs requérants contestent la place de ses articles 3, 4, 5, 6, 17, 19, 24, 25, 26 et 39. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 3, 4 et 19 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 5, 35, 37 et 70. Les députés requérants contestent la place de ses articles 2, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 18, 32, 33, 44, 45, 47, 48, 50, 51, 58, 63, 67, 68 et 69. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 12, 14, 15, 32, 38, 42 et 58 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 9, 46, 65, 66, 67, 72, 76, 77 et 81. Les sénateurs requérants contestent la place de son article 81. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 6 et 11.
- Sur l’article 1er :
3. L’article 1er de la loi déférée réécrit l’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir la tenue d’un débat annuel sur la politique d’immigration au Parlement et de compléter les éléments présentés dans le rapport annuel sur ce sujet remis par le Gouvernement au Parlement. Il insère également au sein du même code un nouvel article L. 123-2 prévoyant la fixation par le Parlement du nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France.
4. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité de cet article au droit de mener une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée, au principe d’égalité devant la loi et au regard des exigences constitutionnelles qui encadrent la fixation de l’ordre du jour des assemblées. Les députés et sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître ces dernières exigences.
5. Les sénateurs requérants font en outre valoir que, en prévoyant des objectifs non contraignants en matière d’immigration, ces dispositions méconnaîtraient l’exigence de normativité de la loi. À titre subsidiaire, ils estiment que, si celles-ci étaient revêtues d’une portée normative, elles méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi au motif que, en subordonnant à des quotas le nombre d’étrangers accueillis en France, elles soumettraient les ressortissants étrangers à une différence de traitement injustifiée selon que leur demande de séjour a été présentée avant ou après que les quotas ont été atteints.
6. Les dispositions contestées imposent la tenue d’un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration et la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement. Elles prévoient en outre que le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national, et précisent que l’objectif en matière d’immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit.
7. Il ne résulte ni de l’article 48 de la Constitution ni d’aucune autre exigence constitutionnelle que le législateur peut imposer au Parlement l’organisation d’un débat en séance publique ou la fixation par ce dernier de certains objectifs chiffrés en matière d’immigration. Une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l’ordre du jour.
8. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le deuxième alinéa du 1 ° et le 2 ° de l’article 1er de la loi déférée doivent être déclarés contraires à la Constitution.
9. Le reste de l’article 1er, qui se borne à prévoir la remise d’un rapport destiné à assurer l’information du Parlement, ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées. Ces dispositions ne méconnaissant aucune autre exigence constitutionnelle, elles sont conformes à la Constitution.
- Sur la place de l’article 2 :
10. L’article 2 modifie l’article L. 333-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de préciser les conditions de réacheminement des ressortissants étrangers dans certaines circonstances.
11. Les députés requérants soutiennent que l’article 2 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
12. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s’assure dans ce cadre de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l’existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
13. La loi déférée, qui comporte quatre-vingt-six articles répartis en huit titres, a pour origine le projet de loi déposé le 1er février 2023 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Ce projet comportait vingt-sept articles répartis en six titres.
14. Son titre Ier comprenait des dispositions visant à conditionner la délivrance de certaines cartes de séjour à la maîtrise d’un niveau minimal de français, organiser la contribution des employeurs à la formation linguistique des travailleurs étrangers allophones, créer une carte de séjour temporaire pour les étrangers travaillant dans un métier en tension, modifier les modalités d’accès au marché du travail pour certains demandeurs d’asile, subordonner la création d’une entreprise individuelle à la régularité du séjour de l’entrepreneur, réformer certaines dispositions relatives à la carte de séjour portant la mention « talent » délivrée pour un motif professionnel, créer une carte de séjour pour certains professionnels de santé et déconcentrer la compétence pour délivrer les autorisations d’exercer en France pour les praticiens de santé à diplôme hors Union européenne, et instaurer une amende administrative sanctionnant les employeurs d’étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler.
15. Son titre II comprenait des dispositions visant à réformer les conditions dans lesquelles certains étrangers peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’une décision d’obligation de quitter le territoire français, autoriser le recours à la coercition pour le prélèvement des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger en situation irrégulière, interdire le placement en centre de rétention administrative de tout étranger accompagné d’un mineur de moins de seize ans et introduire pour la délivrance ou le retrait de certains documents de séjour de nouveaux critères tenant à l’engagement de l’étranger de respecter les principes de la République, l’établissement de sa résidence effective et habituelle en France ou l’absence de menace grave à l’ordre public.
16. Son titre III comportait des dispositions visant à renforcer la répression pénale de faits constituant une aide à l’entrée irrégulière en France commis en bande organisée, aggraver les peines encourues contre les personnes proposant un habitat indigne à une personne vulnérable, mettre en cohérence le droit national avec les dispositions européennes relatives au système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages, permettre à la police aux frontières d’inspecter des véhicules particuliers, et instituer un nouveau motif obligatoire de refus de délivrance de visa et d’entrée en France lorsque l’étranger n’a pas déféré à une obligation de quitter le territoire français dont il aurait fait l’objet depuis moins de cinq ans.
17. Son titre IV comportait des dispositions relatives à la création de pôles territoriaux « France asile » et à la modification de l’organisation de la Cour nationale du droit d’asile.
18. Son titre V visait à réformer les règles du contentieux des étrangers en réduisant le nombre de procédures applicables devant les juridictions administratives, en modifiant les règles de procédure devant le juge des libertés et de la détention et en autorisant l’allongement du délai dont ce dernier dispose pour statuer en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers, et en prévoyant la tenue des audiences dans une salle aménagée à cet effet à proximité de la zone d’attente ou du lieu de rétention.
19. Son titre VI comprenait une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures d’application des dispositions de la présente loi dans certains territoires d’outre-mer et déterminait les conditions de son entrée en vigueur.
20. L’article 2 de la loi déférée prévoit que si, à la suite d’un refus d’entrée, l’entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l’impossibilité de réacheminer l’étranger en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière sont compétentes pour l’y contraindre.
21. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec les dispositions des articles 9 et 10 du projet de loi initial réformant les conditions dans lesquelles certains étrangers peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’une décision d’obligation de quitter le territoire français. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
22. Il en résulte que l’article 2 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur les articles 3, 4 et 5 :
23. Les articles 3, 4 et 5 sont relatifs à certaines conditions ouvrant droit au bénéfice du regroupement familial.
24. Les députés et sénateurs requérants soutiennent que les articles 3 à 5 n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
25. Sur le fond, la présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité de l’article 3 au droit de mener une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée et au principe d’égalité devant la loi. Les députés et sénateurs requérants reprochent, quant à eux, à cet article de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale. Les députés requérants font en outre valoir qu’il méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi.
26. Les députés et sénateurs requérants reprochent à l’article 4 de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale. Les députés requérants estiment également qu’il serait contraire au principe d’égalité devant la loi.
27. Les députés et sénateurs requérants reprochent par ailleurs à certaines dispositions de l’article 5 de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale. Les députés requérants estiment également qu’il méconnaîtrait le droit au respect de la vie privée.
28. L’article 3 modifie les articles L. 434-2, L. 434-7 et L. 434-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de réformer certaines conditions ouvrant droit au regroupement familial.
29. L’article 4 insère un nouvel article L. 434-7-1 au sein du même code afin de conditionner la délivrance d’une autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial à la justification préalable par l’étranger d’un certain niveau de connaissance de la langue française.
30. L’article 5 insère deux nouveaux articles L. 434-10-1 et L. 434-11-1 au sein de ce même code prévoyant, d’une part, que, dans le cadre d’une demande de regroupement familial, le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir procède à la vérification de ses conditions de logement et de ressources dans un certain délai et qu’en l’absence d’avis rendu dans ce délai, cet avis est réputé défavorable, et, d’autre part, qu’en cas de suspicion sur le caractère frauduleux de cette demande ou sur l’existence de fausses déclarations, l’autorité compétente peut demander au maire de procéder à ces vérifications.
31. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier certaines conditions permettant à un étranger en situation régulière d’être rejoint, au titre du regroupement familial, par des membres de sa famille. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 1er du projet de loi initial subordonnant la délivrance de cartes de séjour pluriannuelles autorisant un étranger à séjourner régulièrement en France à la maîtrise d’un niveau minimal de français, de son article 3 relatif à la carte de séjour temporaire délivrée aux étrangers travaillant dans un métier en tension, de son article 6 relatif à la carte de séjour portant la mention « talent » délivrée pour un motif professionnel ou de son article 7 créant une carte de séjour pour certains professionnels de santé. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
32. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les articles 6 et 8 :
33. Les articles 6 et 8 sont relatifs à certaines conditions de délivrance d’un titre de séjour pour motif familial.
34. Les députés et sénateurs requérants soutiennent que l’article 6 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Il en irait de même, selon les députés requérants, de l’article 8.
35. Sur le fond, les sénateurs requérants reprochent à l’article 6 de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale.
36. L’article 6 complète l’article L. 423-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir de nouvelles conditions à remplir par l’étranger marié avec un ressortissant français pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an.
37. L’article 8 modifie les articles L. 423-6, L. 423-10 et L. 423-16 du même code afin d’allonger la durée de conditions spécifiques à remplir par l’étranger souhaitant bénéficier de certains titres de séjour pour motif familial.
38. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier certaines conditions relatives au lien que l’étranger doit avoir avec un ressortissant français ou un étranger titulaire de la carte de résident pour se voir délivrer un titre de séjour pour motif familial. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
39. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les articles 9 et 10 :
40. Les articles 9 et 10 sont relatifs à certaines conditions de délivrance d’un titre de séjour pour un motif tenant à l’état de santé de l’étranger.
41. Les députés requérants soutiennent que ces articles n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
42. Sur le fond, ils reprochent à certaines dispositions de l’article 9 de porter atteinte au droit à la protection de la santé résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
43. L’article 9 modifie l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que l’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, ne peut désormais se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » qu’en l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire.
44. L’article 10 modifie ce même article L. 425-9 afin de préciser les critères sur le fondement desquels sont appréciées ces conséquences d’une exceptionnelle gravité.
45. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier certaines conditions spécifiques que l’étranger doit remplir pour se voir délivrer, au regard de son état de santé, un titre de séjour pour motif humanitaire. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
46. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les articles 11, 12 et 13 :
47. Les articles 11, 12 et 13 sont relatifs, d’une part, à certaines conditions de délivrance d’un titre de séjour pour motif d’études et, d’autre part, aux frais d’inscription des étudiants étrangers dans certains établissements d’enseignement supérieur.
48. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la place de l’article 11 dans la loi déférée. Les députés requérants soutiennent que cet article ainsi que les articles 12 et 13 n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
49. Sur le fond, les sénateurs requérants reprochent à l’article 11 de méconnaître le principe d’égalité devant la loi.
50. Les députés requérants estiment, quant à eux, que l’article 12 méconnaîtrait ce même principe ainsi que la liberté d’enseignement.
51. L’article 11 introduit un nouvel article L. 412-11 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de subordonner la première délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » au dépôt d’une caution par l’étranger.
52. L’article 12 modifie les articles L. 411-4 et L. 432-9 du même code pour déterminer les modalités de justification du caractère sérieux et réel des études suivies par un étranger bénéficiant d’une carte de séjour portant la mention « étudiant » et les conséquences de leur méconnaissance.
53. L’article 13 modifie l’article L. 719-4 du code de l’éducation afin de prévoir que sont majorés les droits d’inscription versés aux établissements publics d’enseignement supérieur à caractère scientifique, culturel ou professionnel par les étudiants étrangers en mobilité internationale.
54. Introduits en première lecture, les articles 11 et 12 ont pour objet de modifier certaines conditions spécifiques que l’étranger devrait désormais remplir pour bénéficier d’un titre de séjour pour motif d’études. L’article 13 est quant à lui relatif aux droits d’inscription appliqués aux étudiants internationaux par des établissements publics d’enseignement supérieur. Ces dispositions ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
55. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 14 :
56. L’article 14 prévoit, à titre expérimental, que, lorsque l’autorité administrative envisage de refuser de délivrer ou de renouveler un titre de séjour demandé par un étranger, elle examine tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de certains autres titres de séjour. En cas de refus de son admission au séjour, toute nouvelle demande présentée par l’étranger avant l’expiration du délai d’un an est déclarée irrecevable, sauf éléments de fait ou de droit nouveaux.
57. Les députés requérants soutiennent tout d’abord que ces dispositions seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, faute que l’expérimentation prévue s’accompagne d’un renforcement des services préfectoraux chargés de l’instruction des demandes.
58. Ils reprochent également à ces dispositions de méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense. Au soutien de ces griefs, ils font valoir que l’irrecevabilité qui pourra être opposée à une nouvelle demande de l’étranger serait insusceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. En outre, en présumant le caractère abusif ou dilatoire de cette demande, ces dispositions opéreraient un renversement de la charge de la preuve au détriment de l’étranger. Ils critiquent, par ailleurs, l’impossibilité d’exercer un recours de plein contentieux contre les décisions de refus de titre de séjour.
59. Enfin, selon les députés requérants, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les étrangers selon que leur demande de titre de séjour relève ou non de l’expérimentation, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
60. En premier lieu, si le législateur peut prendre à l’égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent notamment la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 2 de cette déclaration, et le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
61. En application des dispositions contestées, à titre expérimental, lorsqu’un étranger demande la délivrance ou le renouvellement de l’un des titres de séjour mentionnés aux chapitres Ier à III, aux sections 1 et 2 du chapitre V et au chapitre VI du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et que l’autorité administrative envisage de rejeter sa demande, elle doit examiner tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de l’un de ces autres titres de séjour. À l’issue de la procédure d’examen, elle peut délivrer à l’étranger, sous réserve de son accord, un titre de séjour différent de celui initialement demandé. En cas de refus d’admission au séjour, l’autorité administrative déclare irrecevable toute nouvelle demande présentée par l’étranger avant l’expiration du délai d’un an.
62. Il résulte des travaux préparatoires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu à la fois faciliter l’admission au séjour de l’étranger dont la situation peut justifier que lui soit reconnu un titre différent de celui faisant l’objet de sa demande initiale, et éviter à l’autorité administrative d’avoir à examiner successivement des demandes de titres de séjour émanant d’une même personne.
63. D’une part, le paragraphe II de l’article 14 prévoit que le demandeur transmet à l’autorité administrative, à l’appui de sa demande, l’ensemble des éléments justificatifs nécessaires à l’autorité administrative pour prendre une décision. Sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, ces dispositions doivent s’entendre comme imposant à l’autorité administrative d’informer l’étranger, lors du dépôt de sa demande, qu’il doit transmettre l’ensemble des éléments justificatifs permettant d’apprécier sa situation au regard de tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de l’un des titres de séjour précités.
64. D’autre part, dans les cas où l’autorité administrative a opposé un refus d’admission au séjour à l’étranger, ce dernier a la faculté de présenter une nouvelle demande avant l’expiration du délai d’un an à compter de ce refus s’il atteste d’éléments de fait ou de droit nouveaux susceptibles de permettre la délivrance d’un titre de séjour de plein droit. Toutefois, en excluant une telle faculté pour les autres titres de séjour, ces dispositions n’assurent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. Par conséquent, les mots « de plein droit » figurant à la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe IV de l’article 14 sont contraires à la Constitution.
65. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 63, en adoptant le reste des dispositions contestées, le législateur n’a pas porté une atteinte disproportionnée aux exigences constitutionnelles précitées. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences doivent donc être écartés.
66. En deuxième lieu, selon l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense.
67. D’une part, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de priver l’étranger auquel est opposée l’irrecevabilité d’une nouvelle demande de la possibilité de contester cette décision devant le juge administratif.
68. D’autre part, si le caractère abusif ou dilatoire de la nouvelle demande est présumé, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que l’étranger peut toujours produire des éléments de fait ou de droit nouveaux susceptibles de permettre la délivrance d’un titre de séjour.
69. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et du respect des droits de la défense ne peuvent qu’être écartés.
70. En dernier lieu, aux termes de l’article 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Cette disposition permet au Parlement d’autoriser des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi.
71. Le grief tiré de l’inégalité de traitement entre les étrangers soumis à l’expérimentation et ceux qui n’y sont pas soumis, laquelle est la conséquence nécessaire de la mise en œuvre de l’expérimentation, ne peut qu’être écarté.
72. Il résulte de tout ce qui précède que, à l’exception des mots « de plein droit » figurant à la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe IV de l’article 14 de la loi déférée, les paragraphes I et III, le reste du paragraphe IV et le paragraphe V de ce même article ainsi que, sous la réserve énoncée au paragraphe 63, son paragraphe II, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 15 :
73. L’article 15 réécrit l’article L. 1113-1 du code des transports en vue notamment d’exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la réduction tarifaire accordée pour certains titres de transport aux personnes remplissant des conditions de ressources.
74. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
75. Sur le fond, ils reprochent également à ces dispositions de méconnaître le droit à la protection de la santé et le principe d’égalité devant la loi.
76. L’article 15 prévoit que les personnes ne résidant pas sur le territoire français de manière régulière ne peuvent bénéficier de la réduction tarifaire appliquée, sous condition de ressources, sur les titres de transport dans l’aire de compétence des autorités organisatrices de la mobilité et, dans la région d’Île-de-France, dans l’aire de compétence d’Île-de-France Mobilités.
77. Introduites en première lecture, ces dispositions, qui ont pour objet de modifier les règles de tarification de certains titres de transport, ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
78. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 16 :
79. L’article 16 insère un nouvel article L. 312-4-1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui prévoit qu’un visa de long séjour est délivré de plein droit aux ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France.
80. Les députés requérants soutiennent que l’article 16 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
81. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier les conditions spécifiques de séjour en France de certains ressortissants britanniques. Ces dispositions ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
82. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 17 :
83. L’article 17 insère un nouvel article L. 822-1 A au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que le séjour irrégulier d’un étranger majeur est puni d’une peine d’amende délictuelle et d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français.
84. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
85. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de réprimer le séjour irrégulier d’un étranger sur le territoire national. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 9 du projet de loi initial, celles de l’article 11 qui autorisait le recours à la coercition pour le prélèvement des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger en situation irrégulière et celles de l’article 14 qui visait à aggraver, lorsqu’elle est commise en bande organisée et dans des circonstances exposant les étrangers à certains risques, les peines réprimant l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
86. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 18 :
87. L’article 18 modifie l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’aggraver la peine d’amende punissant le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou d’acquérir la nationalité française.
88. Les députés requérants soutiennent que l’article 18 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
89. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier la peine d’amende réprimant certains comportements frauduleux visant à obtenir un titre de séjour ou à acquérir la nationalité française. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 14 de la loi. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
90. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 19 :
91. L’article 19 modifie les articles L. 300-1 et L. 822-2 du code de la construction et de l’habitation ainsi que l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, et complète l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles afin d’instaurer une condition minimale de résidence en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle pour bénéficier de certains droit, aide et allocation ou de certaines prestations.
92. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la place de l’article 19 dans la loi déférée. Les députés et sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
93. Sur le fond, la présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité de l’article 19 au droit de mener une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée et au principe d’égalité devant la loi. Les députés et sénateurs requérants reprochent, quant à eux, à cet article de méconnaître ce même principe. Les députés requérants considèrent en outre que ces dispositions méconnaîtraient les exigences des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 et le droit à l’éducation. Enfin, les sénateurs requérants estiment qu’elles méconnaîtraient l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi.
94. L’article 19 a pour objet de soumettre le bénéfice du droit au logement, de l’aide personnelle au logement, de l’allocation personnalisée d’autonomie et des prestations familiales pour l’étranger non ressortissant de l’Union européenne à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle depuis au moins trente mois.
95. Introduites en première lecture, ces dispositions relevant de la législation sociale ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
96. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place des articles 24, 25 et 26 :
97. L’article 24 complète l’article 25 du code civil relatif à la déchéance de nationalité française. L’article 25 modifie l’article 21-7 du même code relatif à l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. L’article 26 modifie l’article 21-27 de ce code relatif à certains modes d’acquisition de la nationalité française.
98. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que les articles 24 à 26 n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
99. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à certaines conditions d’acquisition ou de déchéance de la nationalité française ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
100. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 32 :
101. L’article 32 modifie l’article 175‑2 du code civil relatif aux prérogatives du procureur de la République en cas de suspicion de mariage frauduleux.
102. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
103. Sur le fond, ils reprochent à cet article de porter une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, au droit de mener une vie familiale normale et à la liberté du mariage.
104. L’article 32 prévoit que, en cas de suspicion de mariage frauduleux signalée par l’officier de l’état civil, le silence gardé pendant quinze jours par le procureur de la République entraîne désormais par défaut, et pour deux mois renouvelables une fois, le sursis à la célébration du mariage.
105. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives au contrôle des conditions requises pour pouvoir contracter mariage ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
106. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 33 :
107. L’article 33 modifie l’article L. 423‑22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au jeune majeur ayant été confié au service de l’aide sociale à l’enfance au plus tard le jour de ses seize ans est désormais subordonnée à l’absence avérée de liens avec sa famille restée dans son pays d’origine.
108. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
109. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier les conditions que certains étrangers doivent remplir pour se voir délivrer un titre de séjour pour motif familial. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
110. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 35 :
111. Le 2 ° du paragraphe I de l’article 35 modifie les articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’étendre les cas dans lesquels, par dérogation aux protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers en application de ces dispositions, ces derniers peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion.
112. Selon les députés et les sénateurs requérants, ces dispositions élargiraient excessivement les cas dans lesquels il peut être dérogé aux protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers contre une mesure d’expulsion. À cet égard, les députés requérants font valoir que, en prévoyant qu’une décision d’expulsion peut être fondée sur « la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République », ces dispositions seraient entachées d’inintelligibilité. Ils soutiennent en outre qu’elles porteraient une atteinte disproportionnée aux « droits fondamentaux des étrangers » et méconnaîtraient les principes d’individualisation des peines et de la présomption d’innocence, ainsi que le principe d’égalité devant la loi. Les sénateurs requérants critiquent, quant à eux, le fait qu’une expulsion puisse être décidée sur le seul fondement de la peine encourue par un étranger ayant fait l’objet d’une condamnation définitive, indépendamment de la peine effectivement prononcée à son encontre, quand bien même il justifierait de liens particuliers avec la France. Il en résulterait une méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale, du droit au respect de la vie privée et de la liberté d’aller et de venir.
. En ce qui concerne le sixième alinéa de l’article L. 631-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et le neuvième alinéa de l’article L. 631-3 du même code, dans leur rédaction résultant de l’article 35 :
113. Aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l’autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.
114. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles.
115. Selon l’article L. 631-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut décider d’expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du même code.
116. Les étrangers relevant de l’une des catégories mentionnées à l’article L. 631-2 ne peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique et sous réserve que l’article L. 631-3 n’y fasse pas obstacle. Ceux qui relèvent de l’une des catégories mentionnées à ce dernier article ne peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion qu’en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.
117. Les dispositions contestées prévoient que, par dérogation aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’étranger relevant de l’une des catégories mentionnées à ces articles peut faire l’objet d’une décision d’expulsion lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou certains délits.
118. En premier lieu, si l’autorité administrative peut désormais décider l’expulsion d’un étranger protégé au titre de l’une des catégories mentionnées aux articles L. 631-2 et L. 631-3 lorsqu’il a été condamné définitivement pour un crime ou un délit puni, selon les cas, de trois ans ou cinq ans d’emprisonnement au moins, sa décision doit être justifiée et proportionnée aux raisons l’ayant motivée. À ce titre, il lui appartient de démontrer, à partir des faits précis et circonstanciés qu’elle est en mesure d’invoquer, que la présence de l’étranger sur le territoire national constitue toujours, à la date à laquelle elle se prononce et quelle que soit l’infraction que l’intéressé a commise, une menace grave et actuelle pour l’ordre public. Il lui appartient en outre de prendre en considération la situation personnelle et familiale de l’étranger.
119. En second lieu, l’étranger peut exercer un recours contre la décision d’expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l’exécution de la mesure d’expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Le juge administratif est alors chargé de s’assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit.
120. Dès lors, le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.
121. Par conséquent, le sixième alinéa de l’article L. 631-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et le neuvième alinéa de l’article L. 631-3 du même code, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions du premier alinéa de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 35 :
122. En premier lieu, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi.
123. Les dispositions contestées du premier alinéa de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient que la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République est constitutive d’un comportement de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État.
124. En faisant référence aux principes de la République qui sont énoncés à l’article L. 412-7 du même code dans sa rédaction issue de l’article 46 de la loi déférée, ces dispositions ne sont pas inintelligibles.
125. En second lieu, la décision d’expulsion ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition mais une mesure de police administrative. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’individualisation des peines et de la présomption d’innocence ne peuvent qu’être écartés.
126. Par conséquent, les mots « dont la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République énoncés à l’article L. 412-7 » figurant au premier alinéa de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d’égalité devant la loi ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 37 :
127. Le 1 ° de l’article 37 réécrit l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de supprimer les protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers contre le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français, à l’exception des mineurs de dix-huit ans.
128. Les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions priveraient de garanties légales le droit de mener une vie familiale normale, le droit au respect de la vie privée et la liberté d’aller et de venir. Les députés requérants soutiennent quant à eux qu’elles porteraient une atteinte disproportionnée aux « droits fondamentaux des étrangers » et méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi.
129. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre qu’une décision portant obligation de quitter le territoire français puisse être prononcée y compris à l’encontre d’étrangers qui bénéficiaient jusqu’alors d’un régime de protection. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
130. En deuxième lieu, d’une part, les dispositions contestées maintiennent la protection dont bénéficie l’étranger mineur de dix-huit ans.
131. D’autre part, il résulte de l’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 37 de la loi déférée, que la décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée et qu’elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. Il appartient en particulier à l’autorité administrative d’apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si l’étranger peut se prévaloir d’une résidence stable et régulière sur le territoire français de nature à avoir fait naître entre lui et le pays d’accueil des liens multiples.
132. En dernier lieu, en application de l’article L. 722-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’éloignement effectif de l’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l’expiration du délai ouvert pour contester cette décision devant le tribunal administratif ni avant que celui-ci n’ait statué s’il a été saisi.
133. Il résulte de ce qui précède que le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.
134. Par conséquent, l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaît pas non plus le principe d’égalité devant la loi ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 38 :
135. L’article 38 modifie les articles L. 331-2 et L. 813-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’autoriser le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger sans son consentement.
136. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de ne pas entourer le recours à la contrainte physique de garanties suffisantes, tenant en particulier à la présence de l’avocat lors des opérations de relevés signalétiques, à l’information de la personne intéressée des conséquences de son refus et à la prise en compte de son éventuelle minorité ou vulnérabilité. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance de la liberté individuelle, du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ainsi que des exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789.
137. Il résulte des articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789 le principe selon lequel la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire.
138. Selon le 3 ° de l’article L. 142-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé de données à caractère personnel les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers qui sont en situation irrégulière en France, qui font l’objet d’une décision d’éloignement du territoire français ou qui, ayant été contrôlés à l’occasion du franchissement de la frontière en provenance d’un pays tiers aux États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ne remplissent pas les conditions d’entrée prévues à l’article 6 du règlement du 9 mars 2016 mentionné ci-dessus ou à l’article L. 311-1 du même code.
139. Les dispositions contestées permettent à l’officier de police judiciaire de recourir à la contrainte pour procéder aux opérations de prise d’empreintes ou de photographie d’un étranger, en cas de refus caractérisé de ce dernier de se soumettre à ces opérations à l’occasion d’un contrôle aux frontières extérieures ou dans le cadre d’un placement en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Ce recours à la contrainte, qui ne peut concerner les mineurs, est strictement proportionné et tient compte de la vulnérabilité de la personne.
140. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter l’identification des étrangers en situation irrégulière. Il a ainsi poursuivi l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l’ordre public, objectif de valeur constitutionnelle.
141. Toutefois, d’une part, ces dispositions se bornent à prévoir que l’officier de police judiciaire qui décide de procéder à la prise d’empreintes ou de photographie sans le consentement de l’intéressé en informe préalablement le procureur de la République. Ces opérations ne sont ainsi ni soumises à l’autorisation de ce magistrat, saisi d’une demande motivée en ce sens, ni subordonnées à la démonstration qu’elles constituent l’unique moyen d’identifier la personne qui refuse de s’y soumettre.
142. D’autre part, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne prévoient que, lorsque la personne contrôlée ou retenue a demandé l’assistance d’un avocat, la prise d’empreintes digitales ou de photographie sans son consentement doit être effectuée en la présence de ce dernier.
143. Dès lors, les dispositions contestées privent de garanties légales les exigences constitutionnelles précitées.
144. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 38 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution.
- Sur la place de l’article 39 :
145. L’article 39 insère un nouvel article L. 142‑3‑1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoyant le recueil au sein d’un fichier des empreintes digitales et de la photographie relevées sur des mineurs se déclarant privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale.
146. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
147. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 11 du projet de loi initial, qui autorisait le relevé des empreintes digitales et de la photographie d’un étranger en situation irrégulière sans son consentement. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
148. Il en résulte que l’article 39 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 42 :
149. L’article 42 modifie les articles L. 732-4 et L. 732-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de porter à un an, renouvelable deux fois, la durée de l’assignation à résidence dont peuvent faire l’objet certains étrangers soumis à une mesure d’éloignement.
150. Les députés requérants font valoir qu’en portant à trois ans la durée maximale de l’assignation à résidence dont peuvent faire l’objet certains étrangers, alors même qu’ils ne présenteraient aucun risque de menace à l’ordre public, ces dispositions porteraient une atteinte manifestement excessive à la liberté d’aller et de venir, au droit de mener une vie familiale normale et à la liberté individuelle.
151. En application de l’article L. 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut, dans certains cas, autoriser l’étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement et qui justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français, ou ne pouvoir ni regagner son pays d’origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l’assignant à résidence jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation.
152. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque l’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé, lorsqu’il doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour ou de circulation sur le territoire français ou pour la mise en œuvre d’une décision prise par un autre État, ou lorsqu’il doit être remis aux autorités d’un autre État, cette assignation à résidence ne peut excéder une durée d’un an, renouvelable deux fois dans la même limite de durée.
153. En premier lieu, l’objet de la mesure d’assignation à résidence est, d’une part, de garantir la représentation de l’étranger soumis à une mesure d’éloignement du territoire et, d’autre part, d’organiser les conditions de son maintien temporaire sur le territoire français, alors qu’il n’a pas de titre l’autorisant à y séjourner, en tenant compte des troubles à l’ordre public que ce maintien est susceptible d’occasionner. Ainsi, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
154. En second lieu, compte tenu des restrictions que le législateur peut apporter à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale pour des étrangers dont le séjour n’est pas régulier et qui sont sous le coup d’une mesure d’éloignement, il lui était loisible de fixer à un an, renouvelable deux fois, la durée de l’assignation à résidence afin de permettre à l’autorité administrative d’exercer un contrôle sur l’étranger jusqu’à l’exécution de la décision d’éloignement dont celui-ci fait l’objet.
155. Toutefois, le renouvellement de la mesure d’assignation à résidence au-delà d’une durée d’un an en accroît la rigueur. Dès lors, il appartient à l’autorité administrative de retenir, lors de chaque renouvellement, des conditions et des lieux d’assignation à résidence tenant compte, dans la contrainte qu’ils imposent à l’intéressé, du temps passé sous ce régime et des liens familiaux et personnels noués par ce dernier.
156. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée aux exigences constitutionnelles précitées.
157. Par conséquent, sous cette même réserve, les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot « deux » figurant à la première phrase du second alinéa du même article et les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-5 du même code, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté individuelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur la place de l’article 44 :
158. L’article 44 modifie l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir une exception à l’obligation de prise en charge par les services départementaux, dans le cadre d’un contrat jeune majeur, des majeurs de vingt et un ans précédemment confiés à l’aide sociale à l’enfance, lorsqu’ils ont fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français.
159. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
160. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 10 du projet de loi initial. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
161. Il en résulte que l’article 44 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur la place de l’article 45 :
162. L’article 45 modifie l’article L. 221‑2‑4 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que l’évaluation de la situation d’une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est réalisée sur la base d’un cahier des charges national défini en concertation avec les départements.
163. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
164. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives au régime d’aide et d’action sociales dont bénéficient certaines catégories de personnes vulnérables ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
165. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 46 :
166. L’article 46 insère notamment un nouvel article L. 412-7 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République par l’étranger qui sollicite un document de séjour.
167. Les députés requérants reprochent tout d’abord à ces dispositions d’utiliser le terme de « contrat » pour désigner un engagement unilatéral et de définir de manière imprécise les obligations qu’implique pour l’étranger la souscription d’un tel contrat. Il en résulterait une méconnaissance de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Ils soutiennent également que, en prévoyant que les étrangers ne peuvent se prévaloir de leurs croyances ou de leurs convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers, ces dispositions introduiraient une discrimination entre les étrangers et les citoyens français. Il en résulterait une méconnaissance de l’article 1er de la Constitution. En outre, ils font valoir que ces dispositions restreindraient de façon disproportionnée la liberté d’opinion ainsi que la liberté de communication.
168. Enfin, les députés requérants demandent au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées du 3 ° de l’article L. 823-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment au regard du principe de légalité des délits et des peines ainsi que du principe de fraternité.
169. Les dispositions contestées prévoient que l’étranger qui souhaite obtenir la délivrance d’un document de séjour est tenu de souscrire un contrat par lequel il s’engage à respecter les principes de la République.
170. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, en souscrivant à ce contrat, l’étranger s’engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers. Ni la notion de contrat ni les obligations que ce contrat emporte pour l’étranger ne sont inintelligibles.
171. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi doit être écarté.
172. En deuxième lieu, aux termes de l’article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». En vertu de son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Selon les trois premières phrases du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
173. Loin de méconnaître ces exigences constitutionnelles, le législateur a pu, pour en assurer la protection, prévoir qu’un étranger qui sollicite la délivrance d’un document de séjour doit s’engager à respecter des principes, parmi lesquels figure la liberté d’expression et de conscience, qui s’imposent à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. À cette fin, c’est à bon droit qu’il a imposé aux ressortissants étrangers, qui ne se trouvent pas dans la même situation que celle des nationaux, la souscription d’un contrat prévoyant l’engagement de respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et de ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.
174. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences des articles 10 et 11 de la Déclaration de 1789 et de l’article 1er de la Constitution doivent être écartés.
175. En dernier lieu, la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.
176. L’article 46 de la loi déférée ne modifie pas les dispositions déjà promulguées du 3 ° de l’article L. 823-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif à certains cas d’exemption de poursuites pénales en matière d’aide à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger. Il ne les complète pas davantage, ni n’en affecte le domaine d’application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies.
177. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ainsi que du principe de fraternité ne peuvent qu’être écartés.
178. Par conséquent, le premier alinéa de l’article L. 412-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la place de l’article 47 :
179. Les députés requérants soutiennent que l’article 47 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
. En ce qui concerne les paragraphes I et II :
180. Les paragraphes I et II insèrent deux nouveaux articles L. 312‑1‑1 et L. 312‑3‑1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir la possibilité de refuser le visa de long séjour et certains visas de court séjour aux ressortissants d’un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires.
181. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 13 du projet de loi initial, qui introduisait pour la délivrance ou le retrait de certains documents de séjour de nouveaux critères tenant à l’engagement de l’étranger de respecter les principes de la République, l’établissement de sa résidence effective et habituelle en France ou l’absence de menace grave à l’ordre public. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
182. Il en résulte que les paragraphes I et II de l’article 47 ont été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne les paragraphes III et IV :
183. Les paragraphes III et IV complètent l’article 1er de la loi du 4 août 2021 mentionnée ci-dessus et l’article L. 515‑13 du code monétaire et financier afin de prévoir que l’aide au développement solidaire doit prendre en compte le degré de coopération des États en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
184. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à l’aide internationale au développement ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
185. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 48 :
186. L’article 48 insère un nouvel article L. 414‑1‑1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que, lorsqu’il prend une décision de refus de séjour, de retrait d’un titre ou d’un document de séjour ou d’expulsion, le représentant de l’État dans le département informe sans délai les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi. Il précise également certaines conditions dans lesquelles ces organismes procèdent à la radiation de l’assuré étranger.
187. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
188. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de prévoir l’information des organismes de protection sociale en vue de procéder à la radiation de certains assurés sociaux. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 13 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
189. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 50 :
190. L’article 50 complète l’article L. 711‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de préciser que l’aide au retour dans le pays d’origine susceptible de bénéficier à l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ne peut lui être attribuée qu’une seule fois.
191. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
192. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier une mesure d’accompagnement dont peuvent bénéficier certains étrangers en situation irrégulière. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 10 du projet de loi initial et avec celles de son article 18, qui instituait un nouveau motif obligatoire de refus de délivrance de visa et d’entrée en France lorsque l’étranger n’a pas déféré à une obligation de quitter le territoire français dont il aurait fait l’objet depuis moins de cinq ans. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
193. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 51 :
194. L’article 51 modifie l’article L. 751‑10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’étendre la liste des cas dans lesquels est regardé comme établi un risque non négligeable de fuite permettant de justifier le placement en rétention de certains demandeurs d’asile faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge par un autre État membre de l’Union européenne.
195. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
196. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 11 du projet de loi initial et avec celles de son article 12, visant à interdire le placement en centre de rétention administrative de tout étranger accompagné d’un mineur de moins de seize ans. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
197. Il en résulte que l’article 51 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 58 :
198. L’article 58 modifie les articles L. 332-2, L. 333-2, L. 352-3 et L. 361-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatifs aux décisions de refus d’entrée à la frontière ou au titre de l’asile.
199. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
200. Sur le fond, ils reprochent à ces dispositions de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et au droit d’asile et de méconnaître la liberté individuelle.
201. L’article 58 supprime, sauf pour les mineurs, le délai d’un jour franc dont peut demander à bénéficier l’étranger faisant l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire français avant son rapatriement.
202. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier les conditions d’exécution des décisions portant refus d’entrée. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 11 du projet de loi initial et celles de son article 16, qui visait à mettre en cohérence le droit national avec les dispositions européennes portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
203. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 63 :
204. L’article 63 modifie les articles L. 531‑36, L. 531‑38 et L. 531‑39 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, afin de prévoir que, lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides est informé par le demandeur du retrait de sa demande d’asile, il clôture l’examen de cette dernière. Ces dispositions prévoient également que l’office peut prendre une décision de clôture d’examen d’une demande d’asile lorsque le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé.
205. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
206. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 19 du projet de loi initial qui avait pour objet de créer des pôles territoriaux « France asile » en vue d’effectuer l’introduction de la demande d’asile auprès de l’office. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
207. Il en résulte que l’article 63 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 65 :
208. L’article 65 modifie les articles L. 561-2 à L. 561-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatifs au régime de la réunification familiale reconnu au réfugié ou au bénéficiaire de la protection subsidiaire.
209. Les députés requérants soutiennent que certaines dispositions de cet article méconnaîtraient le droit de mener une vie familiale normale, le droit au respect de la vie privée, le principe de clarté de la loi ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
210. L’article 65 modifie les critères tenant à l’âge et à l’établissement d’un lien de filiation permettant de demander la réunification familiale, ainsi que la date à laquelle doit s’apprécier la minorité de l’enfant. Il complète la liste des cas dans lesquels la réunification familiale est refusée pour prendre en compte la circonstance dans laquelle le conjoint, le partenaire d’union civile, le concubin ou l’enfant ont cessé d’entretenir avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire des relations suffisamment stables et continues pour former avec lui une famille. Il limite également à dix-huit mois après l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire le délai pour présenter la demande de visa dans le cadre de la procédure de réunification familiale.
211. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier des conditions encadrant le droit pour un réfugié d’être rejoint par certains membres de sa famille. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6, 7, 13 et 18 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
212. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 66 :
213. L’article 66 modifie le premier alinéa des articles L. 551-15 et L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que, dans certains cas, l’Office français de l’immigration et de l’intégration refuse les conditions matérielles d’accueil auxquelles peut prétendre un demandeur d’asile ou y met fin.
214. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de ne plus permettre à l’autorité administrative de prendre en compte la situation particulière du demandeur d’asile lorsqu’elle refuse les conditions matérielles d’accueil ou décide d’y mettre fin. Selon eux, une telle décision, qui aurait le caractère d’une sanction automatique, priverait ainsi le demandeur d’asile et sa famille de moyens convenables d’existence. Il en résulterait une méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que des principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines.
215. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
216. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles.
217. En application de l’article L. 551-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les conditions matérielles d’accueil, qui comprennent certaines prestations ainsi que le versement d’une allocation, sont proposées à chaque demandeur d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Les articles L. 551-15 et L. 551-16 du même code prévoient que, dans certains cas, les conditions matérielles d’accueil peuvent être refusées à un demandeur d’asile ou qu’il peut y être mis fin.
218. Si les dispositions contestées des articles L. 551-15 et L. 551-16 prévoient désormais que, dans ces mêmes cas, les conditions matérielles d’accueil sont refusées à un demandeur d’asile ou qu’il y est mis fin, il ressort des termes mêmes de ces articles, dans leur rédaction résultant de l’article 66 de la loi déférée, que l’autorité administrative doit respecter les prescriptions de l’article 20 de la directive du 26 juin 2013 mentionnée ci-dessus. Sa décision de refuser les conditions matérielles d’accueil ou d’y mettre fin est subordonnée à un examen préalable de la situation particulière de la personne concernée, et notamment de sa vulnérabilité.
219. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté.
220. Il en va de même des griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines, qui sont au demeurant inopérants s’agissant des dispositions contestées, dès lors qu’elles n’instituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition.
221. Par conséquent, le premier alinéa des articles L. 551-15 et L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 67 :
222. L’article 67 modifie les articles L. 345‑2, L. 345‑2-2 et L. 345‑2-4 du code de l’action sociale et des familles relatifs au dispositif d’hébergement d’urgence.
223. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
224. Sur le fond, ils reprochent à certaines de ces dispositions de méconnaître le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
225. L’article 67 confie directement à l’État la charge du service intégré d’accueil et d’orientation des personnes sans abri et prévoit que l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit au séjour en France et faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français ou d’une mesure d’expulsion ne peut être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence que dans l’attente de son éloignement.
226. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives aux conditions d’hébergement d’urgence de certaines catégories de personnes sans abri ou en détresse ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
227. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 68 :
228. L’article 68 modifie l’article L. 302‑5 du code de la construction et de l’habitation afin d’inclure les places de certains hébergements destinés aux demandeurs d’asile dans les logements pris en compte au titre des obligations des communes tenant au nombre de logements locatifs sociaux sur leur territoire.
229. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
230. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives aux obligations des communes en matière de logement social ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
231. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 69 :
232. L’article 69 modifie les articles L. 551-12 et L. 552-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin, d’une part, de prévoir que sauf décision motivée de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive de leur demande d’asile ne peuvent pas se maintenir dans le lieu d’hébergement dans lequel ils ont été admis, et d’autre part, de préciser les cas où l’autorité administrative compétente ou le gestionnaire du lieu d’hébergement saisit le juge, après mise en demeure restée infructueuse, afin qu’il soit enjoint à l’occupant d’un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile de l’évacuer.
233. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
234. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à l’hébergement des demandeurs d’asile ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
235. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 70 :
236. Le 1 ° de l’article 70 insère deux nouveaux articles L. 131-5 et L. 131-7 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir les règles relatives à la présidence d’une formation de jugement de la Cour nationale du droit d’asile et de déterminer les formations dans lesquelles cette juridiction rend ses décisions.
237. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de prévoir que la Cour nationale du droit d’asile statue désormais à juge unique et non plus, sauf exception, dans une formation collégiale, ce qui nuirait à la qualité des échanges entre la formation de jugement et les demandeurs d’asile et s’opposerait à la bonne appréciation par le juge de leur situation. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense.
238. Les sénateurs requérants reprochent également à ces dispositions de faire dépendre la composition de la formation de jugement de la seule appréciation du président de la Cour nationale du droit d’asile ou du président de la formation de jugement. Il en résulterait une méconnaissance du droit au procès équitable, des droits de la défense ainsi que du principe d’égalité devant la justice.
239. Les députés requérants critiquent en outre l’imprécision de la condition tenant à l’expérience qu’un magistrat non permanent doit avoir acquise pour pouvoir présider une formation de jugement. Le législateur aurait ainsi méconnu l’étendue de sa compétence ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
240. En premier lieu, l’article 16 de la Déclaration de 1789 garantit le droit à un procès équitable et les droits de la défense.
241. Il résulte de l’article 6 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », et de son article 16 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.
242. Les dispositions contestées de l’article L. 131-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient qu’une formation de jugement de la Cour nationale du droit d’asile peut être présidée par un magistrat non permanent ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 131-7 du même code, les décisions de la Cour nationale du droit d’asile sont rendues par le président de la formation de jugement statuant seul, sauf si le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de formation de jugement décide qu’une affaire nécessite un examen devant une formation collégiale.
243. D’une part, le fait que la Cour nationale du droit d’asile statue à juge unique ne porte pas, par lui-même, atteinte aux droits de la défense. D’autre part, le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de la formation de jugement peut décider de sa propre initiative ou à la demande du requérant, de renvoyer l’examen d’une affaire à une formation collégiale à tout moment de la procédure, s’il estime que celle-ci pose une question qui le justifie. En laissant au président de la Cour nationale du droit d’asile ou au président de la formation de jugement le soin d’apprécier si une affaire requiert un examen devant une formation collégiale, le législateur n’a pas instauré de discrimination injustifiée entre les demandeurs d’asile auxquels sont assurées des garanties égales.
244. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au procès équitable, les droits de la défense et le principe d’égalité devant la justice. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.
245. En second lieu, en application de l’article L. 131-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les membres des formations de jugement sont astreints à participer à plus de douze journées d’audience par an. Or, lorsqu’elle siège en formation collégiale, la formation de jugement peut comprendre en vertu de l’article L. 131-6 du même code, outre son président et une personnalité qualifiée, un magistrat non permanent. Ainsi, en prévoyant qu’un magistrat non permanent doit avoir au moins six mois d’expérience en formation collégiale pour pouvoir statuer à juge unique, les dispositions contestées de l’article L. 131-5 impliquent nécessairement que ce magistrat n’ait pris part qu’à des audiences en formation collégiale au cours de cette période.
246. Dès lors, le législateur a défini de manière suffisamment précise la condition d’expérience prévue par ces dispositions. Les griefs tirés de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence et de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi doivent donc être écartés.
247. Par conséquent, les mots « ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour » figurant au premier alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article L. 131-7 du même code, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions des articles 72 et 76 :
248. Le paragraphe I de l’article 72 insère notamment au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un nouvel article L. 922-3 afin de prévoir les conditions dans lesquelles se déroule l’audience devant le président du tribunal administratif en matière de placement ou de maintien en rétention administrative ou en zone d’attente d’un étranger. Le paragraphe I de l’article 76 réécrit notamment les articles L. 342-6 et L. 743-7 du même code afin de prévoir les conditions dans lesquelles se déroule, dans cette matière, l’audience devant le juge des libertés et de la détention.
249. Les députés requérants soutiennent qu’en permettant un recours généralisé et discrétionnaire à la visioconférence pour la tenue des audiences en matière de rétention administrative et de maintien en zone d’attente, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un procès équitable. Selon eux, l’article 76 de la loi déférée méconnaîtrait en outre, pour les mêmes motifs, la liberté individuelle et le droit d’asile.
250. En application des articles L. 342-6 et L. 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction résultant de l’article 76 de la loi déférée, lorsque le juge des libertés et de la détention statue sur le maintien d’un étranger en zone d’attente ou en rétention administrative, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate de la zone d’attente ou du lieu de rétention. Selon l’article L. 922-3 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 72 de la loi déférée, lorsque l’étranger placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente exerce un recours devant la juridiction administrative, l’audience se tient dans cette même salle.
251. Les dispositions contestées de ces articles prévoient toutefois que le magistrat peut siéger, selon les cas, dans les locaux du tribunal administratif ou au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d’attente ou le lieu de rétention. Les deux salles d’audience sont alors reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle.
252. En premier lieu, en permettant que les audiences puissent se tenir au moyen d’une communication audiovisuelle, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice.
253. En deuxième lieu, d’une part, l’avocat de l’étranger peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il peut ainsi faire le choix d’être physiquement présent à ses côtés et a, en toute hypothèse, le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. D’autre part, une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition de l’intéressé. En outre, les deux salles d’audience sont ouvertes au public et un procès-verbal attestant de la conformité des opérations effectuées est établi dans chacune des salles d’audience.
254. En dernier lieu, le moyen de communication audiovisuelle auquel il est recouru doit garantir la confidentialité et la qualité de la transmission. À ce titre, le président du tribunal administratif ou le juge des libertés et de la détention peut, de sa propre initiative ou à la demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
255. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable doit être écarté.
256. Par conséquent, le deuxième alinéa des articles L. 342-6 et L. 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaît pas non plus la liberté individuelle, le droit d’asile ni aucune autre exigence constitutionnelle, et le deuxième alinéa de l’article L. 922-3 du même code, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 77 :
257. Le 1 ° du paragraphe I de l’article 77 réécrit l’article L. 342-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin notamment de prévoir que le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention statue sur une requête aux fins de maintien en zone d’attente peut être porté à quarante-huit heures en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel.
258. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de permettre la prolongation du délai de jugement imparti au juge des libertés et de la détention pour un motif qui ne viserait, selon eux, qu’à pallier l’insuffisance des moyens mis en œuvre par l’État. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle.
259. Aux termes de l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l’autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis. Dans l’exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d’intervention de l’autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu’il entend édicter. La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible.
260. En application des articles L. 341-1 et L. 351-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’administration peut décider de placer en zone d’attente l’étranger qui n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français ainsi que l’étranger qui demande à entrer en France au titre de l’asile. Le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision de placement initiale peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention.
261. Selon le premier alinéa de l’article L. 342-5 du même code, lorsqu’il est saisi d’une requête aux fins de maintien en zone d’attente, le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine. Les dispositions contestées du deuxième alinéa de cet article prévoient que ce délai peut être porté à quarante-huit heures en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel.
262. D’une part, si le délai imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer peut conduire à priver de liberté la personne placée en zone d’attente pendant une durée supplémentaire de quarante-huit heures, la privation de liberté en résultant, jusqu’au prononcé de l’ordonnance, ne peut excéder une durée totale de six jours.
263. D’autre part, le délai de jugement ne peut être allongé que sur décision du premier président, qui doit apprécier si la présence simultanée d’un nombre important d’étrangers en zone d’attente est, au regard des contraintes du service juridictionnel, effectivement de nature à justifier cet allongement.
264. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences de l’article 66 de la Constitution.
265. Par conséquent, les mots « ou, par ordonnance du premier président, en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 342-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 81 :
266. L’article 81 modifie l’article 2493 du code civil et insère de nouveaux articles 2535 à 2540 au sein du même code afin de modifier les conditions d’acquisition de la nationalité française pour les mineurs nés de parents étrangers dans certains territoires ultramarins.
267. Les sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
268. Sur le fond, les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître les principes d’égalité devant la loi et d’indivisibilité de la République.
269. L’article 81 modifie le régime spécifique applicable à Mayotte pour l’acquisition de la nationalité française par un enfant né de parents étrangers. Il introduit également un régime dérogatoire applicable à la collectivité territoriale de Guyane et à Saint-Martin.
270. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à certaines conditions d’acquisition de la nationalité française ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
271. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :
272. L’article 22 réécrit l’article L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que les actes et les décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, doivent être préalablement légalisés. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 13 du projet de loi initial.
273. Le 2 ° de l’article 64 insère un nouvel article L. 542‑7 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que la décision définitive de rejet d’une demande d’asile prononcée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides entraîne immédiatement l’interruption de la prise en charge des frais de santé de l’étranger. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 10 du projet de loi initial.
274. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
275. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
276. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration :
le deuxième alinéa du 1 ° et le 2 ° de l’article 1er ;
les articles 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 ;
les mots « de plein droit » figurant à la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe IV de l’article 14 ;
les articles 15, 16, 17, 18, 19, 22, 24, 25, 26, 32, 33, 38 et 45 ;
les paragraphes III et IV de l’article 47 ;
les articles 48, 50 et 58 ;
le 2 ° de l’article 64 ;
les articles 65, 67, 68, 69 et 81.
Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
sous la réserve énoncée au paragraphe 63, le paragraphe II de l’article 14 de la loi déférée ;
sous la réserve énoncée au paragraphe 155, les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot « deux » figurant à la première phrase du second alinéa du même article et les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-5 du même code, dans leur rédaction résultant de l’article 42 de la loi déférée.
Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
le reste de l’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
les paragraphes I et III, le reste du paragraphe IV et le paragraphe V de l’article 14 de la loi déférée ;
le sixième alinéa de l’article L. 631-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots « dont la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République énoncés à l’article L. 412-7 » figurant au premier alinéa de l’article L. 631-3 du même code et son neuvième alinéa, dans leur rédaction résultant de l’article 35 de la loi déférée ;
l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 37 de la loi déférée ;
le premier alinéa de l’article L. 412-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de l’article 46 de la loi déférée ;
le premier alinéa des articles L. 551-15 et L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction résultant de l’article 66 de la loi déférée ;
les mots « ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour » figurant au premier alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article L. 131-7 du même code, dans leur rédaction issue de l’article 70 de la loi déférée ;
le deuxième alinéa de l’article L. 922-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de l’article 72 de la loi déférée ;
le deuxième alinéa des articles L. 342-6 et L. 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction résultant de l’article 76 de la loi déférée ;
les mots « ou, par ordonnance du premier président, en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 342-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 77 de la loi déférée.
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 24 et 25 janvier 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 25 janvier 2024.
JORF n°0022 du 27 janvier 2024, texte n° 2
ECLI : FR : CC : 2024 : 2023.863.DC
Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, sous le n° 2023-863 DC, le 26 décembre 2023, par le Président de la République.
Il a également été saisi, le même jour, par la présidente de l’Assemblée nationale.
Il a en outre été saisi, le même jour, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Élise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, Pascale MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, Boris VALLAUD, Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Inaki ECHANIZ, Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Jérôme GUEDJ, Johnny HAJJAR, Mmes Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. Gérard LESEUL, Philippe NAILLET, Bertrand PETIT, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mmes Valérie RABAULT, Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, Mmes Mélanie THOMIN, Cécile UNTERMAIER, MM. Roger VICOT, André CHASSAIGNE, Mme Soumya BOUROUAHA, MM. Jean-Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Pierre DHARRÉVILLE, Mme Elsa FAUCILLON, M. Sébastien JUMEL, Mme Émeline K BIDI, M. Tematai LE GAYIC, Mme Karine LEBON, MM. Jean-Paul LECOQ, Frédéric MAILLOT, Yannick MONNET, Marcellin NADEAU, Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, MM. Davy RIMANE, Fabien ROUSSEL, Nicolas SANSU, Jean-Marc TELLIER, Jiovanny WILLIAM, Hubert WULFRANC, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN et M. Nicolas THIERRY, députés.
Il a enfin été saisi, le 27 décembre 2023, par M. Patrick KANNER, Mmes Viviane ARTIGALAS, Audrey BÉLIM, Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, MM. Denis BOUAD, Hussein BOURGI, Mmes Isabelle BRIQUET, Colombe BROSSEL, Marion CANALÈS, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Christophe CHAILLOU, Yan CHANTREL, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mme Karine DANIEL, MM. Jérôme DARRAS, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Mme Frédérique ESPAGNAC, MM. Sébastien FAGNEN, Rémi FÉRAUD, Mme Corinne FÉRET, MM. Jean-Luc FICHET, Hervé GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Olivier JACQUIN, Éric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, M. Éric KERROUCHE, Mmes Marie-Pierre de LA GONTRIE, Annie LE HOUEROU, Audrey LINKENHELD, M. Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, M. Franck MONTAUGÉ, Mme Corinne NARASSIGUIN, MM. Alexandre OUIZILLE, Sébastien PLA, Mme Émilienne POUMIROL, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. Pierre-Alain ROIRON, David ROS, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Simon UZENAT, Mickaël VALLET, Jean-Marc VAYSSOUZE-FAURE, Michaël WEBER, Adel ZIANE, Mmes Cécile CUKIERMAN, Cathy APOURCEAU-POLY, MM. Jérémy BACCHI, Pierre BARROS, Éric BOCQUET, Ian BROSSAT, Mmes Céline BRULIN, Evelyne CORBIÈRE NAMINZO, MM. Jean-Pierre CORBISEZ, Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, M. Gérard LAHELLEC, Mme Marianne MARGATÉ, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI, Mmes Silvana SILVANI, Marie-Claude VARAILLAS, MM. Robert Wienie XOWIE, Guillaume GONTARD, Guy BENARROCHE, Grégory BLANC, Ronan DANTEC, Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Mme Antoinette GUHL, M. Yannick JADOT, Mme Monique de MARCO, M. Akli MELLOULI, Mmes Mathilde OLLIVIER, Raymonde PONCET MONGE, M. Daniel SALMON, Mmes Ghislaine SENÉE, Anne SOUYRIS et Mélanie VOGEL, sénateurs.
Au vu des textes suivants :
la Constitution ;
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;
le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale ;
le code de l’action sociale et des familles ;
le code civil ;
le code de la construction et de l’habitation ;
le code de l’éducation ;
le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
le code de justice administrative ;
le code monétaire et financier ;
le code de la sécurité intérieure ;
le code de la sécurité sociale ;
le code des transports ;
la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ;
le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;
Au vu des pièces suivantes :
les observations produites par le président de la commission des lois du Sénat, Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE, sénateurs, enregistrées le 8 janvier 2024 ;
les observations du Gouvernement, enregistrées le 18 janvier 2024 ;
les observations produites par M. Olivier MARLEIX et plusieurs députés autres que les auteurs de la troisième saisine, enregistrées le 19 janvier 2024 ;
Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la troisième saisine ;
Et après avoir entendu les rapporteurs ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Le Président de la République, la présidente de l’Assemblée nationale, les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
2. Le Président de la République n’invoque aucun grief particulier à l’encontre de la loi déférée. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la place dans cette loi de ses articles 11 et 19 ainsi que sur la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 3 et 19. Les députés et sénateurs requérants contestent la place de ses articles 3, 4, 5, 6, 17, 19, 24, 25, 26 et 39. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 3, 4 et 19 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 5, 35, 37 et 70. Les députés requérants contestent la place de ses articles 2, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 18, 32, 33, 44, 45, 47, 48, 50, 51, 58, 63, 67, 68 et 69. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 12, 14, 15, 32, 38, 42 et 58 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 9, 46, 65, 66, 67, 72, 76, 77 et 81. Les sénateurs requérants contestent la place de son article 81. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 6 et 11.
- Sur l’article 1er :
3. L’article 1er de la loi déférée réécrit l’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir la tenue d’un débat annuel sur la politique d’immigration au Parlement et de compléter les éléments présentés dans le rapport annuel sur ce sujet remis par le Gouvernement au Parlement. Il insère également au sein du même code un nouvel article L. 123-2 prévoyant la fixation par le Parlement du nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France.
4. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité de cet article au droit de mener une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée, au principe d’égalité devant la loi et au regard des exigences constitutionnelles qui encadrent la fixation de l’ordre du jour des assemblées. Les députés et sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître ces dernières exigences.
5. Les sénateurs requérants font en outre valoir que, en prévoyant des objectifs non contraignants en matière d’immigration, ces dispositions méconnaîtraient l’exigence de normativité de la loi. À titre subsidiaire, ils estiment que, si celles-ci étaient revêtues d’une portée normative, elles méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi au motif que, en subordonnant à des quotas le nombre d’étrangers accueillis en France, elles soumettraient les ressortissants étrangers à une différence de traitement injustifiée selon que leur demande de séjour a été présentée avant ou après que les quotas ont été atteints.
6. Les dispositions contestées imposent la tenue d’un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration et la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement. Elles prévoient en outre que le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national, et précisent que l’objectif en matière d’immigration familiale est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit.
7. Il ne résulte ni de l’article 48 de la Constitution ni d’aucune autre exigence constitutionnelle que le législateur peut imposer au Parlement l’organisation d’un débat en séance publique ou la fixation par ce dernier de certains objectifs chiffrés en matière d’immigration. Une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l’ordre du jour.
8. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, le deuxième alinéa du 1 ° et le 2 ° de l’article 1er de la loi déférée doivent être déclarés contraires à la Constitution.
9. Le reste de l’article 1er, qui se borne à prévoir la remise d’un rapport destiné à assurer l’information du Parlement, ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées. Ces dispositions ne méconnaissant aucune autre exigence constitutionnelle, elles sont conformes à la Constitution.
- Sur la place de l’article 2 :
10. L’article 2 modifie l’article L. 333-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de préciser les conditions de réacheminement des ressortissants étrangers dans certaines circonstances.
11. Les députés requérants soutiennent que l’article 2 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
12. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s’assure dans ce cadre de l’existence d’un lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l’article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l’existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
13. La loi déférée, qui comporte quatre-vingt-six articles répartis en huit titres, a pour origine le projet de loi déposé le 1er février 2023 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Ce projet comportait vingt-sept articles répartis en six titres.
14. Son titre Ier comprenait des dispositions visant à conditionner la délivrance de certaines cartes de séjour à la maîtrise d’un niveau minimal de français, organiser la contribution des employeurs à la formation linguistique des travailleurs étrangers allophones, créer une carte de séjour temporaire pour les étrangers travaillant dans un métier en tension, modifier les modalités d’accès au marché du travail pour certains demandeurs d’asile, subordonner la création d’une entreprise individuelle à la régularité du séjour de l’entrepreneur, réformer certaines dispositions relatives à la carte de séjour portant la mention « talent » délivrée pour un motif professionnel, créer une carte de séjour pour certains professionnels de santé et déconcentrer la compétence pour délivrer les autorisations d’exercer en France pour les praticiens de santé à diplôme hors Union européenne, et instaurer une amende administrative sanctionnant les employeurs d’étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler.
15. Son titre II comprenait des dispositions visant à réformer les conditions dans lesquelles certains étrangers peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’une décision d’obligation de quitter le territoire français, autoriser le recours à la coercition pour le prélèvement des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger en situation irrégulière, interdire le placement en centre de rétention administrative de tout étranger accompagné d’un mineur de moins de seize ans et introduire pour la délivrance ou le retrait de certains documents de séjour de nouveaux critères tenant à l’engagement de l’étranger de respecter les principes de la République, l’établissement de sa résidence effective et habituelle en France ou l’absence de menace grave à l’ordre public.
16. Son titre III comportait des dispositions visant à renforcer la répression pénale de faits constituant une aide à l’entrée irrégulière en France commis en bande organisée, aggraver les peines encourues contre les personnes proposant un habitat indigne à une personne vulnérable, mettre en cohérence le droit national avec les dispositions européennes relatives au système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages, permettre à la police aux frontières d’inspecter des véhicules particuliers, et instituer un nouveau motif obligatoire de refus de délivrance de visa et d’entrée en France lorsque l’étranger n’a pas déféré à une obligation de quitter le territoire français dont il aurait fait l’objet depuis moins de cinq ans.
17. Son titre IV comportait des dispositions relatives à la création de pôles territoriaux « France asile » et à la modification de l’organisation de la Cour nationale du droit d’asile.
18. Son titre V visait à réformer les règles du contentieux des étrangers en réduisant le nombre de procédures applicables devant les juridictions administratives, en modifiant les règles de procédure devant le juge des libertés et de la détention et en autorisant l’allongement du délai dont ce dernier dispose pour statuer en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers, et en prévoyant la tenue des audiences dans une salle aménagée à cet effet à proximité de la zone d’attente ou du lieu de rétention.
19. Son titre VI comprenait une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures d’application des dispositions de la présente loi dans certains territoires d’outre-mer et déterminait les conditions de son entrée en vigueur.
20. L’article 2 de la loi déférée prévoit que si, à la suite d’un refus d’entrée, l’entreprise de transport aérien ou maritime se trouve dans l’impossibilité de réacheminer l’étranger en raison de son comportement récalcitrant, seules les autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière sont compétentes pour l’y contraindre.
21. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec les dispositions des articles 9 et 10 du projet de loi initial réformant les conditions dans lesquelles certains étrangers peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’une décision d’obligation de quitter le territoire français. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
22. Il en résulte que l’article 2 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur les articles 3, 4 et 5 :
23. Les articles 3, 4 et 5 sont relatifs à certaines conditions ouvrant droit au bénéfice du regroupement familial.
24. Les députés et sénateurs requérants soutiennent que les articles 3 à 5 n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
25. Sur le fond, la présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité de l’article 3 au droit de mener une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée et au principe d’égalité devant la loi. Les députés et sénateurs requérants reprochent, quant à eux, à cet article de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale. Les députés requérants font en outre valoir qu’il méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi.
26. Les députés et sénateurs requérants reprochent à l’article 4 de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale. Les députés requérants estiment également qu’il serait contraire au principe d’égalité devant la loi.
27. Les députés et sénateurs requérants reprochent par ailleurs à certaines dispositions de l’article 5 de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale. Les députés requérants estiment également qu’il méconnaîtrait le droit au respect de la vie privée.
28. L’article 3 modifie les articles L. 434-2, L. 434-7 et L. 434-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de réformer certaines conditions ouvrant droit au regroupement familial.
29. L’article 4 insère un nouvel article L. 434-7-1 au sein du même code afin de conditionner la délivrance d’une autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial à la justification préalable par l’étranger d’un certain niveau de connaissance de la langue française.
30. L’article 5 insère deux nouveaux articles L. 434-10-1 et L. 434-11-1 au sein de ce même code prévoyant, d’une part, que, dans le cadre d’une demande de regroupement familial, le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir procède à la vérification de ses conditions de logement et de ressources dans un certain délai et qu’en l’absence d’avis rendu dans ce délai, cet avis est réputé défavorable, et, d’autre part, qu’en cas de suspicion sur le caractère frauduleux de cette demande ou sur l’existence de fausses déclarations, l’autorité compétente peut demander au maire de procéder à ces vérifications.
31. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier certaines conditions permettant à un étranger en situation régulière d’être rejoint, au titre du regroupement familial, par des membres de sa famille. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 1er du projet de loi initial subordonnant la délivrance de cartes de séjour pluriannuelles autorisant un étranger à séjourner régulièrement en France à la maîtrise d’un niveau minimal de français, de son article 3 relatif à la carte de séjour temporaire délivrée aux étrangers travaillant dans un métier en tension, de son article 6 relatif à la carte de séjour portant la mention « talent » délivrée pour un motif professionnel ou de son article 7 créant une carte de séjour pour certains professionnels de santé. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
32. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les articles 6 et 8 :
33. Les articles 6 et 8 sont relatifs à certaines conditions de délivrance d’un titre de séjour pour motif familial.
34. Les députés et sénateurs requérants soutiennent que l’article 6 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Il en irait de même, selon les députés requérants, de l’article 8.
35. Sur le fond, les sénateurs requérants reprochent à l’article 6 de méconnaître le droit de mener une vie familiale normale.
36. L’article 6 complète l’article L. 423-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir de nouvelles conditions à remplir par l’étranger marié avec un ressortissant français pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an.
37. L’article 8 modifie les articles L. 423-6, L. 423-10 et L. 423-16 du même code afin d’allonger la durée de conditions spécifiques à remplir par l’étranger souhaitant bénéficier de certains titres de séjour pour motif familial.
38. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier certaines conditions relatives au lien que l’étranger doit avoir avec un ressortissant français ou un étranger titulaire de la carte de résident pour se voir délivrer un titre de séjour pour motif familial. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
39. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les articles 9 et 10 :
40. Les articles 9 et 10 sont relatifs à certaines conditions de délivrance d’un titre de séjour pour un motif tenant à l’état de santé de l’étranger.
41. Les députés requérants soutiennent que ces articles n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
42. Sur le fond, ils reprochent à certaines dispositions de l’article 9 de porter atteinte au droit à la protection de la santé résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
43. L’article 9 modifie l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que l’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, ne peut désormais se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » qu’en l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire.
44. L’article 10 modifie ce même article L. 425-9 afin de préciser les critères sur le fondement desquels sont appréciées ces conséquences d’une exceptionnelle gravité.
45. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier certaines conditions spécifiques que l’étranger doit remplir pour se voir délivrer, au regard de son état de santé, un titre de séjour pour motif humanitaire. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
46. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les articles 11, 12 et 13 :
47. Les articles 11, 12 et 13 sont relatifs, d’une part, à certaines conditions de délivrance d’un titre de séjour pour motif d’études et, d’autre part, aux frais d’inscription des étudiants étrangers dans certains établissements d’enseignement supérieur.
48. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la place de l’article 11 dans la loi déférée. Les députés requérants soutiennent que cet article ainsi que les articles 12 et 13 n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
49. Sur le fond, les sénateurs requérants reprochent à l’article 11 de méconnaître le principe d’égalité devant la loi.
50. Les députés requérants estiment, quant à eux, que l’article 12 méconnaîtrait ce même principe ainsi que la liberté d’enseignement.
51. L’article 11 introduit un nouvel article L. 412-11 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de subordonner la première délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » au dépôt d’une caution par l’étranger.
52. L’article 12 modifie les articles L. 411-4 et L. 432-9 du même code pour déterminer les modalités de justification du caractère sérieux et réel des études suivies par un étranger bénéficiant d’une carte de séjour portant la mention « étudiant » et les conséquences de leur méconnaissance.
53. L’article 13 modifie l’article L. 719-4 du code de l’éducation afin de prévoir que sont majorés les droits d’inscription versés aux établissements publics d’enseignement supérieur à caractère scientifique, culturel ou professionnel par les étudiants étrangers en mobilité internationale.
54. Introduits en première lecture, les articles 11 et 12 ont pour objet de modifier certaines conditions spécifiques que l’étranger devrait désormais remplir pour bénéficier d’un titre de séjour pour motif d’études. L’article 13 est quant à lui relatif aux droits d’inscription appliqués aux étudiants internationaux par des établissements publics d’enseignement supérieur. Ces dispositions ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
55. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 14 :
56. L’article 14 prévoit, à titre expérimental, que, lorsque l’autorité administrative envisage de refuser de délivrer ou de renouveler un titre de séjour demandé par un étranger, elle examine tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de certains autres titres de séjour. En cas de refus de son admission au séjour, toute nouvelle demande présentée par l’étranger avant l’expiration du délai d’un an est déclarée irrecevable, sauf éléments de fait ou de droit nouveaux.
57. Les députés requérants soutiennent tout d’abord que ces dispositions seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, faute que l’expérimentation prévue s’accompagne d’un renforcement des services préfectoraux chargés de l’instruction des demandes.
58. Ils reprochent également à ces dispositions de méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense. Au soutien de ces griefs, ils font valoir que l’irrecevabilité qui pourra être opposée à une nouvelle demande de l’étranger serait insusceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. En outre, en présumant le caractère abusif ou dilatoire de cette demande, ces dispositions opéreraient un renversement de la charge de la preuve au détriment de l’étranger. Ils critiquent, par ailleurs, l’impossibilité d’exercer un recours de plein contentieux contre les décisions de refus de titre de séjour.
59. Enfin, selon les députés requérants, ces dispositions institueraient une différence de traitement injustifiée entre les étrangers selon que leur demande de titre de séjour relève ou non de l’expérimentation, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
60. En premier lieu, si le législateur peut prendre à l’égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent notamment la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 2 de cette déclaration, et le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
61. En application des dispositions contestées, à titre expérimental, lorsqu’un étranger demande la délivrance ou le renouvellement de l’un des titres de séjour mentionnés aux chapitres Ier à III, aux sections 1 et 2 du chapitre V et au chapitre VI du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et que l’autorité administrative envisage de rejeter sa demande, elle doit examiner tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de l’un de ces autres titres de séjour. À l’issue de la procédure d’examen, elle peut délivrer à l’étranger, sous réserve de son accord, un titre de séjour différent de celui initialement demandé. En cas de refus d’admission au séjour, l’autorité administrative déclare irrecevable toute nouvelle demande présentée par l’étranger avant l’expiration du délai d’un an.
62. Il résulte des travaux préparatoires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu à la fois faciliter l’admission au séjour de l’étranger dont la situation peut justifier que lui soit reconnu un titre différent de celui faisant l’objet de sa demande initiale, et éviter à l’autorité administrative d’avoir à examiner successivement des demandes de titres de séjour émanant d’une même personne.
63. D’une part, le paragraphe II de l’article 14 prévoit que le demandeur transmet à l’autorité administrative, à l’appui de sa demande, l’ensemble des éléments justificatifs nécessaires à l’autorité administrative pour prendre une décision. Sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, ces dispositions doivent s’entendre comme imposant à l’autorité administrative d’informer l’étranger, lors du dépôt de sa demande, qu’il doit transmettre l’ensemble des éléments justificatifs permettant d’apprécier sa situation au regard de tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de l’un des titres de séjour précités.
64. D’autre part, dans les cas où l’autorité administrative a opposé un refus d’admission au séjour à l’étranger, ce dernier a la faculté de présenter une nouvelle demande avant l’expiration du délai d’un an à compter de ce refus s’il atteste d’éléments de fait ou de droit nouveaux susceptibles de permettre la délivrance d’un titre de séjour de plein droit. Toutefois, en excluant une telle faculté pour les autres titres de séjour, ces dispositions n’assurent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. Par conséquent, les mots « de plein droit » figurant à la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe IV de l’article 14 sont contraires à la Constitution.
65. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 63, en adoptant le reste des dispositions contestées, le législateur n’a pas porté une atteinte disproportionnée aux exigences constitutionnelles précitées. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences doivent donc être écartés.
66. En deuxième lieu, selon l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense.
67. D’une part, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de priver l’étranger auquel est opposée l’irrecevabilité d’une nouvelle demande de la possibilité de contester cette décision devant le juge administratif.
68. D’autre part, si le caractère abusif ou dilatoire de la nouvelle demande est présumé, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que l’étranger peut toujours produire des éléments de fait ou de droit nouveaux susceptibles de permettre la délivrance d’un titre de séjour.
69. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et du respect des droits de la défense ne peuvent qu’être écartés.
70. En dernier lieu, aux termes de l’article 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Cette disposition permet au Parlement d’autoriser des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi.
71. Le grief tiré de l’inégalité de traitement entre les étrangers soumis à l’expérimentation et ceux qui n’y sont pas soumis, laquelle est la conséquence nécessaire de la mise en œuvre de l’expérimentation, ne peut qu’être écarté.
72. Il résulte de tout ce qui précède que, à l’exception des mots « de plein droit » figurant à la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe IV de l’article 14 de la loi déférée, les paragraphes I et III, le reste du paragraphe IV et le paragraphe V de ce même article ainsi que, sous la réserve énoncée au paragraphe 63, son paragraphe II, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 15 :
73. L’article 15 réécrit l’article L. 1113-1 du code des transports en vue notamment d’exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la réduction tarifaire accordée pour certains titres de transport aux personnes remplissant des conditions de ressources.
74. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
75. Sur le fond, ils reprochent également à ces dispositions de méconnaître le droit à la protection de la santé et le principe d’égalité devant la loi.
76. L’article 15 prévoit que les personnes ne résidant pas sur le territoire français de manière régulière ne peuvent bénéficier de la réduction tarifaire appliquée, sous condition de ressources, sur les titres de transport dans l’aire de compétence des autorités organisatrices de la mobilité et, dans la région d’Île-de-France, dans l’aire de compétence d’Île-de-France Mobilités.
77. Introduites en première lecture, ces dispositions, qui ont pour objet de modifier les règles de tarification de certains titres de transport, ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
78. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 16 :
79. L’article 16 insère un nouvel article L. 312-4-1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui prévoit qu’un visa de long séjour est délivré de plein droit aux ressortissants britanniques propriétaires d’une résidence secondaire en France.
80. Les députés requérants soutiennent que l’article 16 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
81. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier les conditions spécifiques de séjour en France de certains ressortissants britanniques. Ces dispositions ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
82. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 17 :
83. L’article 17 insère un nouvel article L. 822-1 A au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que le séjour irrégulier d’un étranger majeur est puni d’une peine d’amende délictuelle et d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français.
84. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
85. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de réprimer le séjour irrégulier d’un étranger sur le territoire national. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 9 du projet de loi initial, celles de l’article 11 qui autorisait le recours à la coercition pour le prélèvement des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger en situation irrégulière et celles de l’article 14 qui visait à aggraver, lorsqu’elle est commise en bande organisée et dans des circonstances exposant les étrangers à certains risques, les peines réprimant l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
86. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 18 :
87. L’article 18 modifie l’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’aggraver la peine d’amende punissant le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou d’acquérir la nationalité française.
88. Les députés requérants soutiennent que l’article 18 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
89. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier la peine d’amende réprimant certains comportements frauduleux visant à obtenir un titre de séjour ou à acquérir la nationalité française. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 14 de la loi. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
90. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 19 :
91. L’article 19 modifie les articles L. 300-1 et L. 822-2 du code de la construction et de l’habitation ainsi que l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, et complète l’article L. 232-1 du code de l’action sociale et des familles afin d’instaurer une condition minimale de résidence en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle pour bénéficier de certains droit, aide et allocation ou de certaines prestations.
92. La présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la place de l’article 19 dans la loi déférée. Les députés et sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
93. Sur le fond, la présidente de l’Assemblée nationale demande au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité de l’article 19 au droit de mener une vie familiale normale, au droit au respect de la vie privée et au principe d’égalité devant la loi. Les députés et sénateurs requérants reprochent, quant à eux, à cet article de méconnaître ce même principe. Les députés requérants considèrent en outre que ces dispositions méconnaîtraient les exigences des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 et le droit à l’éducation. Enfin, les sénateurs requérants estiment qu’elles méconnaîtraient l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi.
94. L’article 19 a pour objet de soumettre le bénéfice du droit au logement, de l’aide personnelle au logement, de l’allocation personnalisée d’autonomie et des prestations familiales pour l’étranger non ressortissant de l’Union européenne à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans ou d’affiliation au titre d’une activité professionnelle depuis au moins trente mois.
95. Introduites en première lecture, ces dispositions relevant de la législation sociale ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
96. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place des articles 24, 25 et 26 :
97. L’article 24 complète l’article 25 du code civil relatif à la déchéance de nationalité française. L’article 25 modifie l’article 21-7 du même code relatif à l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. L’article 26 modifie l’article 21-27 de ce code relatif à certains modes d’acquisition de la nationalité française.
98. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que les articles 24 à 26 n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’ils auraient été introduits en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
99. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à certaines conditions d’acquisition ou de déchéance de la nationalité française ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
100. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur l’article 32 :
101. L’article 32 modifie l’article 175‑2 du code civil relatif aux prérogatives du procureur de la République en cas de suspicion de mariage frauduleux.
102. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
103. Sur le fond, ils reprochent à cet article de porter une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, au droit de mener une vie familiale normale et à la liberté du mariage.
104. L’article 32 prévoit que, en cas de suspicion de mariage frauduleux signalée par l’officier de l’état civil, le silence gardé pendant quinze jours par le procureur de la République entraîne désormais par défaut, et pour deux mois renouvelables une fois, le sursis à la célébration du mariage.
105. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives au contrôle des conditions requises pour pouvoir contracter mariage ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
106. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 33 :
107. L’article 33 modifie l’article L. 423‑22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au jeune majeur ayant été confié au service de l’aide sociale à l’enfance au plus tard le jour de ses seize ans est désormais subordonnée à l’absence avérée de liens avec sa famille restée dans son pays d’origine.
108. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
109. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier les conditions que certains étrangers doivent remplir pour se voir délivrer un titre de séjour pour motif familial. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6 et 7 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
110. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 35 :
111. Le 2 ° du paragraphe I de l’article 35 modifie les articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’étendre les cas dans lesquels, par dérogation aux protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers en application de ces dispositions, ces derniers peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion.
112. Selon les députés et les sénateurs requérants, ces dispositions élargiraient excessivement les cas dans lesquels il peut être dérogé aux protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers contre une mesure d’expulsion. À cet égard, les députés requérants font valoir que, en prévoyant qu’une décision d’expulsion peut être fondée sur « la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République », ces dispositions seraient entachées d’inintelligibilité. Ils soutiennent en outre qu’elles porteraient une atteinte disproportionnée aux « droits fondamentaux des étrangers » et méconnaîtraient les principes d’individualisation des peines et de la présomption d’innocence, ainsi que le principe d’égalité devant la loi. Les sénateurs requérants critiquent, quant à eux, le fait qu’une expulsion puisse être décidée sur le seul fondement de la peine encourue par un étranger ayant fait l’objet d’une condamnation définitive, indépendamment de la peine effectivement prononcée à son encontre, quand bien même il justifierait de liens particuliers avec la France. Il en résulterait une méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale, du droit au respect de la vie privée et de la liberté d’aller et de venir.
. En ce qui concerne le sixième alinéa de l’article L. 631-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et le neuvième alinéa de l’article L. 631-3 du même code, dans leur rédaction résultant de l’article 35 :
113. Aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l’autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.
114. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles.
115. Selon l’article L. 631-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut décider d’expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du même code.
116. Les étrangers relevant de l’une des catégories mentionnées à l’article L. 631-2 ne peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique et sous réserve que l’article L. 631-3 n’y fasse pas obstacle. Ceux qui relèvent de l’une des catégories mentionnées à ce dernier article ne peuvent faire l’objet d’une décision d’expulsion qu’en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.
117. Les dispositions contestées prévoient que, par dérogation aux articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’étranger relevant de l’une des catégories mentionnées à ces articles peut faire l’objet d’une décision d’expulsion lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une condamnation définitive pour des crimes ou certains délits.
118. En premier lieu, si l’autorité administrative peut désormais décider l’expulsion d’un étranger protégé au titre de l’une des catégories mentionnées aux articles L. 631-2 et L. 631-3 lorsqu’il a été condamné définitivement pour un crime ou un délit puni, selon les cas, de trois ans ou cinq ans d’emprisonnement au moins, sa décision doit être justifiée et proportionnée aux raisons l’ayant motivée. À ce titre, il lui appartient de démontrer, à partir des faits précis et circonstanciés qu’elle est en mesure d’invoquer, que la présence de l’étranger sur le territoire national constitue toujours, à la date à laquelle elle se prononce et quelle que soit l’infraction que l’intéressé a commise, une menace grave et actuelle pour l’ordre public. Il lui appartient en outre de prendre en considération la situation personnelle et familiale de l’étranger.
119. En second lieu, l’étranger peut exercer un recours contre la décision d’expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l’exécution de la mesure d’expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Le juge administratif est alors chargé de s’assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu’elle poursuit.
120. Dès lors, le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.
121. Par conséquent, le sixième alinéa de l’article L. 631-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et le neuvième alinéa de l’article L. 631-3 du même code, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions du premier alinéa de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 35 :
122. En premier lieu, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi.
123. Les dispositions contestées du premier alinéa de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient que la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République est constitutive d’un comportement de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État.
124. En faisant référence aux principes de la République qui sont énoncés à l’article L. 412-7 du même code dans sa rédaction issue de l’article 46 de la loi déférée, ces dispositions ne sont pas inintelligibles.
125. En second lieu, la décision d’expulsion ne constitue pas une sanction ayant le caractère d’une punition mais une mesure de police administrative. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’individualisation des peines et de la présomption d’innocence ne peuvent qu’être écartés.
126. Par conséquent, les mots « dont la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République énoncés à l’article L. 412-7 » figurant au premier alinéa de l’article L. 631-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d’égalité devant la loi ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 37 :
127. Le 1 ° de l’article 37 réécrit l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de supprimer les protections dont bénéficient certaines catégories d’étrangers contre le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français, à l’exception des mineurs de dix-huit ans.
128. Les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions priveraient de garanties légales le droit de mener une vie familiale normale, le droit au respect de la vie privée et la liberté d’aller et de venir. Les députés requérants soutiennent quant à eux qu’elles porteraient une atteinte disproportionnée aux « droits fondamentaux des étrangers » et méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi.
129. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre qu’une décision portant obligation de quitter le territoire français puisse être prononcée y compris à l’encontre d’étrangers qui bénéficiaient jusqu’alors d’un régime de protection. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.
130. En deuxième lieu, d’une part, les dispositions contestées maintiennent la protection dont bénéficie l’étranger mineur de dix-huit ans.
131. D’autre part, il résulte de l’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 37 de la loi déférée, que la décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée et qu’elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. Il appartient en particulier à l’autorité administrative d’apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si l’étranger peut se prévaloir d’une résidence stable et régulière sur le territoire français de nature à avoir fait naître entre lui et le pays d’accueil des liens multiples.
132. En dernier lieu, en application de l’article L. 722-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’éloignement effectif de l’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l’expiration du délai ouvert pour contester cette décision devant le tribunal administratif ni avant que celui-ci n’ait statué s’il a été saisi.
133. Il résulte de ce qui précède que le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.
134. Par conséquent, l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaît pas non plus le principe d’égalité devant la loi ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur l’article 38 :
135. L’article 38 modifie les articles L. 331-2 et L. 813-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’autoriser le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d’un étranger sans son consentement.
136. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de ne pas entourer le recours à la contrainte physique de garanties suffisantes, tenant en particulier à la présence de l’avocat lors des opérations de relevés signalétiques, à l’information de la personne intéressée des conséquences de son refus et à la prise en compte de son éventuelle minorité ou vulnérabilité. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance de la liberté individuelle, du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ainsi que des exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789.
137. Il résulte des articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789 le principe selon lequel la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire.
138. Selon le 3 ° de l’article L. 142-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé de données à caractère personnel les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers qui sont en situation irrégulière en France, qui font l’objet d’une décision d’éloignement du territoire français ou qui, ayant été contrôlés à l’occasion du franchissement de la frontière en provenance d’un pays tiers aux États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ne remplissent pas les conditions d’entrée prévues à l’article 6 du règlement du 9 mars 2016 mentionné ci-dessus ou à l’article L. 311-1 du même code.
139. Les dispositions contestées permettent à l’officier de police judiciaire de recourir à la contrainte pour procéder aux opérations de prise d’empreintes ou de photographie d’un étranger, en cas de refus caractérisé de ce dernier de se soumettre à ces opérations à l’occasion d’un contrôle aux frontières extérieures ou dans le cadre d’un placement en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Ce recours à la contrainte, qui ne peut concerner les mineurs, est strictement proportionné et tient compte de la vulnérabilité de la personne.
140. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter l’identification des étrangers en situation irrégulière. Il a ainsi poursuivi l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l’ordre public, objectif de valeur constitutionnelle.
141. Toutefois, d’une part, ces dispositions se bornent à prévoir que l’officier de police judiciaire qui décide de procéder à la prise d’empreintes ou de photographie sans le consentement de l’intéressé en informe préalablement le procureur de la République. Ces opérations ne sont ainsi ni soumises à l’autorisation de ce magistrat, saisi d’une demande motivée en ce sens, ni subordonnées à la démonstration qu’elles constituent l’unique moyen d’identifier la personne qui refuse de s’y soumettre.
142. D’autre part, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne prévoient que, lorsque la personne contrôlée ou retenue a demandé l’assistance d’un avocat, la prise d’empreintes digitales ou de photographie sans son consentement doit être effectuée en la présence de ce dernier.
143. Dès lors, les dispositions contestées privent de garanties légales les exigences constitutionnelles précitées.
144. Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 38 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution.
- Sur la place de l’article 39 :
145. L’article 39 insère un nouvel article L. 142‑3‑1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoyant le recueil au sein d’un fichier des empreintes digitales et de la photographie relevées sur des mineurs se déclarant privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale.
146. Les députés et les sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
147. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 11 du projet de loi initial, qui autorisait le relevé des empreintes digitales et de la photographie d’un étranger en situation irrégulière sans son consentement. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
148. Il en résulte que l’article 39 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 42 :
149. L’article 42 modifie les articles L. 732-4 et L. 732-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de porter à un an, renouvelable deux fois, la durée de l’assignation à résidence dont peuvent faire l’objet certains étrangers soumis à une mesure d’éloignement.
150. Les députés requérants font valoir qu’en portant à trois ans la durée maximale de l’assignation à résidence dont peuvent faire l’objet certains étrangers, alors même qu’ils ne présenteraient aucun risque de menace à l’ordre public, ces dispositions porteraient une atteinte manifestement excessive à la liberté d’aller et de venir, au droit de mener une vie familiale normale et à la liberté individuelle.
151. En application de l’article L. 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut, dans certains cas, autoriser l’étranger faisant l’objet d’une décision d’éloignement et qui justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français, ou ne pouvoir ni regagner son pays d’origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l’assignant à résidence jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation.
152. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque l’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé, lorsqu’il doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour ou de circulation sur le territoire français ou pour la mise en œuvre d’une décision prise par un autre État, ou lorsqu’il doit être remis aux autorités d’un autre État, cette assignation à résidence ne peut excéder une durée d’un an, renouvelable deux fois dans la même limite de durée.
153. En premier lieu, l’objet de la mesure d’assignation à résidence est, d’une part, de garantir la représentation de l’étranger soumis à une mesure d’éloignement du territoire et, d’autre part, d’organiser les conditions de son maintien temporaire sur le territoire français, alors qu’il n’a pas de titre l’autorisant à y séjourner, en tenant compte des troubles à l’ordre public que ce maintien est susceptible d’occasionner. Ainsi, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
154. En second lieu, compte tenu des restrictions que le législateur peut apporter à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale pour des étrangers dont le séjour n’est pas régulier et qui sont sous le coup d’une mesure d’éloignement, il lui était loisible de fixer à un an, renouvelable deux fois, la durée de l’assignation à résidence afin de permettre à l’autorité administrative d’exercer un contrôle sur l’étranger jusqu’à l’exécution de la décision d’éloignement dont celui-ci fait l’objet.
155. Toutefois, le renouvellement de la mesure d’assignation à résidence au-delà d’une durée d’un an en accroît la rigueur. Dès lors, il appartient à l’autorité administrative de retenir, lors de chaque renouvellement, des conditions et des lieux d’assignation à résidence tenant compte, dans la contrainte qu’ils imposent à l’intéressé, du temps passé sous ce régime et des liens familiaux et personnels noués par ce dernier.
156. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée aux exigences constitutionnelles précitées.
157. Par conséquent, sous cette même réserve, les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot « deux » figurant à la première phrase du second alinéa du même article et les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-5 du même code, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté individuelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur la place de l’article 44 :
158. L’article 44 modifie l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir une exception à l’obligation de prise en charge par les services départementaux, dans le cadre d’un contrat jeune majeur, des majeurs de vingt et un ans précédemment confiés à l’aide sociale à l’enfance, lorsqu’ils ont fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français.
159. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
160. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 10 du projet de loi initial. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
161. Il en résulte que l’article 44 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur la place de l’article 45 :
162. L’article 45 modifie l’article L. 221‑2‑4 du code de l’action sociale et des familles afin de prévoir que l’évaluation de la situation d’une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est réalisée sur la base d’un cahier des charges national défini en concertation avec les départements.
163. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
164. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives au régime d’aide et d’action sociales dont bénéficient certaines catégories de personnes vulnérables ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
165. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 46 :
166. L’article 46 insère notamment un nouvel article L. 412-7 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République par l’étranger qui sollicite un document de séjour.
167. Les députés requérants reprochent tout d’abord à ces dispositions d’utiliser le terme de « contrat » pour désigner un engagement unilatéral et de définir de manière imprécise les obligations qu’implique pour l’étranger la souscription d’un tel contrat. Il en résulterait une méconnaissance de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi. Ils soutiennent également que, en prévoyant que les étrangers ne peuvent se prévaloir de leurs croyances ou de leurs convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers, ces dispositions introduiraient une discrimination entre les étrangers et les citoyens français. Il en résulterait une méconnaissance de l’article 1er de la Constitution. En outre, ils font valoir que ces dispositions restreindraient de façon disproportionnée la liberté d’opinion ainsi que la liberté de communication.
168. Enfin, les députés requérants demandent au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées du 3 ° de l’article L. 823-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment au regard du principe de légalité des délits et des peines ainsi que du principe de fraternité.
169. Les dispositions contestées prévoient que l’étranger qui souhaite obtenir la délivrance d’un document de séjour est tenu de souscrire un contrat par lequel il s’engage à respecter les principes de la République.
170. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, en souscrivant à ce contrat, l’étranger s’engage à respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et à ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers. Ni la notion de contrat ni les obligations que ce contrat emporte pour l’étranger ne sont inintelligibles.
171. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi doit être écarté.
172. En deuxième lieu, aux termes de l’article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». En vertu de son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Selon les trois premières phrases du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
173. Loin de méconnaître ces exigences constitutionnelles, le législateur a pu, pour en assurer la protection, prévoir qu’un étranger qui sollicite la délivrance d’un document de séjour doit s’engager à respecter des principes, parmi lesquels figure la liberté d’expression et de conscience, qui s’imposent à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. À cette fin, c’est à bon droit qu’il a imposé aux ressortissants étrangers, qui ne se trouvent pas dans la même situation que celle des nationaux, la souscription d’un contrat prévoyant l’engagement de respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et de ne pas se prévaloir de ses croyances ou de ses convictions pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers.
174. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences des articles 10 et 11 de la Déclaration de 1789 et de l’article 1er de la Constitution doivent être écartés.
175. En dernier lieu, la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.
176. L’article 46 de la loi déférée ne modifie pas les dispositions déjà promulguées du 3 ° de l’article L. 823-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif à certains cas d’exemption de poursuites pénales en matière d’aide à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger. Il ne les complète pas davantage, ni n’en affecte le domaine d’application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies.
177. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ainsi que du principe de fraternité ne peuvent qu’être écartés.
178. Par conséquent, le premier alinéa de l’article L. 412-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
- Sur la place de l’article 47 :
179. Les députés requérants soutiennent que l’article 47 n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
. En ce qui concerne les paragraphes I et II :
180. Les paragraphes I et II insèrent deux nouveaux articles L. 312‑1‑1 et L. 312‑3‑1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir la possibilité de refuser le visa de long séjour et certains visas de court séjour aux ressortissants d’un État coopérant insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires.
181. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 13 du projet de loi initial, qui introduisait pour la délivrance ou le retrait de certains documents de séjour de nouveaux critères tenant à l’engagement de l’étranger de respecter les principes de la République, l’établissement de sa résidence effective et habituelle en France ou l’absence de menace grave à l’ordre public. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
182. Il en résulte que les paragraphes I et II de l’article 47 ont été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution.
. En ce qui concerne les paragraphes III et IV :
183. Les paragraphes III et IV complètent l’article 1er de la loi du 4 août 2021 mentionnée ci-dessus et l’article L. 515‑13 du code monétaire et financier afin de prévoir que l’aide au développement solidaire doit prendre en compte le degré de coopération des États en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
184. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à l’aide internationale au développement ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
185. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 48 :
186. L’article 48 insère un nouvel article L. 414‑1‑1 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que, lorsqu’il prend une décision de refus de séjour, de retrait d’un titre ou d’un document de séjour ou d’expulsion, le représentant de l’État dans le département informe sans délai les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi. Il précise également certaines conditions dans lesquelles ces organismes procèdent à la radiation de l’assuré étranger.
187. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
188. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de prévoir l’information des organismes de protection sociale en vue de procéder à la radiation de certains assurés sociaux. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 13 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
189. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 50 :
190. L’article 50 complète l’article L. 711‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de préciser que l’aide au retour dans le pays d’origine susceptible de bénéficier à l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ne peut lui être attribuée qu’une seule fois.
191. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
192. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier une mesure d’accompagnement dont peuvent bénéficier certains étrangers en situation irrégulière. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 10 du projet de loi initial et avec celles de son article 18, qui instituait un nouveau motif obligatoire de refus de délivrance de visa et d’entrée en France lorsque l’étranger n’a pas déféré à une obligation de quitter le territoire français dont il aurait fait l’objet depuis moins de cinq ans. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
193. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 51 :
194. L’article 51 modifie l’article L. 751‑10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin d’étendre la liste des cas dans lesquels est regardé comme établi un risque non négligeable de fuite permettant de justifier le placement en rétention de certains demandeurs d’asile faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge par un autre État membre de l’Union européenne.
195. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
196. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 11 du projet de loi initial et avec celles de son article 12, visant à interdire le placement en centre de rétention administrative de tout étranger accompagné d’un mineur de moins de seize ans. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
197. Il en résulte que l’article 51 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 58 :
198. L’article 58 modifie les articles L. 332-2, L. 333-2, L. 352-3 et L. 361-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatifs aux décisions de refus d’entrée à la frontière ou au titre de l’asile.
199. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
200. Sur le fond, ils reprochent à ces dispositions de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et au droit d’asile et de méconnaître la liberté individuelle.
201. L’article 58 supprime, sauf pour les mineurs, le délai d’un jour franc dont peut demander à bénéficier l’étranger faisant l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire français avant son rapatriement.
202. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier les conditions d’exécution des décisions portant refus d’entrée. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 11 du projet de loi initial et celles de son article 16, qui visait à mettre en cohérence le droit national avec les dispositions européennes portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
203. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 63 :
204. L’article 63 modifie les articles L. 531‑36, L. 531‑38 et L. 531‑39 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, afin de prévoir que, lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides est informé par le demandeur du retrait de sa demande d’asile, il clôture l’examen de cette dernière. Ces dispositions prévoient également que l’office peut prendre une décision de clôture d’examen d’une demande d’asile lorsque le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé.
205. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
206. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l’article 19 du projet de loi initial qui avait pour objet de créer des pôles territoriaux « France asile » en vue d’effectuer l’introduction de la demande d’asile auprès de l’office. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté.
207. Il en résulte que l’article 63 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.
- Sur l’article 65 :
208. L’article 65 modifie les articles L. 561-2 à L. 561-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatifs au régime de la réunification familiale reconnu au réfugié ou au bénéficiaire de la protection subsidiaire.
209. Les députés requérants soutiennent que certaines dispositions de cet article méconnaîtraient le droit de mener une vie familiale normale, le droit au respect de la vie privée, le principe de clarté de la loi ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
210. L’article 65 modifie les critères tenant à l’âge et à l’établissement d’un lien de filiation permettant de demander la réunification familiale, ainsi que la date à laquelle doit s’apprécier la minorité de l’enfant. Il complète la liste des cas dans lesquels la réunification familiale est refusée pour prendre en compte la circonstance dans laquelle le conjoint, le partenaire d’union civile, le concubin ou l’enfant ont cessé d’entretenir avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire des relations suffisamment stables et continues pour former avec lui une famille. Il limite également à dix-huit mois après l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire le délai pour présenter la demande de visa dans le cadre de la procédure de réunification familiale.
211. Introduites en première lecture, ces dispositions ont pour objet de modifier des conditions encadrant le droit pour un réfugié d’être rejoint par certains membres de sa famille. Elles ne présentent ainsi pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 1er, 3, 6, 7, 13 et 18 du projet de loi initial. Elles ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
212. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 66 :
213. L’article 66 modifie le premier alinéa des articles L. 551-15 et L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que, dans certains cas, l’Office français de l’immigration et de l’intégration refuse les conditions matérielles d’accueil auxquelles peut prétendre un demandeur d’asile ou y met fin.
214. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de ne plus permettre à l’autorité administrative de prendre en compte la situation particulière du demandeur d’asile lorsqu’elle refuse les conditions matérielles d’accueil ou décide d’y mettre fin. Selon eux, une telle décision, qui aurait le caractère d’une sanction automatique, priverait ainsi le demandeur d’asile et sa famille de moyens convenables d’existence. Il en résulterait une méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que des principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines.
215. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».
216. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garantie légale des exigences constitutionnelles.
217. En application de l’article L. 551-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les conditions matérielles d’accueil, qui comprennent certaines prestations ainsi que le versement d’une allocation, sont proposées à chaque demandeur d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Les articles L. 551-15 et L. 551-16 du même code prévoient que, dans certains cas, les conditions matérielles d’accueil peuvent être refusées à un demandeur d’asile ou qu’il peut y être mis fin.
218. Si les dispositions contestées des articles L. 551-15 et L. 551-16 prévoient désormais que, dans ces mêmes cas, les conditions matérielles d’accueil sont refusées à un demandeur d’asile ou qu’il y est mis fin, il ressort des termes mêmes de ces articles, dans leur rédaction résultant de l’article 66 de la loi déférée, que l’autorité administrative doit respecter les prescriptions de l’article 20 de la directive du 26 juin 2013 mentionnée ci-dessus. Sa décision de refuser les conditions matérielles d’accueil ou d’y mettre fin est subordonnée à un examen préalable de la situation particulière de la personne concernée, et notamment de sa vulnérabilité.
219. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté.
220. Il en va de même des griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines, qui sont au demeurant inopérants s’agissant des dispositions contestées, dès lors qu’elles n’instituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition.
221. Par conséquent, le premier alinéa des articles L. 551-15 et L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 67 :
222. L’article 67 modifie les articles L. 345‑2, L. 345‑2-2 et L. 345‑2-4 du code de l’action sociale et des familles relatifs au dispositif d’hébergement d’urgence.
223. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
224. Sur le fond, ils reprochent à certaines de ces dispositions de méconnaître le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
225. L’article 67 confie directement à l’État la charge du service intégré d’accueil et d’orientation des personnes sans abri et prévoit que l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit au séjour en France et faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français ou d’une mesure d’expulsion ne peut être hébergé au sein du dispositif d’hébergement d’urgence que dans l’attente de son éloignement.
226. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives aux conditions d’hébergement d’urgence de certaines catégories de personnes sans abri ou en détresse ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
227. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 68 :
228. L’article 68 modifie l’article L. 302‑5 du code de la construction et de l’habitation afin d’inclure les places de certains hébergements destinés aux demandeurs d’asile dans les logements pris en compte au titre des obligations des communes tenant au nombre de logements locatifs sociaux sur leur territoire.
229. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
230. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives aux obligations des communes en matière de logement social ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
231. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place de l’article 69 :
232. L’article 69 modifie les articles L. 551-12 et L. 552-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin, d’une part, de prévoir que sauf décision motivée de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive de leur demande d’asile ne peuvent pas se maintenir dans le lieu d’hébergement dans lequel ils ont été admis, et d’autre part, de préciser les cas où l’autorité administrative compétente ou le gestionnaire du lieu d’hébergement saisit le juge, après mise en demeure restée infructueuse, afin qu’il soit enjoint à l’occupant d’un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile de l’évacuer.
233. Les députés requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
234. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à l’hébergement des demandeurs d’asile ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
235. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur certaines dispositions de l’article 70 :
236. Le 1 ° de l’article 70 insère deux nouveaux articles L. 131-5 et L. 131-7 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir les règles relatives à la présidence d’une formation de jugement de la Cour nationale du droit d’asile et de déterminer les formations dans lesquelles cette juridiction rend ses décisions.
237. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de prévoir que la Cour nationale du droit d’asile statue désormais à juge unique et non plus, sauf exception, dans une formation collégiale, ce qui nuirait à la qualité des échanges entre la formation de jugement et les demandeurs d’asile et s’opposerait à la bonne appréciation par le juge de leur situation. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense.
238. Les sénateurs requérants reprochent également à ces dispositions de faire dépendre la composition de la formation de jugement de la seule appréciation du président de la Cour nationale du droit d’asile ou du président de la formation de jugement. Il en résulterait une méconnaissance du droit au procès équitable, des droits de la défense ainsi que du principe d’égalité devant la justice.
239. Les députés requérants critiquent en outre l’imprécision de la condition tenant à l’expérience qu’un magistrat non permanent doit avoir acquise pour pouvoir présider une formation de jugement. Le législateur aurait ainsi méconnu l’étendue de sa compétence ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
240. En premier lieu, l’article 16 de la Déclaration de 1789 garantit le droit à un procès équitable et les droits de la défense.
241. Il résulte de l’article 6 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », et de son article 16 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.
242. Les dispositions contestées de l’article L. 131-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient qu’une formation de jugement de la Cour nationale du droit d’asile peut être présidée par un magistrat non permanent ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 131-7 du même code, les décisions de la Cour nationale du droit d’asile sont rendues par le président de la formation de jugement statuant seul, sauf si le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de formation de jugement décide qu’une affaire nécessite un examen devant une formation collégiale.
243. D’une part, le fait que la Cour nationale du droit d’asile statue à juge unique ne porte pas, par lui-même, atteinte aux droits de la défense. D’autre part, le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de la formation de jugement peut décider de sa propre initiative ou à la demande du requérant, de renvoyer l’examen d’une affaire à une formation collégiale à tout moment de la procédure, s’il estime que celle-ci pose une question qui le justifie. En laissant au président de la Cour nationale du droit d’asile ou au président de la formation de jugement le soin d’apprécier si une affaire requiert un examen devant une formation collégiale, le législateur n’a pas instauré de discrimination injustifiée entre les demandeurs d’asile auxquels sont assurées des garanties égales.
244. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au procès équitable, les droits de la défense et le principe d’égalité devant la justice. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.
245. En second lieu, en application de l’article L. 131-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les membres des formations de jugement sont astreints à participer à plus de douze journées d’audience par an. Or, lorsqu’elle siège en formation collégiale, la formation de jugement peut comprendre en vertu de l’article L. 131-6 du même code, outre son président et une personnalité qualifiée, un magistrat non permanent. Ainsi, en prévoyant qu’un magistrat non permanent doit avoir au moins six mois d’expérience en formation collégiale pour pouvoir statuer à juge unique, les dispositions contestées de l’article L. 131-5 impliquent nécessairement que ce magistrat n’ait pris part qu’à des audiences en formation collégiale au cours de cette période.
246. Dès lors, le législateur a défini de manière suffisamment précise la condition d’expérience prévue par ces dispositions. Les griefs tirés de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence et de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi doivent donc être écartés.
247. Par conséquent, les mots « ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour » figurant au premier alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article L. 131-7 du même code, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions des articles 72 et 76 :
248. Le paragraphe I de l’article 72 insère notamment au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un nouvel article L. 922-3 afin de prévoir les conditions dans lesquelles se déroule l’audience devant le président du tribunal administratif en matière de placement ou de maintien en rétention administrative ou en zone d’attente d’un étranger. Le paragraphe I de l’article 76 réécrit notamment les articles L. 342-6 et L. 743-7 du même code afin de prévoir les conditions dans lesquelles se déroule, dans cette matière, l’audience devant le juge des libertés et de la détention.
249. Les députés requérants soutiennent qu’en permettant un recours généralisé et discrétionnaire à la visioconférence pour la tenue des audiences en matière de rétention administrative et de maintien en zone d’attente, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un procès équitable. Selon eux, l’article 76 de la loi déférée méconnaîtrait en outre, pour les mêmes motifs, la liberté individuelle et le droit d’asile.
250. En application des articles L. 342-6 et L. 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction résultant de l’article 76 de la loi déférée, lorsque le juge des libertés et de la détention statue sur le maintien d’un étranger en zone d’attente ou en rétention administrative, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate de la zone d’attente ou du lieu de rétention. Selon l’article L. 922-3 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 72 de la loi déférée, lorsque l’étranger placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente exerce un recours devant la juridiction administrative, l’audience se tient dans cette même salle.
251. Les dispositions contestées de ces articles prévoient toutefois que le magistrat peut siéger, selon les cas, dans les locaux du tribunal administratif ou au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d’attente ou le lieu de rétention. Les deux salles d’audience sont alors reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle.
252. En premier lieu, en permettant que les audiences puissent se tenir au moyen d’une communication audiovisuelle, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice.
253. En deuxième lieu, d’une part, l’avocat de l’étranger peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il peut ainsi faire le choix d’être physiquement présent à ses côtés et a, en toute hypothèse, le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. D’autre part, une copie de l’intégralité du dossier est mise à la disposition de l’intéressé. En outre, les deux salles d’audience sont ouvertes au public et un procès-verbal attestant de la conformité des opérations effectuées est établi dans chacune des salles d’audience.
254. En dernier lieu, le moyen de communication audiovisuelle auquel il est recouru doit garantir la confidentialité et la qualité de la transmission. À ce titre, le président du tribunal administratif ou le juge des libertés et de la détention peut, de sa propre initiative ou à la demande des parties, suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger ou à son conseil de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
255. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable doit être écarté.
256. Par conséquent, le deuxième alinéa des articles L. 342-6 et L. 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaît pas non plus la liberté individuelle, le droit d’asile ni aucune autre exigence constitutionnelle, et le deuxième alinéa de l’article L. 922-3 du même code, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur certaines dispositions de l’article 77 :
257. Le 1 ° du paragraphe I de l’article 77 réécrit l’article L. 342-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin notamment de prévoir que le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention statue sur une requête aux fins de maintien en zone d’attente peut être porté à quarante-huit heures en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel.
258. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de permettre la prolongation du délai de jugement imparti au juge des libertés et de la détention pour un motif qui ne viserait, selon eux, qu’à pallier l’insuffisance des moyens mis en œuvre par l’État. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle.
259. Aux termes de l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l’autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis. Dans l’exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d’intervention de l’autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu’il entend édicter. La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible.
260. En application des articles L. 341-1 et L. 351-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’administration peut décider de placer en zone d’attente l’étranger qui n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français ainsi que l’étranger qui demande à entrer en France au titre de l’asile. Le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision de placement initiale peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention.
261. Selon le premier alinéa de l’article L. 342-5 du même code, lorsqu’il est saisi d’une requête aux fins de maintien en zone d’attente, le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine. Les dispositions contestées du deuxième alinéa de cet article prévoient que ce délai peut être porté à quarante-huit heures en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel.
262. D’une part, si le délai imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer peut conduire à priver de liberté la personne placée en zone d’attente pendant une durée supplémentaire de quarante-huit heures, la privation de liberté en résultant, jusqu’au prononcé de l’ordonnance, ne peut excéder une durée totale de six jours.
263. D’autre part, le délai de jugement ne peut être allongé que sur décision du premier président, qui doit apprécier si la présence simultanée d’un nombre important d’étrangers en zone d’attente est, au regard des contraintes du service juridictionnel, effectivement de nature à justifier cet allongement.
264. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences de l’article 66 de la Constitution.
265. Par conséquent, les mots « ou, par ordonnance du premier président, en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 342-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
- Sur l’article 81 :
266. L’article 81 modifie l’article 2493 du code civil et insère de nouveaux articles 2535 à 2540 au sein du même code afin de modifier les conditions d’acquisition de la nationalité française pour les mineurs nés de parents étrangers dans certains territoires ultramarins.
267. Les sénateurs requérants soutiennent que cet article n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution.
268. Sur le fond, les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître les principes d’égalité devant la loi et d’indivisibilité de la République.
269. L’article 81 modifie le régime spécifique applicable à Mayotte pour l’acquisition de la nationalité française par un enfant né de parents étrangers. Il introduit également un régime dérogatoire applicable à la collectivité territoriale de Guyane et à Saint-Martin.
270. Introduites en première lecture, ces dispositions relatives à certaines conditions d’acquisition de la nationalité française ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
271. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée :
272. L’article 22 réécrit l’article L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que les actes et les décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, doivent être préalablement légalisés. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 13 du projet de loi initial.
273. Le 2 ° de l’article 64 insère un nouvel article L. 542‑7 au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que la décision définitive de rejet d’une demande d’asile prononcée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides entraîne immédiatement l’interruption de la prise en charge des frais de santé de l’étranger. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées de l’article 10 du projet de loi initial.
274. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
275. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
- Sur les autres dispositions :
276. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration :
le deuxième alinéa du 1 ° et le 2 ° de l’article 1er ;
les articles 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 ;
les mots « de plein droit » figurant à la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe IV de l’article 14 ;
les articles 15, 16, 17, 18, 19, 22, 24, 25, 26, 32, 33, 38 et 45 ;
les paragraphes III et IV de l’article 47 ;
les articles 48, 50 et 58 ;
le 2 ° de l’article 64 ;
les articles 65, 67, 68, 69 et 81.
Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
sous la réserve énoncée au paragraphe 63, le paragraphe II de l’article 14 de la loi déférée ;
sous la réserve énoncée au paragraphe 155, les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot « deux » figurant à la première phrase du second alinéa du même article et les mots « d’un an » figurant au premier alinéa de l’article L. 732-5 du même code, dans leur rédaction résultant de l’article 42 de la loi déférée.
Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
le reste de l’article L. 123-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée ;
les paragraphes I et III, le reste du paragraphe IV et le paragraphe V de l’article 14 de la loi déférée ;
le sixième alinéa de l’article L. 631-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots « dont la violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République énoncés à l’article L. 412-7 » figurant au premier alinéa de l’article L. 631-3 du même code et son neuvième alinéa, dans leur rédaction résultant de l’article 35 de la loi déférée ;
l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 37 de la loi déférée ;
le premier alinéa de l’article L. 412-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de l’article 46 de la loi déférée ;
le premier alinéa des articles L. 551-15 et L. 551-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction résultant de l’article 66 de la loi déférée ;
les mots « ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour » figurant au premier alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article L. 131-7 du même code, dans leur rédaction issue de l’article 70 de la loi déférée ;
le deuxième alinéa de l’article L. 922-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de l’article 72 de la loi déférée ;
le deuxième alinéa des articles L. 342-6 et L. 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans leur rédaction résultant de l’article 76 de la loi déférée ;
les mots « ou, par ordonnance du premier président, en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel » figurant au deuxième alinéa de l’article L. 342-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 77 de la loi déférée.
Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 24 et 25 janvier 2024, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 25 janvier 2024.
JORF n°0022 du 27 janvier 2024, texte n° 2
ECLI : FR : CC : 2024 : 2023.863.DC