La condition relative à la résidence habituelle en France - L' ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE
27
novembre
2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 24-70.006
Première chambre civile - Formation de section
Publié au Bulletin - Publié au Rapport
ECLI:FR:CCASS:2024:AV15012
Titres et sommaires
NATIONALITE
La condition relative à la résidence habituelle en France depuis l'âge de six ans, prévue à l'article 21-13-2, alinéa 1, du code civil, s'apprécie à la date de la majorité de l'intéressé. Cette condition étant acquise, la nationalité française peut, dès lors, être réclamée sur le fondement de ce texte après la majorité, sous réserve de justifier d'une résidence habituelle en France au jour de la souscription de la déclaration, sans qu'il soit exigé une résidence habituelle continue en France entre la date de la majorité et celle de la souscription de la déclaration
Texte de la décision
Entête
Demande d'avis
n°Q 24-70.006
Juridiction : la cour d'appel d'Aix-en-Provence
SV1
Avis du 27 novembre 2024
n° 15012 P+B+R
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
COUR DE CASSATION
_________________________
Première chambre civile
Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Corneloup, conseillère, et l'avis écrit et oral de M. Poirret, premier avocat général ;
Moyens
Énoncé de la demande d'avis
1. La Cour de cassation a reçu le 29 août 2024 une demande d'avis formée le 4 juillet 2024 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en application des articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, dans une instance concernant Mme [D] [Y] et le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
2. La demande est ainsi formulée :
« La condition relative à la durée de la résidence habituelle en France prévue par l'article 21-13-2 du code civil doit-elle être appréciée au jour de la majorité du demandeur à la nationalité, et être ainsi encadrée dans un délai de douze ans, ou au jour de la déclaration de nationalité, quel que soit le délai écoulé entre la majorité du demandeur et la déclaration de souscription de nationalité ? ».
Motivation
Examen de la demande d'avis
3. L'article 21-13-2, alinéa 1er, du code civil, issu de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, dispose que « Peuvent réclamer la nationalité française à leur majorité, par déclaration souscrite auprès de l'autorité administrative en application des articles 26 à 26-5, les personnes qui résident habituellement sur le territoire français depuis l'âge de six ans, si elles ont suivi leur scolarité obligatoire en France dans des établissements d'enseignement soumis au contrôle de l'État, lorsqu'elles ont un frère ou une soeur ayant acquis la nationalité française en application des articles 21-7 ou 21-11 ».
4. Contrairement à l'article 21-13-1 du code civil, issu de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, l'article 21-13-2 de ce code ne précise pas que les conditions énoncées s'apprécient à la date de la souscription de la déclaration.
5. Il résulte des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 7 mars 2016 que l'intention du législateur était, d'abord, de simplifier les démarches d'accès à la nationalité française pour des personnes qui, en raison de l'ancienneté de leur séjour en France et de l'intensité de leurs liens avec ce pays, bénéficient d'une présomption d'assimilation et, ensuite, de remédier aux inégalités au sein des fratries, lorsqu'un frère ou une sur a obtenu la nationalité française en raison de sa naissance et résidence en France.
6. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments, d'une part, que la présomption d'assimilation trouve son fondement dans l'accomplissement de la scolarité obligatoire en France, dans des établissements sous contrôle de l'Etat, dont découle naturellement une condition de résidence habituelle en France, à compter de l'année scolaire suivant le sixième anniversaire jusqu'à l'âge de la majorité, la déclaration de nationalité pouvant être souscrite dès le dix-huitième anniversaire de l'intéressé, et, d'autre part, ce délai étant acquis, qu'une déclaration de nationalité peut être souscrite postérieurement à la majorité, sous réserve d'une résidence habituelle en France au jour de la souscription.
7. L'interprétation contraire, exigeant une résidence habituelle continue en France, depuis l'âge de six ans jusqu'à la date de la souscription de la déclaration, ne permettrait pas de réaliser les objectifs du législateur, tant sous l'angle de la simplification par rapport à la procédure de naturalisation que sous celui de l'égalité au sein des fratries, dès lors qu'une résidence habituelle à l'étranger après la majorité ne produit aucun effet sur la nationalité française du frère ou de la soeur devenu français en raison de sa naissance et de sa résidence en France.
8. Il y a donc lieu de répondre à la question ainsi :
La condition relative à la résidence habituelle en France depuis l'âge de six ans, prévue à l'article 21-13-2, alinéa 1er, du code civil, s'apprécie à la date de la majorité de l'intéressé. Cette condition étant acquise, la nationalité française peut, dès lors, être réclamée sur le fondement de ce texte après la majorité, sous réserve de justifier d'une résidence habituelle en France au jour de la souscription de la déclaration, sans qu'il soit exigé une résidence habituelle continue en France entre la date de la majorité et celle de la souscription de la déclaration.
Dispositif
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
EST D'AVIS QUE la condition relative à la résidence habituelle en France depuis l'âge de six ans, prévue à l'article 21-13-2, alinéa 1er, du code civil, s'apprécie à la date de la majorité de l'intéressé. Cette condition étant acquise, la nationalité française peut, dès lors, être réclamée sur le fondement de ce texte après la majorité, sous réserve de justifier d'une résidence habituelle en France au jour de la souscription de la déclaration, sans qu'il soit exigé une résidence habituelle continue en France entre la date de la majorité et celle de la souscription de la déclaration.
Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 27 novembre 2024, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 26 novembre 2024 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Champalaune, président, Mme Guihal, conseiller doyen, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, conseillers, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, M. Poirret, premier avocat général, Mme Vignes, greffier de chambre ;
Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.
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