COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 octobre 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 633 F-B
Pourvoi n° G 22-15.781
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 OCTOBRE 2023
Le Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain (SNCAO-GA), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-15.781 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société DLM Communication, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Canet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [Y], de la société DLM Communication et de la société Canet, ès qualités, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Exposé du litige
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2022), à partir de 1979, l'association Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain (le Syndicat) a confié à la société DLM Communication (la société DLM) la communication et la publicité relatives à sa Foire nationale à la brocante et aux jambons de [Localité 5], organisée deux fois par an.
2. Le Syndicat lui ayant notifié le 21 novembre 2013 la rupture de leurs relations, la société DLM l'a assigné en réparation de son préjudice.
3. Par jugement du 1er avril 2015, la société DLM a été mise en redressement judiciaire, la SCP Canet-Morand étant nommée mandataire judiciaire. Un plan de continuation a été arrêté le 26 octobre 2016.
4. Le Syndicat a appelé en garantie M. [Y], gérant de la société DLM.
Moyens
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le Syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer brutale la rupture des relations contractuelles l'ayant lié à la société DLM et de le condamner à payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que le contrat de mandat peut régulièrement stipuler qu'il peut y être mis fin sans préavis en cas de méconnaissance de ses clauses ; qu'en l'espèce, le mandat du 10 mai 2007 confié à la société DLM, qui contenait une clause d'exclusivité aux termes de laquelle le mandataire "s'engage à n'intervenir en aucune façon en qualité d'agent de publicité ou de communication pour toute foire de brocante ou salon d'antiquité ayant lieu en région Ile de France pendant lesdites manifestations de [Localité 5] ou se terminant moins de huit jours avant la date d'ouverture de chacune des deux Foires Nationales à la Brocante et aux Jambons de [Localité 5]", stipulait expressément à cet égard que "Le Syndicat se réserve le droit d'interrompre, sans préavis, la fonction de Chargé de Mission [Localité 5] de l'intéressé, s'il juge que les termes du protocole ont été transgressés" ; qu'était ainsi contractuellement prévue la faculté pour le mandant de révoquer le mandat sans préavis en cas de méconnaissance par le mandataire de ladite clause d'exclusivité ; qu'en l'état de trois infractions à cette clause, en 2009, 2010 et 2013, les juges du fond ont toutefois considéré que la rupture du mandat avait été brutale pour n'avoir pas été précédée d'un préavis ni motivée ; que toutefois ni l'absence d'énoncé de motifs dans la décision de rupture du mandat ni l'absence de préavis, que le contrat conclu avait expressément stipulé en cas de méconnaissance notamment de la clause d'exclusivité, caractérisée en l'espèce, n'étaient susceptibles de conférer un caractère abusif et brutal à la révocation du mandat ; qu'en écartant l'application des stipulations contractuelles, qui avaient pourtant exclu expressément de soumettre la rupture à un préavis, pour se placer exclusivement dans le cadre d'une rupture d'un contrat qui n'aurait pas envisagé de préavis ou aurait envisagé un préavis d'une durée insuffisante et en appréciant si la faute reprochée à la société DLM Communication constituait une faute grave justifiant une rupture immédiate sans préavis de son mandat, la cour d'appel a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, ensemble les articles 2004 et 1382 ancien (devenu 1240) du même code. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu l'article 2004 du code civil :
6. En application de ce texte, un mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans que des motifs aient à être précisés, l'abus dans l'exercice de ce droit de révocation ne pouvant être retenu que si celui qui l'allègue prouve l'intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable.
7. Pour déclarer brutale la rupture des relations contractuelles l'ayant lié à la société DLM et condamner le Syndicat à payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que la résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée peut être effectuée sans motif, pourvu qu'un délai de préavis raisonnable soit respecté et constate que le courrier du 21 novembre 2013 notifiant à la société DLM la rupture des relations contractuelles n'en précise pas le motif et ne prévoit pas de préavis.
8. En statuant ainsi, tout en constatant que les parties étaient liées par un mandat civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la note en délibéré transmise le 22 novembre 2021 par l'association Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain par le réseau privé virtuel des avocats, non autorisée, est écartée des débats, l'arrêt rendu le 28 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [Y], la société DLM Communication et la société Canet, en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y], la société DLM Communication et la société Canet, en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication, et les condamne à payer au Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois et signé par lui et Mme Vaissette, conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement de Mme Fontaine, conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
______________________
Audience publique du 4 octobre 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 633 F-B
Pourvoi n° G 22-15.781
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 OCTOBRE 2023
Le Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain (SNCAO-GA), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-15.781 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 11), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [Y], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société DLM Communication, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Canet, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [Y], de la société DLM Communication et de la société Canet, ès qualités, après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Exposé du litige
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2022), à partir de 1979, l'association Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain (le Syndicat) a confié à la société DLM Communication (la société DLM) la communication et la publicité relatives à sa Foire nationale à la brocante et aux jambons de [Localité 5], organisée deux fois par an.
2. Le Syndicat lui ayant notifié le 21 novembre 2013 la rupture de leurs relations, la société DLM l'a assigné en réparation de son préjudice.
3. Par jugement du 1er avril 2015, la société DLM a été mise en redressement judiciaire, la SCP Canet-Morand étant nommée mandataire judiciaire. Un plan de continuation a été arrêté le 26 octobre 2016.
4. Le Syndicat a appelé en garantie M. [Y], gérant de la société DLM.
Moyens
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le Syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer brutale la rupture des relations contractuelles l'ayant lié à la société DLM et de le condamner à payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, alors « que le contrat de mandat peut régulièrement stipuler qu'il peut y être mis fin sans préavis en cas de méconnaissance de ses clauses ; qu'en l'espèce, le mandat du 10 mai 2007 confié à la société DLM, qui contenait une clause d'exclusivité aux termes de laquelle le mandataire "s'engage à n'intervenir en aucune façon en qualité d'agent de publicité ou de communication pour toute foire de brocante ou salon d'antiquité ayant lieu en région Ile de France pendant lesdites manifestations de [Localité 5] ou se terminant moins de huit jours avant la date d'ouverture de chacune des deux Foires Nationales à la Brocante et aux Jambons de [Localité 5]", stipulait expressément à cet égard que "Le Syndicat se réserve le droit d'interrompre, sans préavis, la fonction de Chargé de Mission [Localité 5] de l'intéressé, s'il juge que les termes du protocole ont été transgressés" ; qu'était ainsi contractuellement prévue la faculté pour le mandant de révoquer le mandat sans préavis en cas de méconnaissance par le mandataire de ladite clause d'exclusivité ; qu'en l'état de trois infractions à cette clause, en 2009, 2010 et 2013, les juges du fond ont toutefois considéré que la rupture du mandat avait été brutale pour n'avoir pas été précédée d'un préavis ni motivée ; que toutefois ni l'absence d'énoncé de motifs dans la décision de rupture du mandat ni l'absence de préavis, que le contrat conclu avait expressément stipulé en cas de méconnaissance notamment de la clause d'exclusivité, caractérisée en l'espèce, n'étaient susceptibles de conférer un caractère abusif et brutal à la révocation du mandat ; qu'en écartant l'application des stipulations contractuelles, qui avaient pourtant exclu expressément de soumettre la rupture à un préavis, pour se placer exclusivement dans le cadre d'une rupture d'un contrat qui n'aurait pas envisagé de préavis ou aurait envisagé un préavis d'une durée insuffisante et en appréciant si la faute reprochée à la société DLM Communication constituait une faute grave justifiant une rupture immédiate sans préavis de son mandat, la cour d'appel a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, ensemble les articles 2004 et 1382 ancien (devenu 1240) du même code. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu l'article 2004 du code civil :
6. En application de ce texte, un mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans que des motifs aient à être précisés, l'abus dans l'exercice de ce droit de révocation ne pouvant être retenu que si celui qui l'allègue prouve l'intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable.
7. Pour déclarer brutale la rupture des relations contractuelles l'ayant lié à la société DLM et condamner le Syndicat à payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que la résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée peut être effectuée sans motif, pourvu qu'un délai de préavis raisonnable soit respecté et constate que le courrier du 21 novembre 2013 notifiant à la société DLM la rupture des relations contractuelles n'en précise pas le motif et ne prévoit pas de préavis.
8. En statuant ainsi, tout en constatant que les parties étaient liées par un mandat civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la note en délibéré transmise le 22 novembre 2021 par l'association Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain par le réseau privé virtuel des avocats, non autorisée, est écartée des débats, l'arrêt rendu le 28 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [Y], la société DLM Communication et la société Canet, en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y], la société DLM Communication et la société Canet, en qualité de commissaire à l'exécution du plan et mandataire judiciaire de la société DLM Communication, et les condamne à payer au Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art moderne et contemporain la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois et signé par lui et Mme Vaissette, conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement de Mme Fontaine, conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.