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Evaluation des politiques publiques, besoind’une nouvelle méthodologie d’observation analytique adaptée au cas marocain(1)

     



Evaluation des politiques publiques, besoind’une nouvelle méthodologie d’observation analytique adaptée au cas marocain(1)
L’évaluation des politiques publiques apparait comme un concept relativement flou, un objet dont les frontières ne sont pas toujours faciles à tracer. Ses multiples définitions  divergent selon les ambitions que nourrissent ses promoteurs qui, souvent, se distinguent selon leur appartenance institutionnelle (élus politiques, responsables administratifs, universitaires ou consultants privés) et leurs orientations disciplinaires (économistes, juristes, politologues, médecins, psychologues, …).

Dans ce contexte, tenter de définir l’évaluation des politiques publiques apparait comme une gageure. Gageure que nous nous proposons, dans l’optique d’analyser l’institutionnalisation de l’évaluation des politiques publiques, de surmonter en proposant une définition générale, volontairement large, qui englobe les différentes conceptions et perspectives de l’évaluation. Parmi les multiples définitions proposées dans la littérature (2), nous retiendrons la définition suivante :

« L'évaluation d'une politique consiste en une étude rigoureuse, basée sur des méthodes scientifiques, visant à mesurer les effets de cette politique publique et à porter un jugement de valeur sur ces effets en fonction des différents critères (par ex. pertinence, efficacité, efficience, économie) »(3).

Dans le cadre de cet article, cette définition parait satisfaisante à plusieurs égards. En effet, elle met en évidence plusieurs traits distinctifs de l’évaluation qui permettent de la différencier d’autres pratiques plus ou moins proches. En fait, la définition retenue présente l’avantage de mettre en évidence l’aspect d’étude rigoureuse basée sur des méthodes scientifiques qu’on appelle observation des politiques publiques.

Au Sens large, L’observation économique et sociale est l’action de suivi attentif des phénomènes, sans volonté de les modifier, à l’aide de moyens d’enquête et d’étude appropriés. Elle se distingue de la méthode expérimentale, qui passe par une purification des phénomènes, souvent à l'intérieur d'un laboratoire.

L’observation des politiques publiques se distingue de l’observation au sens large par son sens analytique (Observation analytique), l’observation des grandeurs économiques dans une durée déterminée ne doit pas se limiter à un suivi quantitatif basé sur les statistiques annuelles ou semestrielles(4), mais elle doit comprendre des explications, interprétations et  commentaires, et même des comparaisons avec les années précédentes afin de pouvoir expliquer la cinématique de cesgrandeurs. C’est cela qui rendra cette observation dynamique ne se limitant pas à l’étude statistique d’une série, mais qui étudie encore l’impact et les effets des chiffres étudiés sur la population(5).

Il s’agit également de chercher à comprendre les tendances, par exemple, en se demandant pourquoi la situation a évolué dans ce sens, en vérifiant que le mode de recueil ou de calcul des données n’a pas changé.  Dans toute démarche d’observation, il est important d’interpréter les évolutions constatées au niveau des trois dernières années (6), tout en tentant de comprendre les facteurs derrières ces évolutions et les conséquences de ces facteurs sur la problématique étudiée.

Toute action d’observation des politiques publiques doit également prendre en considération les principales limites d’observation qui sont :
  • La fiabilité  des données quantitatives et leur non exhaustivité. En effet, les structures ne recensent que les données qu’elles sont en capacité d’appréhender dans leurs dispositifs. Par ailleurs, un chiffre est une construction complexe, qui met en jeu des personnes et des institutions. Un chiffre doit être interprété, il n’établit jamais de rapport direct avec la réalité.
 
  • Autre limite dans l’analyse des données, celle du périmètre d’étude. Qu’il soit géographique (commune, province, région,  pays…) ou relatif au secteur de l’observation (Agriculture, Industrie, Santé….). Quand ces périmètres se chevauchent, ils peuvent rendre les chiffres difficilement comparables entre eux.
 
  • Les données qualitatives, quant à elles, souffrent de leur non-exhaustivité et du fait qu’elles reposent sur des ressentis individuels, du subjectif. Elles rendent compte de points de vue. La collecte de données qualitatives est plus lourde car elle nécessite la mise en place du recueil des informations, ainsi que leur traitement (analyse du contenu des discours, des entretiens…). L’approche qualitative est souvent utilisée pour l’exploration d’un terrain, d’un sujet, mais aussi pour compléter les résultats fournis par l’approche quantitative. Elle permet une meilleure interprétation des données chiffrées.
 
  • Par ailleurs, se pose la question de la temporalité de la démarche d’observation. Les politiques publiques sont soumises à des temporalités diverses, mais le processus d’observation ne peut prendre son sens que sur du long terme pour identifier et prendre en compte le changement. Il faut veiller à créer des séries homogènes permettant de mesurer les évolutions.
Tous ces éléments, montrent qu’il y a une grande nécessité  de concevoir une nouvelle démarche d’  « observation analytique » des politiques publiques, adaptés au travail de l’Observatoire Marocain des Politiques Publiques (7). Cette méthodologie doit tenir compte  des deux approches d’observation (qualitative et quantitative) et de contourner les différentes limites d’observation des politiques publiques citées auparavant.  

L’approche d’observation analytique doit donner une réponse synthétique à un grand nombre de question, à savoir :

Quel sont le cadre de la démarche et son champ d’observation ? Quelle est la méthode appropriée pour le recueil d’informations ? Quels chiffres et statistiques choisir (HCP, BAM, FMI…)? Et comment argumenter le choix des chiffres ? Comment réussir le passage d’une série de chiffres et statistiques à l’étude de l’impact de ces chiffres ? Comment donner un esprit analytique à la lecture statistique ? Quelle est la limite entre l’Observation analytique et l’analyse et explication des données statistiques ?  Comment mesurer les écarts entre ce qui a été prévu dans les programmes gouvernementaux concernant le secteur observé d’une part et, d’autre part, ce qui a été réalisé ? Comment analyser et expliquer les écarts mesurés et déterminer les causes des contreperformances enregistrées ? Quelles sont les particularités du Maroc qui doivent entrées en considération lors de l’observation ? Est-ce que cette démarche d’observation doit prendre en considération et décortiquer le processus décisionnel des politiques publiques au Maroc ? Ou doit-elle se  contenter d’étudier les résultats des politiques publiques ?

Trouver une réponse à toutes ces questions permettra de mettre en œuvre une méthodologie qui répond à un minimum requis d’objectivité et exactitude scientifique qui donnera la crédibilité au travail des chercheurs du domaine. Le plus important, c’est que cette méthodologie d’observation  doit être soumise à un  travail auto critique  permanant par le comité scientifique de l’Observatoire Marocain des politiques Publiques, et qui consistera à étudier ses limites et points faibles afin de l’améliorer, l’affiner et dépasser les critiques dont elle pourrait susciter lors de son expérimentation.

Le premier semestre 2015 connaitra la sortie de la méthodologie d’observation « officielle » qui sera adoptée par l’OMPP lors de ses prochains rapports scientifiques. Elle n’est qu’un préambule d’un grand travail qui aura pour objectif de bien observer les politiques publiques une observation analytique qui permettra d’évaluer l’efficacité et l’efficience de la politique publique étudiée.
 
ANNEXES
 
  1. La proposition de cette méthodologie d’observation se fait dans le cadre des travaux de la rédaction du rapport  d’observation  semestrielle des politiques publiques
  2. Voyez par exemple : Jabot, F. et Bauchet M., « Glossaire », in Ridde, V. et Dagenais C. (dir.), Approches et pratiques en évaluations de programme, Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2009, pp. 328-329 ; Weiss C., Evaluation: Methods for Studying Programs &Policies, Prentice Hall, New jersey, 2008, p. 4 ; Duran P., « L’évaluation des politiques publiques : une résistible obligation », Revue française des affaires sociales, n° 1-2, 2010, pp. 10-11 ; Rossi P. et al., Evaluation: asystematicapproach, Sage Publications (7th ed.), 2004, p. 16
  3. Jacob S. et Varone F. (1), L’évaluation des politiques publiques au niveau fédéral : état des lieux et perspectives, Résultats d’une enquête réalisée dans le cadre du projet de recherche AM/10/016 financé par les SSTC et intitulé « L’évaluation des politiques publiques en Belgique », 2001, pp. 7-8. http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/espo/documents/Evaluation_etat_des_lieux_au_niveau_federal.pdf.
  4.   L’évaluation peut toutefois intégrer les résultats d’un audit mais elle ne doit pas se limiter à cela.
  5. Klöti U., « Les exigences substantielles et méthodologiques de l’évaluation scientifique des politiques publiques », in Bussmann W., Klöti U. et Knoëpfel P. (eds) (traduit de l’allemand par Varone F.), Politiques Publiques. Évaluation, Economica, Paris, 1998, p. 44
  6. Observatoire Marocain des Politiques Publiques : Rapport de l’Observation des politiques publiques sectorielles, vers une Meta méthode (Décembre 2014)
  7. Intervention du comité scientifique de l’Observatoire Marocain des Politiques Publiques : Rapport de l’Observation des politiques publiques sectorielles, vers une Meta méthode (Décembre 2014)
 



الاربعاء 24 ديسمبر 2014
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